PADDUC : Le grand malentendu
Certes le PADDUC a pour objectif de contribuer à une maîtrice de la construction.
PADDUC : LE GRAND MALENTENDU
Certes le PADDUC a pour objectif de contribuer à une maîtrise de la construction. Mais pas que ! Il représente aussi et surtout, c’est la vocation que lui donnaient et ont voulu transcrire celles et ceux qui l’ont élaboré, l’ouverture d’une perspective et d’une ambition pour la Corse.
Le PADDUC est constamment l’objet du débat et de la polémique. Les uns y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux mais regrettent qu’il soit un outil inopérant ou du moins pas assez efficace contre la spéculation foncière, la promotion immobilière et la bétonisation. Les autres le jugent trop contraignant. Parmi ces derniers, outre des spéculateurs, des promoteurs et des acteurs majeurs du BTP qui agissent contre le PADDUC en jouant du lobbying et de l’appât du gain, on compte de nombreux maires qui estiment que le PADDUC, en limitant ou interdisant la possibilité de construire, est un obstacle au développement de leurs communes. En outre, ces mêmes maires accusent souvent le PADDUC d’être facteur de ce qu’ils jugent être une hérésie et une injustice. En effet, ils soulignent que fréquemment des communes du « désert rural » voient les demandes de permis de construire de leurs administrés être rejetées, alors que les immeubles et les villas poussent comme des champignons sur le littoral et dans les communes les plus peuplées ou les plus touristiques.
Par ailleurs, autre signe que la pilule PADDUC passe pas mal ou pas du tout chez beaucoup de maires, beaucoup d’entre eux se gardent bien de mettre en compatibilité leurs documents d’urbanisme avec le PADDUC ou préfèrent, pour éviter d’avoir à le faire, se passer de ces documents et s’en remettre aux services de l’État pour juger du bien fondé ou non de la délivrance des permis de construire. Ce que dénonce régulièrement des associions de défense de l’environnement, notamment U Levante (voir par ailleurs, U Levante : « Les maires peuvent et doivent abroger leurs PLU ou leurs cartes communales et en élaborer de nouveaux compatibles avec le PADDUC »).
Enfin des particuliers considèrent que le PADDUC les prive de la jouissance de leur droit de propriété en les empêchant de construire « la maison de leurs rêves » sur « un terrain appartenant à leur famille depuis des générations ».
Mauvais procès ou pertinentes critiques ? Peut-être les deux.
Faut-il pour autant en finir avec le PADDUC ou le réviser en réduisant les limites et les règles qu’il impose à l’urbanisation et ainsi en arriver à démanteler un document que le Président du Conseil exécutif Gilles Simeoni a, lors d’un débat à l’Assemblée de Corse, désigné comme étant « un instrument majeur de lutte contre la spéculation ».
Ou faut-il, au contraire, alors que la spéculation, la promotion et la bétonisation battent leur plein et sont quotidiennement dénoncées, le « durcir » en renforçant, par de nouvelles dispositions, la possibilité de limiter ou interdire les constructions et ainsi ignorer la parole de maires et de particuliers pouvant en certains cas être pertinente ?
Le débat est ouvert mais il n’est pas évident que cela soit le bon débat. Au moins, peut-être, ne serait-il pas réducteur ou contre-productif ? En effet, considérer le PADDUC comme étant essentiellement un formidable rempart contre la spéculation, la promotion et la bétonisation, ne le voue-t-il pas n’être plus, comme l’ont été la muraille de Chine ou le mur d’Hadrien, qu’un obstacle défensif qui, à force d’être soumis à des assauts, sera à terme submergé et balayé ?
Certes le PADDUC a pour objectif de contribuer à une maîtrise de la construction. Mais pas que ! Il représente aussi et surtout, c’est la vocation que lui donnaient et ont voulu transcrire celles et ceux qui l’ont élaboré, l’ouverture d’une perspective et d’une ambition pour la Corse. Pour s’en rappeler ou le comprendre, il convient d’abord de prendre en compte ce que signifie l’acronyme PADDUC, à savoir : Plan d’aménagement et de développement durable de Corse.
