Au pas, au trot, au galop, Jean-louis Gouraud en liberté !
Jean -Louis Gouraud cultive avec bonheur ces deux passions
Au pas, au trot, au galop, Jean-Louis Gouraud en liberté !
Moscou, pour interviewer le Président Gorbatchev ! Le journalisme, le cheval, Jean-Louis Gouraud cultive avec bonheur ces deux passions. Deux passions complémentaires ! Le cheval lui a permis de partir à la découverte du monde. Dans son dernier ouvrage paru aux éditions Favre, il nous propose de le suivre … un véritable roman d’aventures … « Heureux qui communistes a fait un beau voyage », petit clin d’œil à Joachim du Bellay … En selle !
Jean-Louis Gouraud le communisme n’a jamais bien marché en Afrique ni ailleurs écrivez-vous. Néanmoins vous avez été séduit par les deux géants du communisme, la Russie et la Chine. N’est-ce pas paradoxal ?
Je reconnais qu’aujourd’hui les mots « communiste », « communisme sont des repoussoirs. À cause, bien sûr, des dérives tyranniques, voir des crimes épouvantables des systèmes qui se sont réclamés du communisme. Mais je ne crois pas ce que ces horreurs soient consubstantielles au communisme, pas plus que les innombrables crimes commis par des régimes se réclamant du christianisme soient consubstantiels au christianisme. Si Staline et Mao étaient en effet communistes, Hitler, lui, ne l’était pas, et bien des horreurs ont été commises dans l’histoire, tantôt au nom du Christ, tantôt au nom d’Allah.
Je crois sincèrement que les expériences soviétiques et maoïstes ont été des échecs, des aventures ratées, mais qu’une expérience ratée ne condamne pas automatiquement l’idéologie dont se réclamaient ceux qui ont raté l’expérience – en trahissant, souvent, ladite idéologie.
Pour le grand public votre nom est associé à un exploit. Celui d’avoir parcouru, à cheval, en soixante-quinze jours, du 1er
mai au 14 juillet 1990, les 3 300 kilomètres séparant votre village du Gâtinais à Moscou où vous allez assister à l’événement le plus inattendu de votre vie, l’éclatement de l’URSS et la fin du communisme. Quel souvenir avez-vous gardé de cette véritable onde de choc qui a ébranlé le monde ?
Jean-Louis Gouraud : Je crois que la vraie date du changement de siècle, de millénaire, et en tout cas de changement d’époque, n’est pas l’an 2000, mais l’année 1990 parce que c’est l’année où le système soviétique a cessé d’être un contrepoids, voire une alternative, à la puissance américaine. L’effondrement du mur de Berlin, la réunification de l’Allemagne, l’éclatement de l’Union Soviétique en quinze républiques, dont aucune n’a voulu conserver l’idéologie communiste, la libération des républiques socialistes de l’Est du joug – et de la protection – soviétiques : tout cela n’a pas été l’occasion, comme on aurait pu l’espérer, d’un renforcement de l’Europe, voire de l’émergence d’une nouvelle puissance capable de contrebalancer celle des États-Unis – mais au contraire de donner à ces derniers le monopole de la direction des affaires du monde. On a vu le résultat !
En 1968, l’Afrique entrait dans votre vie, Béchir Ben Yahmed, ancien bras droit du Président Habib Bourguiba, fondateur de l’hebdomadaire Jeune Afrique vous confie la direction de la rédaction. Aujourd’hui vous continuez de suivre l’actualité africaine. Quel regard portez-vous sur ce continent en partie gangréné par la montée de l’islam radical et de la double influence sino- russe ? Pensez- vous que l’Afrique soit le continent de demain ?
L’expression « le continent de demain » est un peu péjoratif, dans la mesure où il insinue que l’Afrique n’existait pas hier et existe peu aujourd’hui, et ne commencera à exister que demain. Le fait que l’Afrique détienne le record mondial de la fécondité n’est en soi-même ni un avantage ni un inconvénient. Il y a aujourd’hui 1 milliard 400 millions d’Africains, il y en aura le double en 2050 et 4 milliards et demi en 2100. Tout dépend de la façon dont les Africains eux-mêmes vont réagir devant cet effrayant afflux de population. Vont-ils chercher à migrer par millions ou centaines de millions (pour aller où ?) ou chercher comment nourrir et éduquer de telles quantités de population ? Le problème de l’Afrique est dans son extrême diversité ethnique. Si l’on ne peut pas comparer – à surfaces et à populations égales – les performances de la Chine et les contreperformances de l’Afrique, c'est principalement pour cette raison : la population chinoise est homogène, composée d’une écrasante (c’est le cas de le dire) majorité han et de quelques minorités mongoles, tibétaines ou ouïghours ; alors que l’Afrique, elle, est une incroyable mosaïque de populations, de langues, de coutumes, de croyances et d’intérêts.
Outre la politique on vous connaît donc une autre grande passion qui vous a incité à parcourir le monde, le cheval.
