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Catalogne : Junts per Catalunya marque des points

Reconnu comme un interlocuteur valable à Madrid , ......
Catalogne : Junts per Catalunya marque des points


Reconnu comme un interlocuteur valable à Madrid, Junts per Catalunya aura encore début octobre une carte à jouer car Pedro Sánchez a impérativement besoin du vote des sept députés du parti indépendantiste pour être reconduit au poste de Premier ministre.


Cet été, le parti de Carles Puigdemont, l’ancien président indépendantiste de la Generalitat de Catalunya, poursuivi par les magistrats espagnols et en exil en Belgique depuis plusieurs années, a fortement pesé dans le jeu politique espagnol. Le 17 août dernier, le vote des sept députés Junts per Catalunya, a en effet représenté un apport décisif ayant permis à la gauche espagnole de conserver la présidence du Congrès des députés d’Espagne. Ce vote ayant suivi un accord avec les représentants du Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez, a permis l’élection de la candidate que présentait le Partido Socialista Obrero Español et est très profitable au parti indépendantiste. Longtemps jugés infréquentables par les autorités espagnoles du fait de l’implication totale de ses cadres et militants dans les événements d’octobre 2017 (organisation du référendum d’autodétermination, proclamation d’indépendance ayant suivi), de son intransigeance indépendantiste et de son attachement à un leader irréductible, Junts per Catalunya est de facto désormais considéré par l’État espagnol comme un interlocuteur avec lequel on négocie.
La gauche espagnole ne peut qu’admettre que Junts per Catalunya a fait preuve de responsabilité car en lui apportant son soutien, le parti indépendantiste a écarté le recours obligatoire à de nouvelles élections et le risque toujours présent d’une accession au pouvoir de la droite conservatrice (Partito Popular) et d’un parti néo-franquiste (Vox).
Enfin, Francina Armengol, la nouvelle présidente du Congrès des députés d’Espagne, est considérée de par ses origines et sa culture, son parcours politique et et ses prises de position comme très ouverte à des relations apaisées et constructives avec les mouvements autonomistes et indépendantistes. Elle est originaire des Baléares, archipel catalan. Elle parle le catalan. Elle a présidé la Comunitat Autònoma de les Illes Balears. Elle a toujours eu un positionnement conciliant envers les indépendantistes catalans et plaide pour l’amnistie de tous les militants catalans impliqués dans les événements d’octobre 2017.


Il est envisagé une « desjudicialización »


Reconnu comme un interlocuteur valable à Madrid, Junts per Catalunya a par ailleurs marqué des points au sein des peuples catalan, basque et galicien en arrachant une concession aussi symbolique que politiquement majeure. En effet, dans le cadre de son soutien du 17 août à la gauche espagnole, et par écrit car comme l’exigeait Carles Puigdemont il fallait que cela soit « vérifiable », Junts per Catalunya a obtenu que les langue catalane, basque et galicienne, puissent être utilisées par les députés catalans, basques et galiciens lors des sessions du Congrès des députés d’Espagne.
Cette concession a d’ailleurs été clairement affichée par Francina Armengol lors de sa première intervention devant les députés. Elle a en effet clairement exprimé sa vision d'une Espagne multilingue : « Je veux exprimer mon attachement à l'espagnol, au catalan, au basque et au galicien et à la richesse linguistique qu'ils représentent et je veux annoncer que cette présidence permettra l'utilisation de toutes ces langues dans le Congrès à partir de cette session constitutive ». Début octobre, Junts per Catalunya aura encore une carte à jouer car Pedro Sánchez a impérativement besoin du vote des sept députés du parti indépendantiste pour être reconduit au poste de Premier ministre.
Depuis plusieurs semaines, les conditions posées par Junts per Catalunya sont connues. Les principales sont la garantie du droit d’organiser une référendum d’autodétermination et une  amnistie pour toutes les événements d’octobre 2017. Pedro Sánchez temporise mais il semble que tout en s’employant à convaincre ses interlocuteurs de modérer leurs exigences, il soit disposé à faire une nouvelle concession majeure pour conserver le pouvoir. La plupart des espagnols y étant opposés, il ne peut céder concernant le référendum d’autodétermination. Ce qui n’est a priori pas un élément de blocage.
En effet, d’un commun accord, le traitement de cette question sera probablement reporté car tous les indépendantistes catalans savent qu’actuellement les conditions ne sont pas réunies obtenir un oui à l’indépendance. En revanche, il est probable que Pedro Sánchez ira vers l’amnistie, même si le mot ne sera pas mentionné afin de ménager l’opinion publique espagnole. Il est d’autant plus enclin à aller en ce sens qu’aussi bien Junts per Catalunya qu’Esquerra Republicana de Catalunya, l’autre grand parti indépendantiste catalan qui dispose de six députés, ont souligné que l’amnistie représente une incontournable « ligne rouge ». Une solution est d’ailleurs déjà en gestation. Il est en effet envisagé une « desjudicialización » (dé-judiciarisation du problème politique) qui permettrait de mettre fin aux procédures en cours, d’élargir les détenus, de permette un retour des exilés dont Carles Puigdemont et d’effacer les casiers judiciaires. Junts per Catalunya et Pedro Sánchez sont à ce jour proches du gagnant-gagnant.


Alexandra Sereni
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