Le PADDUC est donc bien plus qu’un super règlement d’urbanisme visant à préserver l’environnement. Il est aussi et surtout un document de planification régionale qui définit une stratégie de développement durable du territoire corse en fixant des objectifs de développement économique, social, culturel et touristique, et ce, selon un équilibre territorial. Il a également pour objet de cadrer l'aménagement du territoire insulaire car il a valeur de Directive territoriale d'aménagement, de Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, de Schéma de mise en valeur de la mer, de Schéma régional de transport, et d’être opposable aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales. La genèse et la construction du PADDUC (évoquée plus loin) sous l’égide du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse, confirment d’ailleurs qu’il ne pas vocation à être réduit à une fonction de rempart mais doit être considéré comme l’indication d’un cheminement vers ce que que pourrait être une Corse du développement durable, de la cohésion sociale et de la préservation / valorisation d’une identité forte. Ce qu’ont voulu la plupart de celles et ceux qui ont contribué à son élaboration et en premier lieu celle qui a porté le chantier : Maria Giudicelli.
Genèse et construction du PADDUC
✓ 2002 / La loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse reconnaît à la Collectivité Territoriale de Corse la compétence d’élaborer un Plan d'Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC).
✓ 2009 / En juin, à l’Assemblée de Corse, faute de consensus et aussi du fait de l’approche des élections territoriales de mars 2010, le projet de PADDUC élaboré par la majorité de droite (Ange Santini, président du Conseil exécutif) est retiré de l’ordre du jour. Nationalistes, gauche et associations de défense de l’environnement reprochent au projet de trop céder au tourisme et à l'économie résidentielle, de sacrifier le littoral, l'environnement et la soutenabilité du développement.
✓ 2010 / Après la victoire de la gauche aux élections territoriales (mars 2010), Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif, charge la conseillère exécutive Maria Giudicelli de travailler à l’élaboration d’un nouveau projet de PADDUC. Celle-ci consultera les mondes politique, économique et associatif. Près de 800 acteurs seront impliqués à travers des réunions, des ateliers, des comités techniques. Des Assises du Foncier et du Logement (2010) préconiseront une politique régionale du foncier et du logement. Des Assises du Littoral (2011) feront des propositions concernant l’aménagement du littoral.
✓ 2012 / Plus de 3000 personne répondent à un sondage et un questionnaire visant à identifier les attentes de la société corse / En juillet, l’Assemblée de Corse adopte cinq orientations : limiter les facteurs de dépendance du territoire ; gérer durablement les ressources naturelles ; mettre les ressources culturelles, identitaires et patrimoniales au service du développement ; réduire les inégalités sociales et territoriales ; encourager l’initiative privée et les activités productives pour développer l’emploi.
✓ 2014 / En janvier, l’Assemblée de Corse approuve le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) fixant les règles et outils d’un modèle de développement choisi, et ce, selon : un axe Social et Sociétal (humain au centre du développement, valorisation de la culture sous toutes ses expressions pour en faire le socle de la cohésion et de l’émancipation sociale) ; un axe Économie (croissance écoresponsable, création d’activités et d’emplois à partir des capital humain, naturel et culturel locaux) ; un axe Aménagement (harmonisation territoriale). / Automne, l’Assemblée de Corse adopte le projet de PADDUC et notamment le Schéma d’Aménagement Territorial (déclinaison, matérialisée sur des cartes d’une organisation spatiale des activités et des équipements). De premières critiques ou réserves indiquent que certains y voient déjà plus un rempart encombrant ou insuffisant que l’ouverture d’une perspective (la droite dénonce un projet de non développement, des associations de protection de l’environnement s’inquiètent du déclassement de certaines zones naturelle, des nationalistes disent craindre pour les espaces agricoles).