Vous avez consacré plusieurs ouvrages à ce noble animal pour vous « l’une des plus belles réussites du Créateur ».
Il est omniprésent dans votre dernier livre. A quand remonte votre passion pour les chevaux ? Comment l’expliquez-vous ?
Pour moi, le cheval m’a permis de partir non pas à la conquête, mais à la découverte du monde. « Dites-moi le cheval d’un peuple, je vous en dirai les mœurs et les institutions », prétendait le naturaliste Georges Cuvier. J’ai vérifié la justesse de l’adage : en fréquentant les chevaux, j’ai approché de plus près les hommes. J’ai découvert que les deux espèces – le cheval et l’homme – étaient liées par un pacte qui les rend interdépendants. Il n’y aurait plus de chevaux sur Terre s’il n’y avait pas eu d’hommes pour les domestiquer, c’est-à-dire les protéger. Et je suis persuadé qu’à l’inverse les hommes auront du mal à survivre sans les chevaux. C’est du moins ce que j’essaye de démontrer dans mon petit livre (« Le cheval, c’est l’avenir », Actes Sud, 2021) destiné à riposter aux attaques des animalistes qui dénoncent « l’exploitation », la mise en esclavage des animaux en général, du cheval en particulier par les hommes. Dans la société modernisée, informatisée, robotisée qui est aujourd’hui la nôtre, le cheval est notre dernier lien avec le monde réel, le monde vivant, la nature, le cosmos !
Votre ouvrage s’achève par un bel éloge du développement économique de la Chine. Les activités équestres suscitent un engouement croissant et vertigineux, écrivez-vous. Une véritable ville du cheval doit prochainement voir le jour. On comprend votre enthousiasme : « je vais m’installer en
Chine » affirmez-vous. Alors à quand votre départ ?
Non, je n’irai pas m’installer en Chine, mais je l’aurais peut-être fait si j’avais 20 ans ! Hélas, j’en ai quatre fois plus! Ce que j’ai voulu faire comprendre par-là, c’est que le prodigieux développement chinois n’a pas seulement permis de sortir en quelques années un milliard d’hommes de la pauvreté et de la misère. Il a permis aussi l’émergence d’une classe sociale dont le niveau se rapproche du nôtre. Ces gens disposent maintenant des moyens de faire mieux que d’assurer à leurs enfants un peu de confort et une bonne éducation. Ils peuvent leur offrir aussi des loisirs, des vacances, des voyages, des cours de danse ou de piano. Et naturellement, d’équitation ! Je ne serais pas étonné que, pour les Olympiades de 2028, la Chine présente une équipe de cavaliers de haut niveau!
Entretien réalisé par Jean-Claude de Thandt
Moscou, pour interviewer le Président Gorbatchev ! Le journalisme, le cheval, Jean-Louis Gouraud cultive avec bonheur ces deux passions. Deux passions complémentaires ! Le cheval lui a permis de partir à la découverte du monde. Dans son dernier ouvrage paru aux éditions Favre, il nous propose de le suivre … un véritable roman d’aventures … « Heureux qui communistes a fait un beau voyage », petit clin d’œil à Joachim du Bellay … En selle !
Jean-Louis Gouraud le communisme n’a jamais bien marché en Afrique ni ailleurs écrivez-vous. Néanmoins vous avez été séduit par les deux géants du communisme, la Russie et la Chine. N’est-ce pas paradoxal ?
Je reconnais qu’aujourd’hui les mots « communiste », « communisme sont des repoussoirs. À cause, bien sûr, des dérives tyranniques, voir des crimes épouvantables des systèmes qui se sont réclamés du communisme. Mais je ne crois pas ce que ces horreurs soient consubstantielles au communisme, pas plus que les innombrables crimes commis par des régimes se réclamant du christianisme soient consubstantiels au christianisme. Si Staline et Mao étaient en effet communistes, Hitler, lui, ne l’était pas, et bien des horreurs ont été commises dans l’histoire, tantôt au nom du Christ, tantôt au nom d’Allah.
Je crois sincèrement que les expériences soviétiques et maoïstes ont été des échecs, des aventures ratées, mais qu’une expérience ratée ne condamne pas automatiquement l’idéologie dont se réclamaient ceux qui ont raté l’expérience – en trahissant, souvent, ladite idéologie.
Pour le grand public votre nom est associé à un exploit. Celui d’avoir parcouru, à cheval, en soixante-quinze jours, du 1er
mai au 14 juillet 1990, les 3 300 kilomètres séparant votre village du Gâtinais à Moscou où vous allez assister à l’événement le plus inattendu de votre vie, l’éclatement de l’URSS et la fin du communisme. Quel souvenir avez-vous gardé de cette véritable onde de choc qui a ébranlé le monde ?
