A Diu Max, militante di a Nazione Corsa
Max Simeoni demanderait bien plus que toutes les pages du présent journal
A Diu Max, militante di a Nazione Corsa
Évoquer tout le parcours politique et militant de Max Simeoni demanderait bien plus que toutes les pages du présent journal. Nous nous en tiendrons donc à rappeler ce que n’ont pas connu celles et ceux qui, en 1975, n’étaient pas encore nés ou en âge de raison.
A Lozzi, son village natal, elles et ils se pressaient à l’intérieur et aux abords de la petite église. Elles et ils étaient des centaines. Étaient présents la famille, les amis proches, des habitants du village et des villages alentours, des responsables politiques, des militants nationalistes. Toutes et tous étaient venus accompagner le début de l’ascension « versu Diu », d’un des rares ayant à la fois rêvé, pensé, initié et façonné le nationalisme corse contemporain, d’un de ceux ayant vécu les enthousiasmes, les doutes, les questionnements, les dangers, les moments difficiles et les drames du militantisme au service d’une grande cause. Parmi elles, parmi eux, on reconnaissait les derniers acteurs des premières années d’un combat ayant débuté il y a plus d’une demi-siècle et qui n’en finit pas de durer : le combat pour la reconnaissance de l’existence, des intérêts collectifs et des droits nationaux d’un peuple. Ceux-ci évoquaient son parcours avec les mêmes mots : conviction, détermination, simplicité, humanité. Ceux-ci soulignaient son attachement indéfectible à ce que les nationalistes, malgré des divergences tactiques ou stratégiques, restent unis autour ce qu’il considérait être l’essentiel, agir pour l’émancipation du Peuple corse, et le sacré, refuser l’affrontement entre Corses.
Le choix d’agir pour la Corse
Max est né en 1929. Le début de son existence a été celui de bien des jeunes corses de sa génération. Enfant, il a connu la période de la Deuxième guerre mondiale. Adolescent, il a vécu la vie de village et l’internat. Jeune adulte, il a traversé la mer pour faire des études universitaires. Adulte, il a obtenu, à Marseille, le diplôme qui lui a permis de réussir professionnellement. C’est après l’obtention de celui-ci que, contrairement à beaucoup de Corses et à une époque où il se disait couramment que la réussite se construisait à Marseille, Aix, Nice ou Paris, ou plus loin dans ce qu’on appelait l’Empire Français dans les livres et « les colonies » dans nos villages, il a fait le choix de vivre en Corse. Au début des années 1960, il s’est installé à Bastia et a commencé à exercer la médecine. Son amour de la Corse a alors pris une forme qui était loin d’être celle de la plupart des Corses de ce temps : il a décidé d’agir pour la Corse et non uniquement pour sa personne, sa famille, un clan, un clocher. En 1964, Il a participé à la création du Comité de défense de la Corse (CEDIC). Ce Comité défendait des idée qu’à l’âge de 94 ans, Max professait encore : le rejet de l’exploitation des richesses de la Corse par des colons ou des opportunistes, le refus de voir la Corse se vider de sa jeunesse, la volonté d’œuvrer au retour de la Diaspora.
Le choix du régionalisme
Le CEDIC était porteur d’un amour de la Corse et d’une vocation à défendre les intérêts des Corses contre un État qui ignorait ses problèmes, contre différents prédateurs venus d’ailleurs, contre quelques compradores, contre un modernisme imposé, contre une modernité qui se diffusait trop vite. Max et quelques autres, dont ses frères Edmond et Roland, ont très vite compris que le salut de la Corse et de ceux qu’on commençait à dénommer non plus les les Corses, mais le Peuple Corse, exigeait d’élever le niveau des revendications et la remise en cause d’un système séculaire. En 1967, ils ont fondé l’Action Régionaliste Corse (ARC) qui - outre défendre les intérêts de la Corse et des Corses contre un État qui semblait sourd et aveugle et prétendait tout régenter et contre des prédateurs allogènes - exigeait des droits politiques particuliers pour la survie d’un peuple et le développement d’une île, et dénonçait le pouvoir local en place : celui des clans. Cette revendication d’un véritable pouvoir local et cette remise en cause de notables relayant les diktats d’un pouvoir central, étant complaisants voire complices avec les prédateurs, confisquant ou empêchant l’expression du suffrage universel et de la démocratie, et imposant un carcan social, s’inscrivait d’ailleurs dans un mouvement qui traversait la société française et qui, en 1967 également, était expliqué dans un ouvrage intitulé « La révolution régionaliste » dont l’auteur était Robert Lafont, un universitaire occitan (professeur de linguistique à l'université de Montpellier).
