Nationalisme : le retour de la base ?
Le nationalisme reste trop souvent embourbé dans les sables du " terrain de lutte institutionnel ". Cependant, ces temps derniers, deux initiatives semblent de nature à faire bouger les choses.
Nationalisme : le retour de la base ?
Le nationalisme reste trop souvent embourbé dans les sables du « terrain de lutte institutionnel ». Cependant, ces temps derniers, deux initiatives semblent de nature à faire bouger les choses.
En décembre 2015, les nationalistes ont gagné les élections territoriales, Gilles Simeoni a accédé à la présidence du Conseil Exécutif, Jean-Guy Talamoni est devenu président de l'Assemblée de Corse.
Il s’est réellement agi d’événements historiques. La liesse populaire a d’ailleurs été à la hauteur. Le soir du scrutin des milliers de militants et sympathisants sont descendus dans la rue pour exprimer leur joie et leur espoir. Quelques jours plus tard, l’installation de l’Assemblée de Corse a été saluée par des militants et des sympathisants massés devant les grilles de l’ancien Grand Hôtel Continental qui abrite l’institution. Du fait que l’instauration de la Collectivité de Corse nécessitait d’organiser de nouvelles élections, la mandature n’a été que de deux ans. Ce qui a interdit l’impulsion de grands changements.
La majorité territoriale nationaliste a toutefois bénéficié d’un état de grâce car, tout en ayant conscience que rien ne se ferait en un jour et que les élus nationalistes avaient beaucoup à apprendre, la plupart des Corses espéraient qu’avec la mise en place de la Collectivité de Corse, soufflerait le vent du changement.
Cet état de grâce a permis aux nationalistes d’engranger deux nouvelles grandes victoires.
En juin 2017, trois d’entre eux ont été élus députés. En décembre 2017, avec un score de 56,5 % au second tour, ils ont remporté le scrutin territorial et se sont assurés une majorité absolue aux commandes de la toute nouvelle Collectivité de Corse.
Cette victoire n’a toutefois pas donné lieu à de grandes manifestations de joie. L’électorat qui avait trois fois en deux ans accordé sa confiance, était désormais davantage animé par l’attente de résultats concrets que par l’envie de crier victoire.
Des effets pervers
Les succès enregistrés sur le terrain institutionnel ont alors commencé à produire des effets pervers.
Les militants et les sympathisants qui avaient beaucoup donné durant des décennies et qui se sentaient désormais représentés aux commandes de la Collectivité de Corse, se sont progressivement désinvestis de l’action politique et revendicative.
Les élus qui estimaient être porteurs de la volonté populaire et considéraient que l’exercice du pouvoir nécessitait de prendre de la hauteur, en sont venus à agir sans s’appuyer sur leurs bases militantes et sans chercher à susciter des mobilisations populaires, à confisquer la parole, à verrouiller les débats, à accepter des compromis politiques en lesquels beaucoup de militants et de sympathisants ont vu autant de compromissions ou de renoncements.
En conséquence, une partie non négligeable de la base nationaliste est devenue sensible au désenchantement voire à la déception. Ces sentiments sont aujourd’hui accentués par le fait que de grandes revendications (évolution institutionnelle, statut fiscal, coofficialité de la langue corse, colorisation des emplois, compagnie régionale maritime, statut de résident) restent insatisfaites alors que prospèrent la spéculation immobilière, la grande distribution et la logique du tout tourisme et que s’accentue la colonisation de peuplement. Ces sentiments sont négativement exploités par des groupuscules traditionalistes qui se bornent à dénigrer la gestion et les hommes de la majorité territoriale. Core in Fronte essaie de son côté de représenter une alternative en se posant en garant des fondamentaux du nationalisme et en porteur d’idées de gauche.
Les sables du « terrain de lutte institutionnel »
Ces démarches critiques sont toutefois incapables de vraiment remobiliser.
Le nationalisme reste trop souvent embourbé dans les sables de ce que les structures de la Lutte de Libération Nationale issues du FLNC appelaient le « terrain de lutte institutionnel ».
Cependant, ces temps derniers, deux initiatives semblent de nature à faire bouger les choses.
En effet, toutes deux relèvent d’une tentative de réappropriation de la revenLa premièredication nationaliste par la base militante.
La première est impulsée par le Cumitatu Naziunalistu di a Gravona qui s’est initialement créé et récemment manifesté pour, d’une part, s’opposer sur le territoire de la commune de Sarrùla è Carcupinu « à l'implacable logique d'un foncier livré à des logiques marchandes et spéculatives » et, d’autre part, proposer « a tarra paisana », concept qui privilégie le bien commun selon une projection de développement juste et durable.
Mais ce comité a aussi une ambition plus large : inscrire la défense des intérêts collectifs de sa microrégion dans un combat patriotique pour la reconnaissance du droit à l'autodétermination. En ce sens, affirmant rassembler « toutes les sensibilités nationalistes », ses fondateurs ont lancé un appel à la création d’un projet de société basé sur « U sicondu quaternu du FLNC » et projettent des rencontres avec les mouvements nationalistes et aussi « avec tous ceux qui voudraient rejoindre une démarche progressiste ».
La deuxième inititove consiste en le projet de création du cercle de réflexion politique « Populu è Nazione ». Initié par Pierre Poggioli, ce cercle tiendra une réunion-débat à Aiacciu le 13 octobre (à partir de 18 h, Espace culturel Locu Teatrale). Le thème des échanges sera « Où va le Nationalisme corse ».
Certes Pierre Poggioli (photo), ancien responsable du FLNC et conseiller territorial, auteur de nombreux ouvrages consacrés au combat nationaliste, est a priori plus qu’un militant de base. Mais se voulant axée sur la réflexion collective et non partisane, elle a bien le caractère d’une tentative de réappropriation de la revendication nationaliste par la base militante.
