• Le doyen de la presse Européenne

Expositions " BD à Bastia " / Una Volta / en différé d'automne

En différé d'automne , una Volta propose jusqu'à fin octobre une série d'espos des " rencontres BD à Bastia" qui n'ont pu se tenir à Pâques....
Expositions « BD à Bastia »
En différé d’automne


Una Volta propose jusqu’à la fin octobre une série d’expos des « Rencontres BD à Bastia », qui n’ont pu se tenir à Pâques…
Le printemps en automne, voilà bien «une « facétie » de cet interminable Covid 19… Si seulement !...

On peut admirer le travail préparatoire à la réalisation de l’album, « Soon » du dessinateur, Benjamin Adam et du scénariste, Thomas Cadène, au premier étage des galeries d’Una Volta. « Soon » est partie intégrante de « La fabrique des futurs » dédiée à la science-fiction, comme les planches d’autres auteurs, des créations qui valent toutes le détour.
Publié chez Dargaud, « Soon » conjugue à la fois beauté graphique et méditation sur un avenir que peut nous léguer un présent des plus troublés.
« Soon » nous emporte en 2140 – soit demain ou presque ! – et nous conduit en 2151 à l’heure du départ d’une exploration spatiale déterminante pour une humanité qui a ployé sous un flot de souffrances, de malheurs, de deuils pendant plusieurs décennies. 2151, on est encore au début du XXI è siècle, même si l’histoire que nous conte cette bande dessinée nous semble bien lointaine. Difficile de sortir le nez des affres du présent. Et pourtant…

En 2151, Adam et Cadène ont imaginé que des dégâts climatiques, des guerres ont entraîné des conséquences dramatiques auxquelles s’ajoute une maladie incontrôlable… en l’occurrence les artistes ne seraient-ils pas prescients ? Résultats de tous ces fléaux : la population de la planète a été divisée par dix par rapport à nos jours, et vit concentrée dans des métropoles qui ont supplanté pays et états.
Cette nouvelle organisation du monde est régi par ce que les créateurs nomment « Le Contrat » respecté parce qu’il établit un équilibre après tant de plaies physiques, psychiques et morales.
Les protagonistes principaux de « Soon » sont une mère et son fils. Pour une fois c’est la plus âgée qui est la plus ouverte, la plus curieuse, la plus aventureuse des deux. Simone, ainsi s’appelle-t-elle, doit être la responsable d’une mission spatiale autant souhaitée que redoutée. Youri, son fils, va réussir progressivement à se déparer de son immobilisme mental pour acquérir maturité et dynamisme qui lui manquent.

Originalité de cette BD ? Son côté documentaire qui vient souligner et compléter la fiction. Voilà un aspect essentiel d’une œuvre qui sait être pédagogique avec élégance par son rappel perspicace à l’Odyssée de l’espace… et par sa nécessité impossible à confondre avec une quelconque futilité !


Ouverture d’Una Volta
Lundi, mardi, jeudi de 9 à 12h et de 14 j à 20h.
Mercredi de 9 à 20h.
Vendredi de 9 à 12h et de 14 h à 18h30

Ne pas manquer aussi l’exposition « Blutch » au musée de Bastia.


« Tous les voyants sont au rouge, nous avertit le réel ».
Thomas Cadène, scénariste et Benjamin Adam, dessinateur.


Dans quel genre placez-vous « Soon » ? La science-fiction ?
Nous nous situons dans l’anticipation. La science-fiction, elle, se déroule dans des époques très, très lointaines. Nous, nous sommes attirés par une projection tirée du constat du présent. Notre histoire se déroule dans un futur assez proche, certes après un chaos, mais elle n’envisage pas néanmoins un avenir flippant. Finalement il y a chez nous de optimisme.