Le choix du nationalisme
Robert Lafont considérait qu’une situation de type colonial était pour beaucoup dans le malaise politique, économique et social des régions de France. Entre 1967 et 1973, Max et l’ARC, ainsi que d’autres mouvements, notamment le Front Régionaliste Corse, se sont inspirés de ce constat, l’ont fait leur et l’ont décliné en des revendications adaptées à la Corse. S’approprier ce constat puis renouer avec l’Histoire de la Corse a incité Max et beaucoup de militants à franchir un nouveau pas : passer du régionalisme au nationalisme. Ils ont effet, tirant d’ailleurs ainsi un trait d’union entre la Corse de Pasquale Paoli et la Corse contemporaine, renoué avec une revendication nationaliste qui avait été affirmée : en une phrase, en mars 1914, dans l’unique parution de la revue à Cispra : « A Corsica un n’è mic’un dipartimentu francese : è una Nazione vinta ch’ha rinasce ! » ; puis, durant les années 1920 et 1930, par le Partitu Corsu d'Azione devenu ensuite Partitu Corsu Autonomista qui revendiquait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et ce pas nationaliste a aussi incité Max et l’ARC, afin de l’identifier et surtout lui donner une traduction concrète, à emboîter le pas de la revendication autonomiste que quelques autres avaient déjà franchi (les rédacteurs du méconnu « Au problème corse, une solution corse: manifeste sur l'autonomie interne », publié au début des années 1960 ; les signataires en 1973 de A Chjama di u Castellare).
Autonomia
Max n’a donc été un Père ni du nationalisme, ni de l’autonomisme et l’ARC n’a pas été une église fondatrice. Mais ils ont été les rédacteurs du Livre, des Apôtres et des Prêtres. En 1974, ils ont rédigé collectivement et publié « Autonomia, pour que vive le Peuple Corse », manifeste exposant et expliquant le nationalisme et l’autonomisme et leur offrant un vecteur moderne et programmatique. En 1974 et 1975, Max et l’ARC (renommée Azzione per a Rinascita di a Corsica en 1974) ont diffusé, présenté et soumis au débat ce manifeste dans toute la Corse et au sein de la Diaspora. Max et l’ARC ont aussi été les initiateurs et les organisateurs des grandes messes sous chapiteau, E Ghjurnate di l’ARC, qui ont eu pour cadre U Cateraghju en Plaine Orientale puis Corti ; évènements annuels qui ont permis au charisme d’Edmond Simeoni de s’exprimer pleinement, de sensibiliser, conscientiser, galvaniser et mobiliser, à l’unisson, des milliers de Corses de L’Île et de la Diaspora, autour du sentiment d’appartenance à un peuple, du partage d’une identité, d’une culture et d’intérêts collectifs, du sentiment nationaliste et de la revendication autonomiste. Après les événements d’Aleria (août 1975), l’ARC ayant été dissoute et sa figure emblématique étant incarcérée, Max a été à l’initiative de la création et de la mise en place quasi immédiate de l’Associu di i Patriotti Corsi (APC) qui, en relation et en cohésion avec les Comités de soutien à Edmond Simeoni et aux militants emprisonnés ayant participé à l’occupation de la cave Depeille, ont expliqué Aleria en Corse et aux Corses de la Diaspora, tout en continuant de populariser l’idée nationaliste et la revendication autonomiste. Enfin, et ce, jusqu’à son dernier souffle, chaque semaine, Max a été un rédacteur de l’hebdomadaire Arritti dont il avait été un des fondateurs en 1966, et dans lequel il avait rédigé et signé un éditorial-profession de foi où il assumait publiquement : « Je suis un nationaliste corse » (19 août 1973). Apôtre, prêtre, co-rédacteur du Livre et aussi rédacteurs de milliers de sermons, Max mérite bien d’aller vers Diu, et surtout d’être bien reçu par celui-ci, du fait de ses qualités humaines et de son parcours de Militante di a Nazione Corsa.