Jean-Louis Gouraud : Je crois que la vraie date du changement de siècle, de millénaire, et en tout cas de changement d’époque, n’est pas l’an 2000, mais l’année 1990 parce que c’est l’année où le système soviétique a cessé d’être un contrepoids, voire une alternative, à la puissance américaine. L’effondrement du mur de Berlin, la réunification de l’Allemagne, l’éclatement de l’Union Soviétique en quinze républiques, dont aucune n’a voulu conserver l’idéologie communiste, la libération des républiques socialistes de l’Est du joug – et de la protection – soviétiques : tout cela n’a pas été l’occasion, comme on aurait pu l’espérer, d’un renforcement de l’Europe, voire de l’émergence d’une nouvelle puissance capable de contrebalancer celle des États-Unis – mais au contraire de donner à ces derniers le monopole de la direction des affaires du monde. On a vu le résultat !
En 1968, l’Afrique entrait dans votre vie, Béchir Ben Yahmed, ancien bras droit du Président Habib Bourguiba, fondateur de l’hebdomadaire Jeune Afrique vous confie la direction de la rédaction. Aujourd’hui vous continuez de suivre l’actualité africaine. Quel regard portez-vous sur ce continent en partie gangréné par la montée de l’islam radical et de la double influence sino- russe ? Pensez- vous que l’Afrique soit le continent de demain ?
L’expression « le continent de demain » est un peu péjoratif, dans la mesure où il insinue que l’Afrique n’existait pas hier et existe peu aujourd’hui, et ne commencera à exister que demain. Le fait que l’Afrique détienne le record mondial de la fécondité n’est en soi-même ni un avantage ni un inconvénient. Il y a aujourd’hui 1 milliard 400 millions d’Africains, il y en aura le double en 2050 et 4 milliards et demi en 2100. Tout dépend de la façon dont les Africains eux-mêmes vont réagir devant cet effrayant afflux de population. Vont-ils chercher à migrer par millions ou centaines de millions (pour aller où ?) ou chercher comment nourrir et éduquer de telles quantités de population ? Le problème de l’Afrique est dans son extrême diversité ethnique. Si l’on ne peut pas comparer – à surfaces et à populations égales – les performances de la Chine et les contreperformances de l’Afrique, c'est principalement pour cette raison : la population chinoise est homogène, composée d’une écrasante (c’est le cas de le dire) majorité han et de quelques minorités mongoles, tibétaines ou ouïghours ; alors que l’Afrique, elle, est une incroyable mosaïque de populations, de langues, de coutumes, de croyances et d’intérêts.
Outre la politique on vous connaît donc une autre grande passion qui vous a incité à parcourir le monde, le cheval.
Vous avez consacré plusieurs ouvrages à ce noble animal pour vous « l’une des plus belles réussites du Créateur ».
Il est omniprésent dans votre dernier livre. A quand remonte votre passion pour les chevaux ? Comment l’expliquez-vous ?
Pour moi, le cheval m’a permis de partir non pas à la conquête, mais à la découverte du monde. « Dites-moi le cheval d’un peuple, je vous en dirai les mœurs et les institutions », prétendait le naturaliste Georges Cuvier. J’ai vérifié la justesse de l’adage : en fréquentant les chevaux, j’ai approché de plus près les hommes. J’ai découvert que les deux espèces – le cheval et l’homme – étaient liées par un pacte qui les rend interdépendants. Il n’y aurait plus de chevaux sur Terre s’il n’y avait pas eu d’hommes pour les domestiquer, c’est-à-dire les protéger. Et je suis persuadé qu’à l’inverse les hommes auront du mal à survivre sans les chevaux. C’est du moins ce que j’essaye de démontrer dans mon petit livre (« Le cheval, c’est l’avenir », Actes Sud, 2021) destiné à riposter aux attaques des animalistes qui dénoncent « l’exploitation », la mise en esclavage des animaux en général, du cheval en particulier par les hommes. Dans la société modernisée, informatisée, robotisée qui est aujourd’hui la nôtre, le cheval est notre dernier lien avec le monde réel, le monde vivant, la nature, le cosmos !
Votre ouvrage s’achève par un bel éloge du développement économique de la Chine. Les activités équestres suscitent un engouement croissant et vertigineux, écrivez-vous. Une véritable ville du cheval doit prochainement voir le jour. On comprend votre enthousiasme : « je vais m’installer en
Chine » affirmez-vous. Alors à quand votre départ ?
Non, je n’irai pas m’installer en Chine, mais je l’aurais peut-être fait si j’avais 20 ans ! Hélas, j’en ai quatre fois plus! Ce que j’ai voulu faire comprendre par-là, c’est que le prodigieux développement chinois n’a pas seulement permis de sortir en quelques années un milliard d’hommes de la pauvreté et de la misère. Il a permis aussi l’émergence d’une classe sociale dont le niveau se rapproche du nôtre. Ces gens disposent maintenant des moyens de faire mieux que d’assurer à leurs enfants un peu de confort et une bonne éducation. Ils peuvent leur offrir aussi des loisirs, des vacances, des voyages, des cours de danse ou de piano. Et naturellement, d’équitation ! Je ne serais pas étonné que, pour les Olympiades de 2028, la Chine présente une équipe de cavaliers de haut niveau!
Entretien réalisé par Jean-Claude de Thandt