Galerie Noir et Blanc / Jean -Marie Zacchi
Ode au bleu et à ses fragrances de Méditerranée.
Galerie Noir et Blanc : Jean-Marie Zacchi
Invitation à voyager dans le bleu Zacchi lancée par la Galerie Noir et Blanc de Bastia. Quelle belle exploration ! Quelle superbe navigation dans cette couleur aux multiples déclinaisons, aux variations plurielles ! Ode au bleu et à ses fragrances de Méditerranée.
Le peintre Zacchi est internationalement reconnu et c’est une chance pour les Bastiais de voir, de humer les toiles de cet originaire de Cervione. L’affiche de l’exposition est en elle-même d’une magique poésie. Deux arbres, peut-être trois, entre ciel, mer et roc en leur délicatesse puissante. Les arbres chez Jean-Marie Zucchi sont un motif sans cesse renaissant et renouvelé. Ils inspirent grands élans d’âme et de cœur. Ils ont un souffle expression d’une sagesse profonde. Il y a en eux une bienveillance qui touche et interpelle car porteuse de spiritualité. Leurs troncs reflétant la lumière deviennent solaires. Leurs feuillages disent autant le calme apaisant d’une belle journée que leur tourment sous un vent violent. Ils parlent ces arbres. Ils sont conteurs de mythes lointains. Ils sont récitants de vieilles légendes aussi vieilles que le monde. Ils incarnent un espace-temps entre la voûte céleste t la terre-mère.
Autre sujet récurrent chez l’artiste : les bouquets qui jouent verticalité et horizontalité des lignes réussissant à inventer des floraisons mystérieuses jaillissant de vases pouvant être impassibles ou devisant joyeusement.
Les œuvres de Zacchi n’hésitent pas non plus à adresser des clins d’œil à ceux qui les observent, qui les admirent. Ainsi le point sur le « i » du patronyme du peintre s’en va-t-il vagabonder ici et là sur le tableau pour se cacher et se révéler en même temps.
Jean-Marie Zacchi peint à l’huile sur toile de lin, au pinceau, au couteau, parfois à la brosse. Il ose les coulures qui se marient au relief de la matière. A l’occasion l’univers chromatique de l’artiste se tourne vers le jaune, le mauve, le violet, le fuchsia. Peintre de la Marine il a l’avantage – s’il le désire – de greffer une ancre de bateau à sa signature, toujours en rouge puisque c’est son parti pris !
Michèle Acquaviva-Pache
Jean-Marie Zacchi fête cette année ses soixante ans de peinture. Pour célébrer cet anniversaire il publie un magnifique ouvrage sous le titre, « Zacchi – peintre de la sérénité. » à lire et à contempler de toute urgence.
Le livre s’ouvre sur ces mots de l’artiste qui dévoilent bien son propos : « Je laisse dans toutes mes toiles la liberté d’imaginer, d’inventer, de se projeter, le libre choix d’interpréter et de rêver. Je souhaite faire ressentir la lumière, l’atmosphère et l’émotion. »
Les illustrations de l’ouvrage sont singulièrement belles. Des photographies évoquent son accueil au Japon et quelques échanges avec des artistes japonais, coréens, chinois.
ENTRETIEN AVEC JEAN-MARIE ZACCHI
Votre livre s’intitule, « Zacchi – peintre de la sérénité ». En quoi cette expression vous qualifie-t-elle ?
Cette expression c’est mon petit-fils, Alexis, qui l’a trouvé et je trouve qu’elle me ressemble. Au Japon on m’appelle « le peintre zen » … En tous cas je n’aime pas la foule ni la circulation automobile en ville. Une fois, lors d’une exposition, une visiteuse en dépression a dérobé une de mes toiles où dominait le jaune. Elle a expliqué ensuite que cette œuvre était pour elle apaisante ! Que ma peinture puisse faire du bien, c’est une joie… Mais dans mes toiles on ne rentre pas d’un coup.
Comment s’est fait votre passage de Cervione à Paris ?
En fai,t je suis né en Algérie, à Philippeville précisément, à une époque où les Corses étaient de grands voyageurs. Mon père était militaire. Quand j’ai eu deux ans ma famille est partie s’installée à Boulogne-Billancourt. Toutes mes vacances je les passais à Cervione d’où mes parents sont originaires. En 1962 je me suis inscrit à L’Ecole Supérieure des Arts Modernes où étaient dispensées plusieurs disciplines et je suis allé en architecture.
