Volotea ou l'empêcheur de voler en rond
Une fragilité des compagnies aériennes et maritimes qui ne trouvent leur équilibre que grâce à l'argent public des DSP
Volotea ou l'empêcheur de voler en rond
Il est inutile de se cacher la vérité concernant l’économie corse : sans les subventions de tous ordres, elle s’écroulerait comme un château de cartes. La souscription possible de la compagnie low cost catalane Volotea à l’appel d’offres sur la délégation de service public aérienne met en exergue la fragilité des compagnies aériennes et maritimes qui ne trouvent leur équilibre que grâce à l’argent public des DSP.
Un service à prestations pauvres
Qu’on le veuille ou non, les compagnies aériennes à bas prix sont vouées à rechercher les subventions publiques. Le patron de Ryan Air se vantait dans un documentaire de pouvoir offrir ses billets sans perdre un centime grâce aux subventions européennes. Ça n’est vraisemblablement que l’un des effets d’une prétention sans limite d’un des patrons les plus durs d’Europe. Salaires réduits de moitié, conditions de vols dégradés, surcoûts obtenus grâce aux bagages. Il n’empêche qu’à l’heure où les coûts des transports s’envolent, ces compagnies maritimes ou aériennes ont le vent en poupe.
La Corse aurait tout à perdre si par malheur, Air Corsica était déstabilisée par Volotea. Mais cette compagnie marque des points sur les lignes intérieures désertées par Air France. De plus, elle possède deux alliés bien différents.
Le premier est Bruxelles qui pousse à la concurrence et donc à la dérégulation du marché. Or le fait que les DSP soient quasiment automatiquement accordées à Air Corsica, Air France dans l’aérien et à Corsica Linea dans le maritime fait grincer des dents chez nos technocrates européens. Ces gens-là comme d’ailleurs les députés européens sont des plantes hors sol parfaitement ignorantes des vrais problèmes de terrain.
Le deuxième allié de Volotea risque fort d’être le monde du tourisme de masse. Cette année, les campings font grise mine. Il va vraisemblablement en être de même pour les hôtels d’entrée de gamme. La multiplication des locations sauvages n’arrange rien à leurs affaires. Eux ont intérêt à l’accroissement de la vague estivale.
Le risque de l’isolement
Il ne fait aucun doute que la Corse, sa population, son économie connaissent actuellement un bouleversement irréversible.
Les paramètres sont nombreux : vieillissement d’une population locale uniquement contrebalancé par la natalité d’une population immigrée et de nouveaux habitants arrivant du continent. Sans ces deux facteurs, la Corse s’enfoncerait dans une sorte de coma irréversible. Cela produit des réactions hostiles que l’on trouve de façon irrationnelle dans la mouvance nationaliste qui ne propose guère de solutions alternatives.
Mais le plus grave tient à cette hausse constante des tarifs aériens et maritimes. Une île privée en partie de sa relation avec le continent s’enferme sur elle-même dans tous les sens du terme. Elle devient comme une personne âgée qui perd ses contacts avec l’extérieur.
Contrairement à une légende tenace, la Corse a toujours privilégié le monde de la terre ferme. Ses élites suivaient des études à LIvourne, à Florence, à Pise, à Rome. Puis ses soldats s’engageaient dans les armées des royaumes européens. Avec le Second Empire, les Corses ont occupé les postes avancés de la colonisation. Ceux qui vivaient sur le continent ne cessaient de garder une relation privilégiée avec l’île. Le paysage global a certes changé, mais rien ne serait pire que la rupture ou même l’atténuation des liens avec ceux d’isse France, de ces Frances comme on disait autrefois. Et pourquoi ne pas approfondir ce qui nous rapproche culturellement, historiquement et économiquement de notre cousine italienne ? Mais tout cela exige évidemment des moyens de transport pérenne. Le libéralisme est en train de créer des déserts de population, décrétés non rentables. À coup sûr la Corse n’est pas rentable. Elle a besoin d’un soutien qui entre en contradiction avec la doxa ultralibérale. Il faut en avoir conscience et défendre pied à pied nos intérêts.
GXC