✓ 2015 / En avril, après avis du Conseil Économique, Social et Culturel de Corse, du Conseil des Sites de Corse et de l'Autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement, le projet de PADDUC est à nouveau approuvé par l'Assemblée de Corse / De mai à juillet, le projet est soumis à l'enquête publique (1134 observations recueillies) / En août, La Commission d'enquête émet un avis favorable / Le 2 octobre 2015, le PADDUC est adopté par l’Assemblée de Corse (délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015). Pour la première fois, après treize ans de travaux et de débats, la Corse dispose d’un plan de développement élaboré par ses élus et ses forces vives. Maria Giudicelli se réjouit que la Corse soit « enfin sur les rails ». La droite ne désarme pas. Elle dénonce « un carcan » et affirme que le document étant « plus qu'attaquable » est voué à « se retrouvera entre les mains du juge administratif ». Elle ne se trompe pas. Et cela sera ces procédures et leur objet contribueront grandement à occulter et même à faire oublier la dimension plan de développement et à imposer celle de rempart.
Les procédures
✓ 2018 / En mars, ayant été saisi aussi par des communes et des particuliers, le Tribunal administratif de Bastia annule une disposition majeure de la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 : la carte des espaces stratégiques agricoles (ESA) ; espaces inconstructibles car réservée à l'agriculture, devenant constructibles si les communes, via un Plan local d'urbanisme, les rendent tels en les remplaçant par des surfaces de superficies identiques et ayant une valeur agricole avérée. Ce jugement va priver la Collectivité de Corse, durant plus de deux ans, de cartographie ESA opposable et favoriser la consommation de terrains par la promotion immobilière.
✓ 2020 / En novembre, l’Assemblée de Corse adopte une modification du PADDUC portant sur une adaptation de la délimitation des ESA.
✓ 2022 / En avril, saisi par 20 requérants, dont cinq communes, le tribunal administratif de Bastia annule la modification du PADDUC portant sur la délimitation des ESA adoptée en novembre.
✓ 2023 / En juillet, la cour administrative d’appel de Marseille rétablit la carte des ESA dictée par la délibération du 5 novembre 2020 de l'Assemblée de Corse.
Modification ou révision, et ce, pour quoi faire ?
Il est donc un grand malentendu qu’il importe de dissiper sous peine de voir un jour le rempart PADDUC irrémédiablement emporté par le jeu de forces contraires : les unes, le jugeant inefficient ou insuffisamment contraignant, qui pourraient le rendre insupportable si elles parvenaient à ce que ses dispositions restrictives soient « durcies » ; les autres qui, en s’ingéniant à le présenter comme étant « anti-développement » ou « anti-projet personnel », œuvrent à ce qu’il soit au moins démantelé pour laisser libre cours à une vision libérale ou tout simplement affairiste ou égoïste du développement. Pour dissiper ce grand malentendu, il est une opportunité : le législateur a prévu qu’à l’expiration d'un délai de six ans à compter de son adoption (octobre 2015), il convient de procéder à une évaluation globale du PADDUC. Ce qui présente un intérêt évident : permettre de recadrer la perception que l’on a du PADDUC en restituant à celui-ci sa dimension de plan de développement ; replacer sa dimension de super règlement d’urbanisme dans une prise en compte des réalités et des besoins d’un territoire et d’une population, ce qui va au-delà de considérer la préservation de l’environnement.