De quand date votre amour pour la peinture ? Comment l’avez-vous découvert ?
J’avais 11 – 12 ans, je copiais de grands maîtres que j’admirais comme Nicolas de Staël et Bernard Buffet. Le premier était très en avance sur son temps. On sentait qu’il se posait beaucoup de questions. Je me souviens aussi qu’adolescent j’ai copié « La jeune fille au peigne » de Renoir pour en faire cadeau à ma mère.
Quelles sont les étapes importantes de votre parcours artistique ?
J’ai vraiment débuté en tant qu’artiste peintre dans les années 70. J’ai alors exposé dans d’importantes galeries parisiennes : Galerie Vendôme, rue de La Paix ; chez Alexandre Léadouze, avenue Matignon ; Galerie du Marais, place des Vosges tenue par Paule Luciani ainsi que dans la galerie qu’elle a ouvert à Saint Malo. C’est chez elle que je vais fait fêter mes soixante ans de peinture avec une rétrospective de mon travail. Ce sera le 16 octobre. En août je vais exposer au Japon.
Votre première exposition date de 1963, avant même la fin de vos études. Quels ont été les échos recueillis ?
A cette date j’ai participé à une exposition collective, le Salon des Artistes Français, au Grand Palais de Paris. Ce salon dédié à la peinture est le plus ancien du monde puisqu’il date de Louis XIV. Dans les années 90 j’en suis devenu président. Autour de moi des vice-présidents qui s’occupent de la peinture, de la gravure, de la photo, de l’architecture. Au sein de cet organisme il y a plusieurs jurys qui décernent des prix.
Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par « Transposition figurative », qui désigne votre style ?
Ma peinture n’est ni abstraite ni figurative car je transpose la figuration.
Quelles couleurs vous font vibrer ?
Le bleu… surtout le bleu. Le bleu de Prusse, que je manie tellement qu’il y a en lui une infinité de bleus. Instinctivement quand j’attaque une toile c’est en bleu. Je recours au jaune ou à d’autres couleurs pour sortir du bleu !
Les thèmes, les sujets qui vous inspirent ?
Les arbres parce qu’ils sont le lien entre le ciel et la terre. Parce qu’ils sont notre oxygène… Sans les arbres on serait très mal ! Ils sont pratiquement ma signature.
Des rencontres avec d’autres artistes ont-elles été pour vous particulièrement déterminantes ?
Oui. Ainsi avec Zao Woui-Ki, peintre d’origine chinoise installé à Paris. C’était un homme radieux. Ses toiles, abstraction lyrique, vous emportent dans le rêve, dans un ailleurs. Il y a également des artistes tels Buffet ou de Staël, que je n’ai pu rencontrer mais qui m’ont marqué.
Vous travaillez beaucoup avec le Japon. Quelles affinités avez-vous avec ce pays ?
Depuis trente ans je travaille avec le Japon, depuis dix sept ans avec la Corée du Sud et par intermittence avec la Chine. J’ai récemment exposé au musée de Shenzu mais je n’ai pu y aller en raison du Covid. Dans ces pays je ne m’y rend pas seulement pour vendre des toiles mais pour m’en imprégner, pour les connaître en profondeur en échangeant avec les gens. En Asie, avec l’âge les artistes sont considérés comme de « trésors vivants ». Ils ont un grand respect pour l’art. Pour moi, ceux qui naissent là-bas, viennent au monde un pinceau à la main… Et puis il y a leur calligraphie sans laquelle un Georges Mathieu et un Joan Miró n’auraient pas existé. En Asie il y a une philosophie de la peinture à apprendre.
Votre plus grande joie en tant qu’artiste ?
Peindre et pouvoir faire ce fabuleux métier de peintre. Avoir choisi cette voie incertaine et fragile où il n’y a que peu d’élus. Peindre c’est le bonheur suprême et quand on est reconnu dans son pays c’est un bonheur redoublé ! Je suis heureux d’exposer à la Galerie Noir et Blanc de Bastia… Une galerie c’est une maison pour un artiste.
Propos recueillis par M.A-P