Pierre Corsi
Évoquer tout le parcours politique et militant de Max Simeoni demanderait bien plus que toutes les pages du présent journal. Nous nous en tiendrons donc à rappeler ce que n’ont pas connu celles et ceux qui, en 1975, n’étaient pas encore nés ou en âge de raison.
A Lozzi, son village natal, elles et ils se pressaient à l’intérieur et aux abords de la petite église. Elles et ils étaient des centaines. Étaient présents la famille, les amis proches, des habitants du village et des villages alentours, des responsables politiques, des militants nationalistes. Toutes et tous étaient venus accompagner le début de l’ascension « versu Diu », d’un des rares ayant à la fois rêvé, pensé, initié et façonné le nationalisme corse contemporain, d’un de ceux ayant vécu les enthousiasmes, les doutes, les questionnements, les dangers, les moments difficiles et les drames du militantisme au service d’une grande cause. Parmi elles, parmi eux, on reconnaissait les derniers acteurs des premières années d’un combat ayant débuté il y a plus d’une demi-siècle et qui n’en finit pas de durer : le combat pour la reconnaissance de l’existence, des intérêts collectifs et des droits nationaux d’un peuple. Ceux-ci évoquaient son parcours avec les mêmes mots : conviction, détermination, simplicité, humanité. Ceux-ci soulignaient son attachement indéfectible à ce que les nationalistes, malgré des divergences tactiques ou stratégiques, restent unis autour ce qu’il considérait être l’essentiel, agir pour l’émancipation du Peuple corse, et le sacré, refuser l’affrontement entre Corses.
Le choix d’agir pour la Corse
Max est né en 1929. Le début de son existence a été celui de bien des jeunes corses de sa génération. Enfant, il a connu la période de la Deuxième guerre mondiale. Adolescent, il a vécu la vie de village et l’internat. Jeune adulte, il a traversé la mer pour faire des études universitaires. Adulte, il a obtenu, à Marseille, le diplôme qui lui a permis de réussir professionnellement. C’est après l’obtention de celui-ci que, contrairement à beaucoup de Corses et à une époque où il se disait couramment que la réussite se construisait à Marseille, Aix, Nice ou Paris, ou plus loin dans ce qu’on appelait l’Empire Français dans les livres et « les colonies » dans nos villages, il a fait le choix de vivre en Corse. Au début des années 1960, il s’est installé à Bastia et a commencé à exercer la médecine. Son amour de la Corse a alors pris une forme qui était loin d’être celle de la plupart des Corses de ce temps : il a décidé d’agir pour la Corse et non uniquement pour sa personne, sa famille, un clan, un clocher. En 1964, Il a participé à la création du Comité de défense de la Corse (CEDIC). Ce Comité défendait des idée qu’à l’âge de 94 ans, Max professait encore : le rejet de l’exploitation des richesses de la Corse par des colons ou des opportunistes, le refus de voir la Corse se vider de sa jeunesse, la volonté d’œuvrer au retour de la Diaspora.
Le choix du régionalisme
Le CEDIC était porteur d’un amour de la Corse et d’une vocation à défendre les intérêts des Corses contre un État qui ignorait ses problèmes, contre différents prédateurs venus d’ailleurs, contre quelques compradores, contre un modernisme imposé, contre une modernité qui se diffusait trop vite. Max et quelques autres, dont ses frères Edmond et Roland, ont très vite compris que le salut de la Corse et de ceux qu’on commençait à dénommer non plus les les Corses, mais le Peuple Corse, exigeait d’élever le niveau des revendications et la remise en cause d’un système séculaire. En 1967, ils ont fondé l’Action Régionaliste Corse (ARC) qui - outre défendre les intérêts de la Corse et des Corses contre un État qui semblait sourd et aveugle et prétendait tout régenter et contre des prédateurs allogènes - exigeait des droits politiques particuliers pour la survie d’un peuple et le développement d’une île, et dénonçait le pouvoir local en place : celui des clans. Cette revendication d’un véritable pouvoir local et cette remise en cause de notables relayant les diktats d’un pouvoir central, étant complaisants voire complices avec les prédateurs, confisquant ou empêchant l’expression du suffrage universel et de la démocratie, et imposant un carcan social, s’inscrivait d’ailleurs dans un mouvement qui traversait la société française et qui, en 1967 également, était expliqué dans un ouvrage intitulé « La révolution régionaliste » dont l’auteur était Robert Lafont, un universitaire occitan (professeur de linguistique à l'université de Montpellier).