Un certain optimisme est permis car, en novembre 2011, lors du débat de l’Assemblée de Corse consacré aux conditions de réalisation de l’évaluation et à la fixation de ses objectifs, Julien Paolini, conseiller exécutif, président de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse, qui a en charge le dossier PADDUC, a ouvert la porte au recadrage : « Le moment est arrivé de réaliser cette analyse globale, avec notamment les effets du Padduc sur l’environnement. Au terme de cette analyse, l’Assemblée de Corse devra déterminer s’il faut le réviser, le modifier et elle définira les procédures liées à une éventuelle évolution du document. »
Par ailleurs, des intervenants, même s’ils l’ont fait selon des objectifs différents, ont en substance rejoint son propos. Paul Quastana, conseiller Core in Fronte, a affirmé : « Je crois qu’il faut repartir complètement de zéro et mettre en place un véritable plan de développement avec une stratégie cohérente et une convergence générale de tous les outils. » Marie-Thérèse Mariotti, conseillère Un soffiu novu, a constaté : « Sept ans après sa validation, force est de constater que le Padduc n’a pas été appliqué. C’est vraiment l’enjeu de cette analyse : pourquoi n’a-t-il pas été appliqué ? » Jean-Christophe Angelini, conseiller Avanzemu / Partitu di a Nazione Corsa, a déploré : « Dès qu’on parle de littoral, on est spéculateur et intégriste ; dès qu’on parle d’agriculture, on est productiviste et intégriste. Ce pays adore les schémas de cet ordre et les cultive à l’envi dans presque tous les domaines. Comme si l’idée de tendre vers un compromis relevait du gros mot ou de la trahison. »
La méthode Adaptation ou Révision qu’a fait valider Julien Paolini par l’Assemblé de Corse, incite elle aussi à l’optimisme en remettant dans le jeu la dimension Planification : ne pas se limiter au seul volet de l’urbanisme même s’il importe de faire un état des lieux et d’agir pour en arriver au plus vite à une mise en compatibilité des documents d’urbanisme communaux avec le PADDUC ainsi qu’à une prise en compte de nouveaux impératifs (loi ALUR, loi Elan autorisant la reconnaissance de hameaux désormais urbanisés, mise en cohérence des lois Littoral et Montagne, adaptation du Zéro artificialisation nette pour ne pas donner une prime aux communes ayant beaucoup urbanisé et laisser des marges de manœuvre aux communes de l'intérieur…) ; se recentrer autour de trois volets (société, économie, aménagement du territoire) ; travailler en collégialité et transversalité avec tous les acteurs ; agir pour que tous les services de la Collectivité de Corse s’approprient le PADDUC et plus particulièrement l'ensemble de ses orientations stratégiques ; adapter le PADDUC aux nouvelles politiques publiques et aux problématiques nouvelles. Ce qui au fond suggère : un retour a la méthode, à la démarche et à l’ambition Maria Giudicelli… Il va falloir au moins deux ans pour finaliser une adaptation ou une révision, voire plus en cas d'évolution institutionnelle.
En attendant, « Femu e corne » pour que les raisons d’être optimiste soient confortées et que cela aboutisse à dissiper le grand malentendu pour le plus grand bien d’un développement durable profitable aux territoires et aux habitants de notre île, et aussi à la protection de l’environnement.
Pierre Corsi
Certes le PADDUC a pour objectif de contribuer à une maîtrise de la construction. Mais pas que ! Il représente aussi et surtout, c’est la vocation que lui donnaient et ont voulu transcrire celles et ceux qui l’ont élaboré, l’ouverture d’une perspective et d’une ambition pour la Corse.
Le PADDUC est constamment l’objet du débat et de la polémique. Les uns y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux mais regrettent qu’il soit un outil inopérant ou du moins pas assez efficace contre la spéculation foncière, la promotion immobilière et la bétonisation. Les autres le jugent trop contraignant. Parmi ces derniers, outre des spéculateurs, des promoteurs et des acteurs majeurs du BTP qui agissent contre le PADDUC en jouant du lobbying et de l’appât du gain, on compte de nombreux maires qui estiment que le PADDUC, en limitant ou interdisant la possibilité de construire, est un obstacle au développement de leurs communes. En outre, ces mêmes maires accusent souvent le PADDUC d’être facteur de ce qu’ils jugent être une hérésie et une injustice. En effet, ils soulignent que fréquemment des communes du « désert rural » voient les demandes de permis de construire de leurs administrés être rejetées, alors que les immeubles et les villas poussent comme des champignons sur le littoral et dans les communes les plus peuplées ou les plus touristiques.
Par ailleurs, autre signe que la pilule PADDUC passe pas mal ou pas du tout chez beaucoup de maires, beaucoup d’entre eux se gardent bien de mettre en compatibilité leurs documents d’urbanisme avec le PADDUC ou préfèrent, pour éviter d’avoir à le faire, se passer de ces documents et s’en remettre aux services de l’État pour juger du bien fondé ou non de la délivrance des permis de construire. Ce que dénonce régulièrement des associions de défense de l’environnement, notamment U Levante (voir par ailleurs, U Levante : « Les maires peuvent et doivent abroger leurs PLU ou leurs cartes communales et en élaborer de nouveaux compatibles avec le PADDUC »).
