Nationalisme : Avis de tempête sur Femu Corsica
Femu Corsica doit compter avec un vent mauvais, des vagues menaçantes et de gros nuages.
Avis de tempête sur Femu a Corsica
Eté 2017, le 16 juillet, dans un long communiqué, Gilles Simeoni appelle l’ensemble des responsables et militants des trois organisations parties prenantes de la coalition politique et électorale Femu a Corsica (Inseme per a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa, Chjama Naziunale), ainsi que celles et ceux qui se reconnaissent dans la démarche de celle-ci, à opérer un saut qualitatif : « Femu a Corsica doit évoluer fortement et rapidement, et devenir un véritable parti de gouvernement. »
Deux semaines plus tard, le 30 juillet, 500 personnes se réunissent à l’Università di Corsica pour jeter les bases d’un « véritable parti de gouvernement, adossé à un fonctionnement respirant et démocratique, ouvert à la société civile, présent sur tous les terrains de lutte et d'action. »
En poussant cette démarche, le Président du Conseil exécutif entend doter la majorité territoriale d’un outil performant au service de la mission historiques qu’il assigne au nationalisme : construire un pays (Un paese da fà) et aussi prendre en compte la « mutation politique majeure » qui s’est selon lui dessinée puis affirmée à l’occasion de trois élections : les municipales de Bastia de mars 2014 qui ont constitué la première défaite majeure du clan ; les territoriales de décembre 2015 qui ont porté le nationalisme aux responsabilités ; les législatives de juin 2017 à l’issue desquelles trois députés nationalistes ont fait leur entrée à l’Assemblée Nationale.
La démarche a aussi pour objectif de faire face à des échéances et des défis majeurs : élections territoriales de décembre 2017, recherche d’une solution politique globale, chantiers stratégiques à mener à bien (mise en place de la Collectivité de Corse, nouvelles approches des dossiers politiques, économiques, sociaux et culturels). La démarche doit également répondre à l’attente d’ouverture et de changement des élus, des électrices et des électeurs non nationalistes qui, depuis 2014, apportent leur concours et leurs suffrages aux candidats et aux listes nationalistes.
Enfin, la démarche entend être porteuse de choix et de décisions qui respecteront les fondamentaux du nationalisme « pour lesquels des générations de femmes et d’hommes se sont battus depuis des décennies. » Le 15 octobre 2017, sous un chapiteau dressé à l’entrée de Corti, a lieu le congrès fondateur du parti Femu a Corsica. Inseme per a Corsica, le Partitu di a Nazione Corsa et Chjama Naziunale s’engagent à fusionner.
Le think tank Pudemu et plusieurs élus non nationalistes se joignent à la démarche.
Deux ans plus tard, en décembre 2019, 1500 adhérents participent à la première assemblée générale du parti. Mais la plupart des élus, des responsables et des militants du Partitu di a Nazione Corsa manquent à l’appel. Quelques mois après les élections territoriales de décembre 2017, craignant que leur influence et la revendication de l’autodétermination disparaissent au sein d’un parti dont les statuts ne reconnaissent pas les courants organisés, Jean-Christophe Angelini et ses amis sont en effet revenus sur leur décision d’intégrer Femu a Corsica.
Bonne figure mais…
La défection du Partitu di a Nazione Corsa n’empêche cependant pas les dirigeants de Femu a Corsica de se montrer optimistes et offensifs. Le secrétaire national du parti, le député Jean-Félix Acquaviva, tire un bilan positif : « Cette première année fut celle de la structuration » et fixe un cap stratégique : « La commission Projet construit un projet de société qui devra être mûr en 2021. »
Répondant aux opposants de droite et de gauche qui s’organisent pour tenter de prendre Bastia lors des élections municipales devant avoir lieu quelques mois plus tard, le député Michel Castellani assène : « Nous ne laisserons pas revenir des gens qui avaient transformé Bastia en citadelle d'une république bananière. »
Enfin Gilles Simeoni affiche sa confiance malgré les difficultés rencontrées dans le cadre de la majorité territoriale (le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera affichent leur différence) et surtout dans la gestion de la Collectivité de Corse :
« Les difficultés actuelles sont nombreuses, cumulatives et réelles (…)
Ceux qui font semblant de croire que les nationalistes sont responsables de l'état de ruine dans lequel nous avons trouvé ce pays mentent. Que les gens nous disent "Vous n'allez pas assez vite", nous pouvons l'entendre. Mais ceux qui viennent, et notamment dans nos rangs, critiquer la ligne stratégique, qui laissent croire aux jeunes qu'il y a un autre chemin, se trompent (…)
Nous allons assumer le rapport de force que nous impose l'État et nous ne céderons rien sur nos revendications institutionnelles, culturelles ou fiscales. »
A ce jour, Femu a Corsica fait encore bonne figure.