Le choix du nationalisme
Robert Lafont considérait qu’une situation de type colonial était pour beaucoup dans le malaise politique, économique et social des régions de France. Entre 1967 et 1973, Max et l’ARC, ainsi que d’autres mouvements, notamment le Front Régionaliste Corse, se sont inspirés de ce constat, l’ont fait leur et l’ont décliné en des revendications adaptées à la Corse. S’approprier ce constat puis renouer avec l’Histoire de la Corse a incité Max et beaucoup de militants à franchir un nouveau pas : passer du régionalisme au nationalisme. Ils ont effet, tirant d’ailleurs ainsi un trait d’union entre la Corse de Pasquale Paoli et la Corse contemporaine, renoué avec une revendication nationaliste qui avait été affirmée : en une phrase, en mars 1914, dans l’unique parution de la revue à Cispra : « A Corsica un n’è mic’un dipartimentu francese : è una Nazione vinta ch’ha rinasce ! » ; puis, durant les années 1920 et 1930, par le Partitu Corsu d'Azione devenu ensuite Partitu Corsu Autonomista qui revendiquait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Et ce pas nationaliste a aussi incité Max et l’ARC, afin de l’identifier et surtout lui donner une traduction concrète, à emboîter le pas de la revendication autonomiste que quelques autres avaient déjà franchi (les rédacteurs du méconnu « Au problème corse, une solution corse: manifeste sur l'autonomie interne », publié au début des années 1960 ; les signataires en 1973 de A Chjama di u Castellare).
Autonomia
Max n’a donc été un Père ni du nationalisme, ni de l’autonomisme et l’ARC n’a pas été une église fondatrice. Mais ils ont été les rédacteurs du Livre, des Apôtres et des Prêtres. En 1974, ils ont rédigé collectivement et publié « Autonomia, pour que vive le Peuple Corse », manifeste exposant et expliquant le nationalisme et l’autonomisme et leur offrant un vecteur moderne et programmatique. En 1974 et 1975, Max et l’ARC (renommée Azzione per a Rinascita di a Corsica en 1974) ont diffusé, présenté et soumis au débat ce manifeste dans toute la Corse et au sein de la Diaspora. Max et l’ARC ont aussi été les initiateurs et les organisateurs des grandes messes sous chapiteau, E Ghjurnate di l’ARC, qui ont eu pour cadre U Cateraghju en Plaine Orientale puis Corti ; évènements annuels qui ont permis au charisme d’Edmond Simeoni de s’exprimer pleinement, de sensibiliser, conscientiser, galvaniser et mobiliser, à l’unisson, des milliers de Corses de L’Île et de la Diaspora, autour du sentiment d’appartenance à un peuple, du partage d’une identité, d’une culture et d’intérêts collectifs, du sentiment nationaliste et de la revendication autonomiste. Après les événements d’Aleria (août 1975), l’ARC ayant été dissoute et sa figure emblématique étant incarcérée, Max a été à l’initiative de la création et de la mise en place quasi immédiate de l’Associu di i Patriotti Corsi (APC) qui, en relation et en cohésion avec les Comités de soutien à Edmond Simeoni et aux militants emprisonnés ayant participé à l’occupation de la cave Depeille, ont expliqué Aleria en Corse et aux Corses de la Diaspora, tout en continuant de populariser l’idée nationaliste et la revendication autonomiste. Enfin, et ce, jusqu’à son dernier souffle, chaque semaine, Max a été un rédacteur de l’hebdomadaire Arritti dont il avait été un des fondateurs en 1966, et dans lequel il avait rédigé et signé un éditorial-profession de foi où il assumait publiquement : « Je suis un nationaliste corse » (19 août 1973). Apôtre, prêtre, co-rédacteur du Livre et aussi rédacteurs de milliers de sermons, Max mérite bien d’aller vers Diu, et surtout d’être bien reçu par celui-ci, du fait de ses qualités humaines et de son parcours de Militante di a Nazione Corsa.
Pierre Corsi