Politique touristique : éviter l'insolation
L'activité touristique semble être dans l'obligation de se remettre en cause ......
Politique touristique : éviter l’insolation
L’activité touristique semble être dans l’obligation de se remettre en cause et d’adapter son offre au-delà d’une prise en compte des évolutions économiques et des attentes actuelles de la clientèle.
La politique touristique connaît des jours au moins aussi difficiles que la fréquentation. En mai dernier, elle avait subi une première vague de critiques. Angèle Bastiani, la présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse, avait provoqué la colère des professionnels du secteur en présentant une politique promotionnelle estivale visant à limiter les sur fréquentations, préserver les sites, diversifier la provenance des visiteurs.
Les orientations phares de cette politique étaient : ne plus promouvoir la destination Corse en juillet et en août et les sites emblématiques de l'île, privilégier l’incitation à la découverte de l'intérieur, réduire les actions en direction des publics hexagonaux, davantage cibler la clientèle étrangère. A l’occasion d’une conférence de presse, tout en dénonçant « l'absence totale de politique touristique pour l'île », César Filippi, au nom du tout nouveau Groupement des Hôtelleries et Restaurateurs-Corsica, avait fustigé ces orientations : « Ce n'est pas en déchirant les cartes postales idylliques de la Corse pour les remplacer uniquement par des clichés bucoliques, que l'on passera du tourisme subi au tourisme choisi […] Nous qui sommes installés sur le bord de mer, avons toujours dirigé les touristes vers l'intérieur de l'île. Or aujourd'hui, il faudrait, nous explique-t-on, rayer le balnéaire pour promouvoir l'intérieur, une énorme erreur stratégique » Premier coup de chaud !
Si la saison touristique avait bien débuté, tout cela aurait sans doute été oublié ou du moins relativisé. Les premiers chiffres de la fréquentation étant jugés catastrophiques par la plupart des professionnels, le Groupement est à nouveau monté au créneau. Il a réclamé la mise en place d’une cellule de crise pour que soit fait face à une situation difficile résultant d’une « mauvaise gestion économique et sociale » imputable aux élus de la Collectivité de Corse (d’avant et après 2014), à l’État et à la Chambre de Commerce ainsi qu’à l’effet aggravant des « annonces absurdes et désastreuses » de l’Agence de Tourisme au début de la saison.
Le Groupement a en effet dénoncé une politique touristique défaillante et déploré que l’activité touristique soit plombée par des transports « beaucoup trop chers ». Deuxième coup de chaud !
Prévenir un nouveau coup de chaud
Les propriétaires et les gestionnaires de campings ont eux aussi manifesté de l’irritation à l’encontre de l’Agence de Tourisme. Un de leurs représentants, Guy Lannoy, a mis en cause une absence de promotion ayant fait que « la Corse est devenue invisible ». Troisième coup de chaud ! Ces professionnels ont aussi confié une inquiétude générée par la baisse de fréquentation et l’insuffisance de réservations. « On va vers une mauvaise saison 2023 » ont-ils déploré. Propriétaires et gestionnaires de campings sont d’autant plus inquiets que leur mode d'hébergement bénéficie actuellement d’un contexte favorable : du fait de l’inflation généralisée et des difficultés économiques, il est rendu très attractif pour les vacanciers par ses coûts de séjour généralement moins élevés que ceux de l'hôtellerie ou de la location de meublés ; sa proximité avec la nature le situe dans l’air du temps de la demande.
L’inquiétude gagne aujourd’hui l’ensemble des professionnels. Pour tenter de prévenir un nouveau coup de chaud, le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, la présidente de l’agence du tourisme, Angèle Bastiani, la présidente de l’Office des transports, Flora Mattei, et le président de l’ADEC, Alex Vinciguerra, ont reçu les représentants du Groupement des Hôtelleries et Restaurateurs-Corsica et l’élaboration d’un plan d’urgence a été actée pour « casser la spirale négative dans laquelle est entrée l’économie touristique corse lors de cette saison 2023 ; préparer sans attendre la saison 2024 sur des bases fondamentalement différentes, avec de nouveaux outils de promotion et d’incitation ; définir et mettre en place les mesures de soutien aux professionnels en difficulté. » Il a aussi été décidé la mise en place d’ateliers et de groupes de travail qui devront dessiner des perspectives d’évolutions et de mutations du modèle touristique.
Il va falloir anticiper !
La Collectivité de Corse espère que le plan d’urgence et les ateliers et groupes de travail permettront d’éviter que les coups de chaud ayant affecté la politique touristique et l’Agence du Tourisme virent à l’insolation. Pour que cela soit, il faudra certainement que chacun mette du sien car l’activité touristique semble être dans l’obligation de se remettre en cause et d’adapter son offre au-delà d’une prise en compte des évolutions économiques et des attentes actuelles de la clientèle. Il va falloir anticiper ! La situation économique difficile conduit, pour réduire les dépenses, à revoir à la baisse la distance entre le domicile et la destination, la durée du séjour et la consommation de services et de loisirs sur le lieu de vacances.
Le réchauffement climatique risque de rendre moins attractives les régions d’Europe les plus chaudes (dont la Corse fait partie c!). Ceci semble d’ailleurs être déjà une réalité. Ainsi le littoral du quart Nord-Ouest de l’Hexagone (du Pas-de-Calais à la Loire-Atlantique en passant par la Normandie et la Bretagne) est de plus en plus demandé pour les locations de vacances. Cet été, les réservations en Bretagne et Loire-Atlantique ont augmenté de près de 15%, alors qu’elles ont chuté de plus de 20% sur la Côte d’Azur, de 9% dans le Languedoc, de 12% dans le Vaucluse… La nouvelle demande est d’autant plus forte que les hébergements locatifs dans le quart Nord-Ouest sont encore à ce jour bien moins chers que dans le sud (prix de location par nuit en juillet-août inférieurs de 30 à 50% en moyenne).
Concernant les campings, dans le sud de l’Hexagone, on note une baisse importante des réservations (moins 17% dans les Pyrénées Orientales, mois 27% dans le Var) alors qu’elle est en forte hausse dans le Finistère (+ 11%), le Morbihan (+ 16%), la Vendée (+12%), la Charente-Maritime (+ 29%).
Pour éviter l’insolation, il faudra à la politique touristique et à l’Agence de tourisme bien plus qu’arborer un beau chapeau de paille.
Pierre Corsi