Enfin des particuliers considèrent que le PADDUC les prive de la jouissance de leur droit de propriété en les empêchant de construire « la maison de leurs rêves » sur « un terrain appartenant à leur famille depuis des générations ».
Mauvais procès ou pertinentes critiques ? Peut-être les deux.
Faut-il pour autant en finir avec le PADDUC ou le réviser en réduisant les limites et les règles qu’il impose à l’urbanisation et ainsi en arriver à démanteler un document que le Président du Conseil exécutif Gilles Simeoni a, lors d’un débat à l’Assemblée de Corse, désigné comme étant « un instrument majeur de lutte contre la spéculation ».
Ou faut-il, au contraire, alors que la spéculation, la promotion et la bétonisation battent leur plein et sont quotidiennement dénoncées, le « durcir » en renforçant, par de nouvelles dispositions, la possibilité de limiter ou interdire les constructions et ainsi ignorer la parole de maires et de particuliers pouvant en certains cas être pertinente ?
Le débat est ouvert mais il n’est pas évident que cela soit le bon débat. Au moins, peut-être, ne serait-il pas réducteur ou contre-productif ? En effet, considérer le PADDUC comme étant essentiellement un formidable rempart contre la spéculation, la promotion et la bétonisation, ne le voue-t-il pas n’être plus, comme l’ont été la muraille de Chine ou le mur d’Hadrien, qu’un obstacle défensif qui, à force d’être soumis à des assauts, sera à terme submergé et balayé ?
Certes le PADDUC a pour objectif de contribuer à une maîtrise de la construction. Mais pas que ! Il représente aussi et surtout, c’est la vocation que lui donnaient et ont voulu transcrire celles et ceux qui l’ont élaboré, l’ouverture d’une perspective et d’une ambition pour la Corse. Pour s’en rappeler ou le comprendre, il convient d’abord de prendre en compte ce que signifie l’acronyme PADDUC, à savoir : Plan d’aménagement et de développement durable de Corse.
Le PADDUC est donc bien plus qu’un super règlement d’urbanisme visant à préserver l’environnement. Il est aussi et surtout un document de planification régionale qui définit une stratégie de développement durable du territoire corse en fixant des objectifs de développement économique, social, culturel et touristique, et ce, selon un équilibre territorial. Il a également pour objet de cadrer l'aménagement du territoire insulaire car il a valeur de Directive territoriale d'aménagement, de Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, de Schéma de mise en valeur de la mer, de Schéma régional de transport, et d’être opposable aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales. La genèse et la construction du PADDUC (évoquée plus loin) sous l’égide du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse, confirment d’ailleurs qu’il ne pas vocation à être réduit à une fonction de rempart mais doit être considéré comme l’indication d’un cheminement vers ce que que pourrait être une Corse du développement durable, de la cohésion sociale et de la préservation / valorisation d’une identité forte. Ce qu’ont voulu la plupart de celles et ceux qui ont contribué à son élaboration et en premier lieu celle qui a porté le chantier : Maria Giudicelli.
Genèse et construction du PADDUC
✓ 2002 / La loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse reconnaît à la Collectivité Territoriale de Corse la compétence d’élaborer un Plan d'Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC).
✓ 2009 / En juin, à l’Assemblée de Corse, faute de consensus et aussi du fait de l’approche des élections territoriales de mars 2010, le projet de PADDUC élaboré par la majorité de droite (Ange Santini, président du Conseil exécutif) est retiré de l’ordre du jour. Nationalistes, gauche et associations de défense de l’environnement reprochent au projet de trop céder au tourisme et à l'économie résidentielle, de sacrifier le littoral, l'environnement et la soutenabilité du développement.
✓ 2010 / Après la victoire de la gauche aux élections territoriales (mars 2010), Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif, charge la conseillère exécutive Maria Giudicelli de travailler à l’élaboration d’un nouveau projet de PADDUC. Celle-ci consultera les mondes politique, économique et associatif. Près de 800 acteurs seront impliqués à travers des réunions, des ateliers, des comités techniques. Des Assises du Foncier et du Logement (2010) préconiseront une politique régionale du foncier et du logement. Des Assises du Littoral (2011) feront des propositions concernant l’aménagement du littoral.