Lequel de vous deux a eu l’idée de ce récit ? Pourquoi le choix de travailler ensemble ?
Benjamin Adam : J’ai proposé à Thomas d’écrire le scénario, car on avait fait une petite commande ensemble et ça c’était bien passé.
Thomas Cadène : J’ai tout de suite été d’accord parce qu’on avait des préoccupations communes tout en ayant un positionnement différent ce qui créait une dynamique et nous sortait d’une zone de confort.
B.A : Nous avons énormément discuté.
T.C : Notre dialogue a nourri notre histoire en particulier le personnage de Youri, le fils de Simone, responsable de la mission « Soon ». Au fil du récit il évolue et devient conscient que pour comprendre sa mère il doit se confronter au monde et en finir avec la routine

Avez-vous travaillé côte à côte ? A distance ?
B. A : Nous n’habitons pas la même ville. Thomas bloquait sa journée lorsque je venais lui montrer mes dessins de chaque nouvelle séquence qui contaient une des différentes étapes de l’album.
T.C : A chaque fois nos discussions agrégeaient quelque chose de commun qui construisait l’histoire. Nous avons, en particulier, beaucoup échangé sur les questions mémorielles.

Simone et Youri ont-ils des tempéraments antagoniques ?
Youri est né dans un monde où tout repose sur l’équilibre, un monde assez figé. Simone appartient à une génération plus proche du chaos. Elle a d’instinct l’esprit d’aventure que son fils doit acquérir à l’âge adulte. Dans « Soon » Simone incarne le personnage principal qui, à nos yeux, ne pouvait être un homme.

Avez-vous tout de suite songé à une alliance de la fiction et du documentaire ?
Combiner fiction et documentaire voilà notre clé, mais ce n’était pas évident à priori même si ça fait sens quand on interroge l’obsession des hommes pour l’ailleurs. Cependant mélanger documentaire et fiction nous a procuré un grand plaisir narratif en nous ouvrant une multiplicité de voies.

Répéter les erreurs commises par l’humanité depuis des siècles n’est-ce pas le risque encouru par la mission spatiale de Simone ?
Notre envie d’humanité nous pousse à aller voir ailleurs…

L’état d’esprit qui guide aujourd’hui la conquête spatiale n’a-t-elle pas changé ?
Nous vivons une époque où le business veut s’accaparer l’espace en se substituant aux Etats. Il y a peu l’espace était à tous et non privatisable !

Croyez-vous qu’on n’échappera pas à la catastrophe ?
La catastrophe… on y est déjà. Il n’est qu’à considérer les Bolsonaro, la déforestation de l’Amazonie, le sort des migrants, la poussée autoritaire qui se manifeste de toutes parts ainsi que les bouleversements climatiques. Tous les voyants sont au rouge nous avertit le réel. Nous ne sommes pas trop optimistes pour un demain mais il y aura un réveil… On espère qu’il sera plus rapide que prévu.

En imaginant une pandémie que vous appelez « grippe » n’avez-vous pas eu une prémonition du Covid 19 ?
Avant le moment où débute « Soon » il y a eu un effondrement global sur la planète. Cet effondrement nous ne voulions pas qu’il soit brutal mais qu’il ressemble à une lente érosion. Quel événement pouvait-il aboutir à ça ? A la réflexion une faille sanitaire nous a paru la réponse d’autant que toutes les institutions internationales semblent d’ores et déjà surannées.


Comment avez-vous conçu l’ordonnancement cadencé de la couleur dans la partie fiction
A l’origine il ne devait y avoir que le vert et le noir à l’instar de la partie documentaire. C’est notre éditrice qui nous a conseillé des variations de couleurs. On a fait des essais qui nous ont plu et à chaque destination de Youri nous avons opté pour une couleur différente qui ponctue les étapes.


Pourquoi un vert si spécial pour la partie documentaire ?
On pourrait parler d’une coquetterie graphique ! Mais il y a plus, ce vert apporte une dimension scientifique en connotant l’énergie nucléaire… Au plan de l’impression il y a un surcoût et dans certaines traductions il n’y aura qu’un vert ordinaire… Nous le regrettons, car il participe à la lisibilité de l’album.


Vers la fin il y a une scène où Youri raconte à sa petite-fille l’histoire de sa grand-mère partie explorer l’univers. Pourquoi ?
Avec cette page on a voulu évoquer une légende familiale et l’importance de la transmission.

Propos recueillis par M. A-P

Partager :