• Pierre Corsi
Le nationalisme reste trop souvent embourbé dans les sables du « terrain de lutte institutionnel ». Cependant, ces temps derniers, deux initiatives semblent de nature à faire bouger les choses.
En décembre 2015, les nationalistes ont gagné les élections territoriales, Gilles Simeoni a accédé à la présidence du Conseil Exécutif, Jean-Guy Talamoni est devenu président de l'Assemblée de Corse.
Il s’est réellement agi d’événements historiques. La liesse populaire a d’ailleurs été à la hauteur. Le soir du scrutin des milliers de militants et sympathisants sont descendus dans la rue pour exprimer leur joie et leur espoir. Quelques jours plus tard, l’installation de l’Assemblée de Corse a été saluée par des militants et des sympathisants massés devant les grilles de l’ancien Grand Hôtel Continental qui abrite l’institution. Du fait que l’instauration de la Collectivité de Corse nécessitait d’organiser de nouvelles élections, la mandature n’a été que de deux ans. Ce qui a interdit l’impulsion de grands changements.
La majorité territoriale nationaliste a toutefois bénéficié d’un état de grâce car, tout en ayant conscience que rien ne se ferait en un jour et que les élus nationalistes avaient beaucoup à apprendre, la plupart des Corses espéraient qu’avec la mise en place de la Collectivité de Corse, soufflerait le vent du changement.
Cet état de grâce a permis aux nationalistes d’engranger deux nouvelles grandes victoires.
En juin 2017, trois d’entre eux ont été élus députés. En décembre 2017, avec un score de 56,5 % au second tour, ils ont remporté le scrutin territorial et se sont assurés une majorité absolue aux commandes de la toute nouvelle Collectivité de Corse.
Cette victoire n’a toutefois pas donné lieu à de grandes manifestations de joie. L’électorat qui avait trois fois en deux ans accordé sa confiance, était désormais davantage animé par l’attente de résultats concrets que par l’envie de crier victoire.
Des effets pervers
Les succès enregistrés sur le terrain institutionnel ont alors commencé à produire des effets pervers.
Les militants et les sympathisants qui avaient beaucoup donné durant des décennies et qui se sentaient désormais représentés aux commandes de la Collectivité de Corse, se sont progressivement désinvestis de l’action politique et revendicative.
Les élus qui estimaient être porteurs de la volonté populaire et considéraient que l’exercice du pouvoir nécessitait de prendre de la hauteur, en sont venus à agir sans s’appuyer sur leurs bases militantes et sans chercher à susciter des mobilisations populaires, à confisquer la parole, à verrouiller les débats, à accepter des compromis politiques en lesquels beaucoup de militants et de sympathisants ont vu autant de compromissions ou de renoncements.
En conséquence, une partie non négligeable de la base nationaliste est devenue sensible au désenchantement voire à la déception. Ces sentiments sont aujourd’hui accentués par le fait que de grandes revendications (évolution institutionnelle, statut fiscal, coofficialité de la langue corse, colorisation des emplois, compagnie régionale maritime, statut de résident) restent insatisfaites alors que prospèrent la spéculation immobilière, la grande distribution et la logique du tout tourisme et que s’accentue la colonisation de peuplement. Ces sentiments sont négativement exploités par des groupuscules traditionalistes qui se bornent à dénigrer la gestion et les hommes de la majorité territoriale. Core in Fronte essaie de son côté de représenter une alternative en se posant en garant des fondamentaux du nationalisme et en porteur d’idées de gauche.
Les sables du « terrain de lutte institutionnel »
Ces démarches critiques sont toutefois incapables de vraiment remobiliser.
Le nationalisme reste trop souvent embourbé dans les sables de ce que les structures de la Lutte de Libération Nationale issues du FLNC appelaient le « terrain de lutte institutionnel ».
Cependant, ces temps derniers, deux initiatives semblent de nature à faire bouger les choses.
En effet, toutes deux relèvent d’une tentative de réappropriation de la revenLa premièredication nationaliste par la base militante.
La première est impulsée par le Cumitatu Naziunalistu di a Gravona qui s’est initialement créé et récemment manifesté pour, d’une part, s’opposer sur le territoire de la commune de Sarrùla è Carcupinu « à l'implacable logique d'un foncier livré à des logiques marchandes et spéculatives » et, d’autre part, proposer « a tarra paisana », concept qui privilégie le bien commun selon une projection de développement juste et durable.
Mais ce comité a aussi une ambition plus large : inscrire la défense des intérêts collectifs de sa microrégion dans un combat patriotique pour la reconnaissance du droit à l'autodétermination. En ce sens, affirmant rassembler « toutes les sensibilités nationalistes », ses fondateurs ont lancé un appel à la création d’un projet de société basé sur « U sicondu quaternu du FLNC » et projettent des rencontres avec les mouvements nationalistes et aussi « avec tous ceux qui voudraient rejoindre une démarche progressiste ».
La deuxième inititove consiste en le projet de création du cercle de réflexion politique « Populu è Nazione ». Initié par Pierre Poggioli, ce cercle tiendra une réunion-débat à Aiacciu le 13 octobre (à partir de 18 h, Espace culturel Locu Teatrale). Le thème des échanges sera « Où va le Nationalisme corse ».
Certes Pierre Poggioli (photo), ancien responsable du FLNC et conseiller territorial, auteur de nombreux ouvrages consacrés au combat nationaliste, est a priori plus qu’un militant de base. Mais se voulant axée sur la réflexion collective et non partisane, elle a bien le caractère d’une tentative de réappropriation de la revendication nationaliste par la base militante.
• Pierre Corsi