L'épouvantail migratoire
Le sujet de l'immigration reste épineux
L’épouvantail migratoire
Malgré le contexte d’urgence climatique, de nombreux pays aux conditions moins hostiles gardent farouchement leurs frontières. Le sujet de l’immigration et des frontières reste épineux.
Facteurs migratoires
Chaque année, 24 millions de personnes sont contraintes de fuir un territoire rendu inhabitable, par les chaleurs extrêmes, les inondations, la sécheresse. Les changements environnementaux peuvent causer des problèmes de santé et/ou une insécurité alimentaire qui à terme favorisent la migration. Autre facteur, l'élévation du niveau de la mer, qui menace certains États insulaires. Les régions de Méditerranée ne seront pas épargnées. D’ici à 2050, dans seulement trois régions du monde (Afrique subsaharienne, Asie du Sud et Amérique latine), le changement climatique pourrait forcer plus de 143 millions de personnes à se déplacer à l’intérieur de leur pays selon la nouvelle édition du rapport Groundswell de la Banque Mondiale. De tout temps, les peuples ont toujours migré, pour des raisons économiques, sociales ou politiques, et plus récemment, pour des raisons climatiques et environnementales. Grand nombre d'individus sont forcés de quitter leurs territoires afin de reconstruire leurs vies. On est loin de l’image du migrant menaçant. Les femmes et les hommes qui s’installent en France rêvent surtout de pouvoir reconstruire leur vie, d’assurer à leur famille une certaine stabilité sociale et économique et de contribuer à la vie commune, sans pour autant couper les liens avec la famille restée au pays. L’épouvantail de l’étranger reste une manière artificielle de réactiver la cohésion sociale.
Terre d’accueil
Les personnes qui migrent dans un contexte de dégradations environnementales bénéficient d'une protection de la part de leurs États et de la communauté internationale. Mais le vide juridique rend cette question complexe et floue. Cela donne lieu à des situations embarrassantes entre les États. Pour exemple, le bateau SOS Méditerranée avec à son bord 234 migrants venus de Libye, qui s’est vu refuser une entrée à Malte, puis en Italie, pour finir à Toulon avec une hostilité manifeste du gouvernement qui menaçait tous celles et ceux qui ne relèveraient pas du droit au séjour et d’asile. Pourtant, depuis la crise des réfugiés en 2015 et jusqu’en 2019, la France a enregistré en moyenne 1 650 demandes pour 1 million d’habitants chaque année, soit un taux de demandes d’asile équivalent à 0,17 % de sa population. Ce qui la place loin derrière l’Allemagne et la Suède dont les demandes d’asile ont été respectivement deux à trois fois plus élevées. Avec environ 277 000 entrées d’immigrés permanents en 2018 pour 67 millions d’habitants, le taux d’immigration en France s’établit à 0,4 %.
Un habitant de Corse sur dix est immigré. Cette proportion est supérieure à la moyenne française (8,8 %), mais l'écart s'amoindrit. Depuis 1999, en effet, la part d'immigrés reste stable en Corse. Proportionnellement à sa population, la France accueille deux fois moins d’immigrés que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, et trois fois moins que la Suède ou l’Autriche. Comparée à ses voisins européens, la France se caractérise donc par des flux d’immigrés modérés et une part d’immigrés dans sa population relativement modeste. La spécificité corse est que son immigration est majoritairement européenne, à 54,4 %, et à 42 % africaine. C'est l'inverse de la tendance nationale.
À l’épreuve des chiffres
Un rapport de l'OCDE montre que l'impact de l'immigration est globalement faible sur les comptes publics et pourrait être amélioré avec un meilleur taux d'emploi dans les pays d'accueil. Une nouvelle étude du CNRS arrive à la même conclusion : les flux migratoires ont eu un effet positif sur l’économie au cours des trente dernières années en Europe. En France, la contribution budgétaire nette des personnes nées à l'étranger est de 1,02 % du PIB, donc légèrement excédentaire, contre une moyenne de 1,56 % sur l'ensemble des pays. Même en comptant tout ce que l'État dépense sur les migrants (santé, éclairage public, police, allocations…) et ce qu'ils contribuent, l’écart de contribution budgétaire nette est entre -1 et +1 % du PIB. Dans les pays où il y a eu beaucoup d'immigration récente et jeune, on aura une contribution plus positive, comme en Italie ou en Espagne. Et vice-versa. La France est dans une situation intermédiaire, avec une population immigrée plus vieillissante. Pas de quoi lancer les hostilités contre les migrants et refuser d’accueillir.
Maria Marina