L’objectif de conserver Bastia a été atteint. Le parti et ses alliés ont par ailleurs pris le contrôle de la Communauté d’Agglomération de Bastia et conquis quelques municipalités (Biguglia, Luri, U Petrosu…) Il peut aussi espérer compter prochainement un sénateur dans ses rangs. Petru-Santu Parigi fait en effet figure de favori pour le siège de Haute-Corse. Tout cela a quelque peu relativisé la déroute dans le Sud.
Mais Femu a Corsica doit compter avec la tempête qui menace. Un vent mauvais prend force. Il se nourrit de la discorde entre les mouvements nationalistes, du désenchantement de nombreux militants autonomistes et indépendantiste et de la déception de certains compagnons de route progressistes.
Des vagues menaçantes apparaissent à l’horizon Elections territoriales. Venues du golfe d’Aiacciu, elles sont grossies par un leader, Laurent Marcangeli, qui s’affirme et s’emploie à fédérer autour de sa personne, des opposants qui s’unissent en vue du premier tour et des oppositions de gauche, de droite et macronistes qui envisagent de se coaliser au deuxième tour.
Enfin, de gros nuages s’accumulent.
En effet, la majorité territoriale est confrontée à des échecs ou des retards. La lourde machine Collectivité de Corse peine à se substituer avec proximité et efficacité à feu les départements (notamment concernant le lien avec les communes, le réseau routier secondaire et le social). Le dossier Transport maritime vire au boulet. Le train n’a toujours pas mis le cap vers la Plaine Orientale.
Rien n’a été obtenu au plan fiscal et institutionnel. Le traitement des déchets est un demi-échec. Quant à certains fondamentaux, ils semblent ne plus relever que de l’incantatoire. Les prisonniers restent derrière les barreaux, la langue corse continue de perdre de perdre du terrain dans la vie sociale, la spéculation immobilière et la bétonisation prospèrent, la corsisation des emplois est en berne, près de 5000 non-corses deviennent chaque année des résidents dont la plupart n’ont aucune envie de s’intégrer au Peuple Corse.
• Pierre Corsi
Eté 2017, le 16 juillet, dans un long communiqué, Gilles Simeoni appelle l’ensemble des responsables et militants des trois organisations parties prenantes de la coalition politique et électorale Femu a Corsica (Inseme per a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa, Chjama Naziunale), ainsi que celles et ceux qui se reconnaissent dans la démarche de celle-ci, à opérer un saut qualitatif : « Femu a Corsica doit évoluer fortement et rapidement, et devenir un véritable parti de gouvernement. »
Deux semaines plus tard, le 30 juillet, 500 personnes se réunissent à l’Università di Corsica pour jeter les bases d’un « véritable parti de gouvernement, adossé à un fonctionnement respirant et démocratique, ouvert à la société civile, présent sur tous les terrains de lutte et d'action. »
En poussant cette démarche, le Président du Conseil exécutif entend doter la majorité territoriale d’un outil performant au service de la mission historiques qu’il assigne au nationalisme : construire un pays (Un paese da fà) et aussi prendre en compte la « mutation politique majeure » qui s’est selon lui dessinée puis affirmée à l’occasion de trois élections : les municipales de Bastia de mars 2014 qui ont constitué la première défaite majeure du clan ; les territoriales de décembre 2015 qui ont porté le nationalisme aux responsabilités ; les législatives de juin 2017 à l’issue desquelles trois députés nationalistes ont fait leur entrée à l’Assemblée Nationale.
La démarche a aussi pour objectif de faire face à des échéances et des défis majeurs : élections territoriales de décembre 2017, recherche d’une solution politique globale, chantiers stratégiques à mener à bien (mise en place de la Collectivité de Corse, nouvelles approches des dossiers politiques, économiques, sociaux et culturels). La démarche doit également répondre à l’attente d’ouverture et de changement des élus, des électrices et des électeurs non nationalistes qui, depuis 2014, apportent leur concours et leurs suffrages aux candidats et aux listes nationalistes.
Enfin, la démarche entend être porteuse de choix et de décisions qui respecteront les fondamentaux du nationalisme « pour lesquels des générations de femmes et d’hommes se sont battus depuis des décennies. » Le 15 octobre 2017, sous un chapiteau dressé à l’entrée de Corti, a lieu le congrès fondateur du parti Femu a Corsica. Inseme per a Corsica, le Partitu di a Nazione Corsa et Chjama Naziunale s’engagent à fusionner.