✓ 2012 / Plus de 3000 personne répondent à un sondage et un questionnaire visant à identifier les attentes de la société corse / En juillet, l’Assemblée de Corse adopte cinq orientations : limiter les facteurs de dépendance du territoire ; gérer durablement les ressources naturelles ; mettre les ressources culturelles, identitaires et patrimoniales au service du développement ; réduire les inégalités sociales et territoriales ; encourager l’initiative privée et les activités productives pour développer l’emploi.
✓ 2014 / En janvier, l’Assemblée de Corse approuve le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) fixant les règles et outils d’un modèle de développement choisi, et ce, selon : un axe Social et Sociétal (humain au centre du développement, valorisation de la culture sous toutes ses expressions pour en faire le socle de la cohésion et de l’émancipation sociale) ; un axe Économie (croissance écoresponsable, création d’activités et d’emplois à partir des capital humain, naturel et culturel locaux) ; un axe Aménagement (harmonisation territoriale). / Automne, l’Assemblée de Corse adopte le projet de PADDUC et notamment le Schéma d’Aménagement Territorial (déclinaison, matérialisée sur des cartes d’une organisation spatiale des activités et des équipements). De premières critiques ou réserves indiquent que certains y voient déjà plus un rempart encombrant ou insuffisant que l’ouverture d’une perspective (la droite dénonce un projet de non développement, des associations de protection de l’environnement s’inquiètent du déclassement de certaines zones naturelle, des nationalistes disent craindre pour les espaces agricoles).
✓ 2015 / En avril, après avis du Conseil Économique, Social et Culturel de Corse, du Conseil des Sites de Corse et de l'Autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement, le projet de PADDUC est à nouveau approuvé par l'Assemblée de Corse / De mai à juillet, le projet est soumis à l'enquête publique (1134 observations recueillies) / En août, La Commission d'enquête émet un avis favorable / Le 2 octobre 2015, le PADDUC est adopté par l’Assemblée de Corse (délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015). Pour la première fois, après treize ans de travaux et de débats, la Corse dispose d’un plan de développement élaboré par ses élus et ses forces vives. Maria Giudicelli se réjouit que la Corse soit « enfin sur les rails ». La droite ne désarme pas. Elle dénonce « un carcan » et affirme que le document étant « plus qu'attaquable » est voué à « se retrouvera entre les mains du juge administratif ». Elle ne se trompe pas. Et cela sera ces procédures et leur objet contribueront grandement à occulter et même à faire oublier la dimension plan de développement et à imposer celle de rempart.
Les procédures
✓ 2018 / En mars, ayant été saisi aussi par des communes et des particuliers, le Tribunal administratif de Bastia annule une disposition majeure de la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 : la carte des espaces stratégiques agricoles (ESA) ; espaces inconstructibles car réservée à l'agriculture, devenant constructibles si les communes, via un Plan local d'urbanisme, les rendent tels en les remplaçant par des surfaces de superficies identiques et ayant une valeur agricole avérée. Ce jugement va priver la Collectivité de Corse, durant plus de deux ans, de cartographie ESA opposable et favoriser la consommation de terrains par la promotion immobilière.
✓ 2020 / En novembre, l’Assemblée de Corse adopte une modification du PADDUC portant sur une adaptation de la délimitation des ESA.
✓ 2022 / En avril, saisi par 20 requérants, dont cinq communes, le tribunal administratif de Bastia annule la modification du PADDUC portant sur la délimitation des ESA adoptée en novembre.
✓ 2023 / En juillet, la cour administrative d’appel de Marseille rétablit la carte des ESA dictée par la délibération du 5 novembre 2020 de l'Assemblée de Corse.
Modification ou révision, et ce, pour quoi faire ?
