Espagne : chaleur et sècheresse dérèglement le tourisme de masse
Baisse de fréquentation et modification des modes de vie
Espagne : chaleur et sécheresse dérèglent le tourisme de masse
Chaleurs difficilement supportables induisant baisse de fréquentation et modification des modes de vie et de consommation des visiteurs, sécheresse contraignant à mieux la consommation d’eau. Le secteur touristique espagnol va devoir évoluer.
L’Espagne fait partie des pays européens les plus affectés par le dérèglement climatique. Les périodes caniculaires y sont de plus en plus fréquentes. Depuis le début de ce mois de juillet, 13 régions sur 17 ont été touchées. A l’échelle du pays, en moyenne, et ce, sur des périodes de plusieurs jours, il a été enregistré des températures de 32°C à 37°C le jour et égales ou supérieures à 25°C la nuit. Dans le sud du pays, les températures diurnes ont en maints endroits dépassé 40°C et, la nuit, le mercure est fréquemment resté à des niveaux exceptionnellement hauts (jusqu’à plus de 30°C°). A Malaga, à minuit, la température a même été de 36,1°C.
Quant à la température de la mer, elle atteint ces jours derniers un niveau moyen record (24,6°C, soit 2,2°C de plus que la normale). Tout cela préoccupe beaucoup les institutions et les professionnels du tourisme. Ils sont d’autant plus inquiets que l'Espagne a, cette année, été touchée par la canicule dès le mois d'avril et qu’il se dessine à la fois une baisse de la fréquentation manifestement en lien avec le niveau élevé des températures et des changements de modes de vie et de consommation des vacanciers qui menacent la pérennités de nombreuses activités.
Les touristes rechignent à quitter la chambre d’hôtel
« Les gens attendent le dernier moment pour voir où ces températures extrêmes vont se produire afin de pouvoir s'adapter » déplore le président de l'Institut espagnol pour la qualité du tourisme. Tout cela est d’ailleurs corroboré par des données de la Commission Européenne du Tourisme. En effet, cet organisme ayant en charge la promotion de la destination Europe a, par rapport à l’an passé, constaté d’une part, une diminution de 10 % du nombre de touristes prévoyant de se rendre de juin à novembre dans les régions européennes bordant la Méditerranée ; d’autre part, une tendance des touristes à vouloir se tourner vers le nord de l’Europe pour éviter les chaleurs caniculaires. Par ailleurs, les touristes délaissent l’intérieur souligne en ces termes un professionnel : « Impossible pour nous de faire concurrence aux plages, surtout avec ces températures.
Les gens vont chercher la fraîcheur à la plage et pas dans nos montagnes » et, aux heures les plus chaudes, rechignent à quitter le bord de la piscine, le patio, la chambre d’hôtel, le meublé, le mobile-home ou le camping-car. Ce qui est très préjudiciable au commerce et aux prestataires de loisirs de plein air. En conséquence, de nombreux territoires et aussi certaines activités (surtout la restauration et les loisirs de plein air) souffrent d’une forte défection de la clientèle.
Obligation d’évoluer
Principale destination touristique européenne après la France, l’Espagne doit faire évoluer son secteur touristique pour préserver l’une de ses principales sources de revenus et d’emplois (12% du PIB, 2,5 millions d'emplois). Elle est d’autant plus dans l’obligation de le faire qu’outre la défection de la clientèle et les changements de mode vie et de consommation de celle-ci, se manifeste une autre menace elle aussi engendrée par le dérèglement climatique : la sécheresse. Cette menace est particulièrement redoutable.
En effet, le modèle touristique espagnol, le tourisme de masse, étant un grand consommateur d’eau (71,6 millions de touristes étrangers en 2022 ; consommation en eau induite par le séjour d'un touriste dans un hôtel 4 ou 5 étoiles deux fois supérieure à celle d'un habitant), les écologistes et aussi les populations commencent à contester vivement cette captation de la ressource et les restrictions qu’elle impose de plus en plus en plus souvent dans la vie quotidienne (y compris hors-saison estivale). Même si elle voulait ignorer le dérèglement climatique et ses conséquences, l’industrie touristique espagnole ne le pourrait pas longtemps. En effet, devant compter avec la montée des contestations et les risques de pénurie d’eau, plusieurs autorités régionales ont été contraintes d’annoncer que, d'ici 2040, la consommation d'un touriste devrait au plus être similaire à celle d'un habitant.
Alexandra Sereni