Le think tank Pudemu et plusieurs élus non nationalistes se joignent à la démarche.
Deux ans plus tard, en décembre 2019, 1500 adhérents participent à la première assemblée générale du parti. Mais la plupart des élus, des responsables et des militants du Partitu di a Nazione Corsa manquent à l’appel. Quelques mois après les élections territoriales de décembre 2017, craignant que leur influence et la revendication de l’autodétermination disparaissent au sein d’un parti dont les statuts ne reconnaissent pas les courants organisés, Jean-Christophe Angelini et ses amis sont en effet revenus sur leur décision d’intégrer Femu a Corsica.
Bonne figure mais…
La défection du Partitu di a Nazione Corsa n’empêche cependant pas les dirigeants de Femu a Corsica de se montrer optimistes et offensifs. Le secrétaire national du parti, le député Jean-Félix Acquaviva, tire un bilan positif : « Cette première année fut celle de la structuration » et fixe un cap stratégique : « La commission Projet construit un projet de société qui devra être mûr en 2021. »
Répondant aux opposants de droite et de gauche qui s’organisent pour tenter de prendre Bastia lors des élections municipales devant avoir lieu quelques mois plus tard, le député Michel Castellani assène : « Nous ne laisserons pas revenir des gens qui avaient transformé Bastia en citadelle d'une république bananière. »
Enfin Gilles Simeoni affiche sa confiance malgré les difficultés rencontrées dans le cadre de la majorité territoriale (le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera affichent leur différence) et surtout dans la gestion de la Collectivité de Corse :
« Les difficultés actuelles sont nombreuses, cumulatives et réelles (…)
Ceux qui font semblant de croire que les nationalistes sont responsables de l'état de ruine dans lequel nous avons trouvé ce pays mentent. Que les gens nous disent "Vous n'allez pas assez vite", nous pouvons l'entendre. Mais ceux qui viennent, et notamment dans nos rangs, critiquer la ligne stratégique, qui laissent croire aux jeunes qu'il y a un autre chemin, se trompent (…)
Nous allons assumer le rapport de force que nous impose l'État et nous ne céderons rien sur nos revendications institutionnelles, culturelles ou fiscales. »
A ce jour, Femu a Corsica fait encore bonne figure.
L’objectif de conserver Bastia a été atteint. Le parti et ses alliés ont par ailleurs pris le contrôle de la Communauté d’Agglomération de Bastia et conquis quelques municipalités (Biguglia, Luri, U Petrosu…) Il peut aussi espérer compter prochainement un sénateur dans ses rangs. Petru-Santu Parigi fait en effet figure de favori pour le siège de Haute-Corse. Tout cela a quelque peu relativisé la déroute dans le Sud.
Mais Femu a Corsica doit compter avec la tempête qui menace. Un vent mauvais prend force. Il se nourrit de la discorde entre les mouvements nationalistes, du désenchantement de nombreux militants autonomistes et indépendantiste et de la déception de certains compagnons de route progressistes.
Des vagues menaçantes apparaissent à l’horizon Elections territoriales. Venues du golfe d’Aiacciu, elles sont grossies par un leader, Laurent Marcangeli, qui s’affirme et s’emploie à fédérer autour de sa personne, des opposants qui s’unissent en vue du premier tour et des oppositions de gauche, de droite et macronistes qui envisagent de se coaliser au deuxième tour.
Enfin, de gros nuages s’accumulent.
En effet, la majorité territoriale est confrontée à des échecs ou des retards. La lourde machine Collectivité de Corse peine à se substituer avec proximité et efficacité à feu les départements (notamment concernant le lien avec les communes, le réseau routier secondaire et le social). Le dossier Transport maritime vire au boulet. Le train n’a toujours pas mis le cap vers la Plaine Orientale.
Rien n’a été obtenu au plan fiscal et institutionnel. Le traitement des déchets est un demi-échec. Quant à certains fondamentaux, ils semblent ne plus relever que de l’incantatoire. Les prisonniers restent derrière les barreaux, la langue corse continue de perdre de perdre du terrain dans la vie sociale, la spéculation immobilière et la bétonisation prospèrent, la corsisation des emplois est en berne, près de 5000 non-corses deviennent chaque année des résidents dont la plupart n’ont aucune envie de s’intégrer au Peuple Corse.
• Pierre Corsi