Il est donc un grand malentendu qu’il importe de dissiper sous peine de voir un jour le rempart PADDUC irrémédiablement emporté par le jeu de forces contraires : les unes, le jugeant inefficient ou insuffisamment contraignant, qui pourraient le rendre insupportable si elles parvenaient à ce que ses dispositions restrictives soient « durcies » ; les autres qui, en s’ingéniant à le présenter comme étant « anti-développement » ou « anti-projet personnel », œuvrent à ce qu’il soit au moins démantelé pour laisser libre cours à une vision libérale ou tout simplement affairiste ou égoïste du développement. Pour dissiper ce grand malentendu, il est une opportunité : le législateur a prévu qu’à l’expiration d'un délai de six ans à compter de son adoption (octobre 2015), il convient de procéder à une évaluation globale du PADDUC. Ce qui présente un intérêt évident : permettre de recadrer la perception que l’on a du PADDUC en restituant à celui-ci sa dimension de plan de développement ; replacer sa dimension de super règlement d’urbanisme dans une prise en compte des réalités et des besoins d’un territoire et d’une population, ce qui va au-delà de considérer la préservation de l’environnement.
Un certain optimisme est permis car, en novembre 2011, lors du débat de l’Assemblée de Corse consacré aux conditions de réalisation de l’évaluation et à la fixation de ses objectifs, Julien Paolini, conseiller exécutif, président de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse, qui a en charge le dossier PADDUC, a ouvert la porte au recadrage : « Le moment est arrivé de réaliser cette analyse globale, avec notamment les effets du Padduc sur l’environnement. Au terme de cette analyse, l’Assemblée de Corse devra déterminer s’il faut le réviser, le modifier et elle définira les procédures liées à une éventuelle évolution du document. »
Par ailleurs, des intervenants, même s’ils l’ont fait selon des objectifs différents, ont en substance rejoint son propos. Paul Quastana, conseiller Core in Fronte, a affirmé : « Je crois qu’il faut repartir complètement de zéro et mettre en place un véritable plan de développement avec une stratégie cohérente et une convergence générale de tous les outils. » Marie-Thérèse Mariotti, conseillère Un soffiu novu, a constaté : « Sept ans après sa validation, force est de constater que le Padduc n’a pas été appliqué. C’est vraiment l’enjeu de cette analyse : pourquoi n’a-t-il pas été appliqué ? » Jean-Christophe Angelini, conseiller Avanzemu / Partitu di a Nazione Corsa, a déploré : « Dès qu’on parle de littoral, on est spéculateur et intégriste ; dès qu’on parle d’agriculture, on est productiviste et intégriste. Ce pays adore les schémas de cet ordre et les cultive à l’envi dans presque tous les domaines. Comme si l’idée de tendre vers un compromis relevait du gros mot ou de la trahison. »
La méthode Adaptation ou Révision qu’a fait valider Julien Paolini par l’Assemblé de Corse, incite elle aussi à l’optimisme en remettant dans le jeu la dimension Planification : ne pas se limiter au seul volet de l’urbanisme même s’il importe de faire un état des lieux et d’agir pour en arriver au plus vite à une mise en compatibilité des documents d’urbanisme communaux avec le PADDUC ainsi qu’à une prise en compte de nouveaux impératifs (loi ALUR, loi Elan autorisant la reconnaissance de hameaux désormais urbanisés, mise en cohérence des lois Littoral et Montagne, adaptation du Zéro artificialisation nette pour ne pas donner une prime aux communes ayant beaucoup urbanisé et laisser des marges de manœuvre aux communes de l'intérieur…) ; se recentrer autour de trois volets (société, économie, aménagement du territoire) ; travailler en collégialité et transversalité avec tous les acteurs ; agir pour que tous les services de la Collectivité de Corse s’approprient le PADDUC et plus particulièrement l'ensemble de ses orientations stratégiques ; adapter le PADDUC aux nouvelles politiques publiques et aux problématiques nouvelles. Ce qui au fond suggère : un retour a la méthode, à la démarche et à l’ambition Maria Giudicelli… Il va falloir au moins deux ans pour finaliser une adaptation ou une révision, voire plus en cas d'évolution institutionnelle.
En attendant, « Femu e corne » pour que les raisons d’être optimiste soient confortées et que cela aboutisse à dissiper le grand malentendu pour le plus grand bien d’un développement durable profitable aux territoires et aux habitants de notre île, et aussi à la protection de l’environnement.
Pierre Corsi