Pierre Poggioli : plongée dans trois décennies d'histoire
Images et écrits d'une lutte
Pierre Poggioli : plongée dans trois décennies d’Histoire
Attention : « Images et écrits d’une lutte » n’est pas un ouvrage historique pouvant prétendre à l’objectivité scientifique mais représente infiniment plus que les Mémoires d’un militant. C’est un monument !
Depuis le début des années 1970, Pierre Poggioli que beaucoup de militants nationalistes et bien d’autres appellent « Pierrot », est au cœur des combats régionaliste, autonomiste ou indépendantiste qui revendiquent la reconnaissance de l’identité et des droits collectifs du peuple corse. Ses engagements ont été multiples (clandestin, responsable politique, mandat électif, syndicalisme…) et ont évolué au fil de son vécu des événements, de son expérience et de sa réflexion.
En revanche, sa volonté d’être acteur et la force de sa conviction nationaliste n’ont jamais varié. En effet, s’il est en retrait de l’action politique partisane depuis plusieurs années, il s’emploie par l’écriture à faire connaître ce qu’ont été, particulièrement dans la démarche nationaliste, les combats corses d’hier et à soutenir, analyser et enrichir ceux d’aujourd’hui. Il est en effet l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, de contributions et articles et, ces derniers jours, il a publié le tome 1 de « Images et écrits d’une lutte » qui, écrit-il dans la postface, « revient sur les faits, les enchaînements et les évolutions engendrés par une situation conflictuelles qui n’était (et n’est) que l’expression des aspirations et de la volonté légitimes des Corses à promouvoir et pouvoir décider de leur avenir collectif, chez eux sur leur terre. »
Attention : « Images et écrits d’une lutte » n’est pas un ouvrage historique pouvant prétendre à l’objectivité scientifique car Pierre Poggioli y confie son implication dans nombre d’événements et y précise ce qu’ont été ses appréciations des situations, ses décisions et ses jugements. « Images et écrits d’une lutte » représente cependant infiniment plus que les Mémoires d’un militant. C’est un monument ! Le lecteur y trouve au fil de 526 pages : des centaines de photos, d’articles et de documents ; un retour sur plus de trois décennies (1960-1992) de d’initiatives et de combats politiques (publics ou clandestins), syndicaux, culturels et associatifs ; de l’information brute souvent tirée de l’oubli ou inédite sur les hommes ou les événements ; des commentaires de l’auteur pouvant être soumis à la contradiction ; de l’invitation à l’analyse critique ; de l’incitation à la recherche et à la réflexion.
Que retenir politiquement d’une première lecture de ce monument ? Assurément, trois éclairages politiques majeurs.
Le premier est que l’émergence, l’affirmation, le développement et les succès de la revendication nationaliste moderne n’ont pas seulement résulté, comme on essaie trop souvent de le faire croire depuis quelques années, de l’action spectaculaire conduite en août 1975 par un « père » charismatique, et de la capacité d’un « fils » à produire des victoires électorales « historiques ».
Le deuxième est que le recours à la violence clandestine est intimement lié aux luttes du peuple corse pour la reconnaissance de son identité et de ses droits collectifs. Cette forme de lutte est en effet apparue dès le début des années 1960, simultanément avec les premières revendications régionalistes et autonomistes.
Le troisième est que dès la seconde partie des années 1980, aussi bien au sein du FLNC que des organisations publiques (contre-pouvoirs) inscrites dans la stratégie (Lutte de Libération Nationale) des clandestins (Direction politique), il existait de fortes tensions, des divergences profondes et des rivalités naissantes. Tout cela certes déjà été dit et écrit, notamment par Pierre Poggioli. Mais aucun ouvrage n’avait encore apporté autant de matière permettant de savoir, de réfléchir, de comprendre, d’évaluer et de juger.
Pierre Corsi
Trois éclairages politiques
1 / L’émergence, l’affirmation et le développement de la revendication nationaliste moderne n’ont pas seulement résulté d’un « père » et d’un « fils »
- Début des années 1960, à Paris : création de l’Union Corse, l’Association des Étudiants Corses de Paris puis de l’Union Nationale des Étudiants Corses.
- Début des années 1960, en Corse : premières mobilisations massives pour la défense d’intérêts collectifs du peuple corse (journée Isula morta et manifestation pour le maintien du réseau ferré, des arrêtés Miot et un Statut fiscal ; manifestation contre l’installation d’un site d’essais nucléaires à l’Argentella).
- 1962 : parution d’un Manifeste sur l’autonomie interne intitulé « Au problème corse, une solution corse » lors de la Cunsulta annuelle des Corses de l’extérieur.
2 / Le recours à la violence clandestine est intimement lié aux luttes du peuple corse pour la reconnaissance de son identité et de ses droits collectifs.
- 1961 et 1962 : dans le bord de l’île, premiers attentats, la plupart étant revendiqués par le Comité Corse pour l’Indépendance qui se prononce, en septembre 1962 dans un Livre blanc, pour une Corse indépendante, neutre et zone franche.
- 1964 : dans le Fium’Orbu, premiers attentats pour dénoncer l’attribution prioritaire de terres et de financements de bâtiments, de réseaux et de d’équipements à des exploitants agricoles rapatriés d’Afrique du Nord.
3 / Dès le milieu des années 1980, apparaissent de fortes tensions, des divergences profondes et des rivalités au sein du FLNC et des organisations publiques de la Lutte de Libération Nationale.
- 1984 : «Un débat récurent suscite de multiples discussions souvent houleuses. Il tourne autour de l’utilisation d’attentats quasiment aveugles que certains souhaitent voir perpétrer sur le territoire français, notamment par la pose de bombes dans des lieux publics, métro par exemple, pour frapper l’opinion française et internationale, et contraindre la France à négocier l’indépendance de la Corse.
- 1986 : l’idée d’intéresser les régions à la recherche de moyens financiers commence à faire son chemin. Je ne suis pas d’accord. Ce système prépare les dérives qui immanquablement se produiront. La Direction politique n’a plus, à ce moment là, les moyens de contrôler le prélèvement et le montant véritable des sommes.
- 1986 : Le débat porte sur la notion d’autodétermination et l’indépendance. En fait, derrière cette discussions, se poursuit la remise en cause de la Direction Nationale.
- 1987 : minée de l’intérieur, la Direction du FLNC n’étant pas a même de ce fait de prendre des décisions et de les appliquer, je ne me rends plus à certaines réunions. Un débat va s’ouvrir autour de la direction politique : Direction unique FLNC ou codirection structure publique, structure clandestine ?