U Palatinu, un petit parti qui pourrait bien avoir tout d’un grand

U Palatinu, un petit parti qui pourrait bien avoir tout d’un grand

Il est en Corse habituel de résumer l’avenir au constat du présent. Ainsi le dernier né des mouvements insulaires, U Palatinu, fondé par Nicolas Battini, ancien nationaliste qui penchait à l’extrême gauche et a dérivé vers le bord opposé, a-t-il été négligé par les patriarches de la politique corse à commencer par la majorité actuelle. Or U Palatinu pourrait bien rebattre les cartes du paysage corse.

Un mouvement d’extrême droite autonomiste

Il est aujourd’hui très difficile de calquer les partis politiques insulaires sur la carte nationale. Sont-ils de droite ? De gauche ? Parfois tiers-mondiste, mais aussi xénophobe, il varie au gré des opportunités locales. U Palatinu accentue sinon la confusion du moins cette difficulté de classement. Son créateur, Nicolas Battini, est un nationaliste qui a purgé huit années de prison pour un attentat. Dans l’Incorrect il décrit son parcours : « Je n’ai cessé d’évoluer dans le militantisme nationaliste, d’abord vers des positions indépendantistes et puis après un certain nombre de constats, de désillusions et de changements de contexte bien particuliers comme l’apparition en Europe du facteur islamiste et du facteur woke, j’ai évolué vers une position autonomiste depuis plusieurs années. » L’homme est cultivé et sait manier la dialectique qualité qui manque trop souvent à bien des responsables nationalistes qui assènent leurs vérités sans véritable désir de convaincre, mais plutôt de se rassurer. Le programme d’U Palatinu apparaît à première vue assez confus : anti-parisianisme, anti-islamisme, anti-wokisme, la défense du peuple qui disparaît, etc. Rien sur la question sociale et en définitive une proposition ambiguë sur l’identité française. U Palatinu se veut autonomiste, mais sans préciser le contenu de l’autonomie désirée, etc. U Palatinu, quoiqu’il prétende penche vers l’extrême droite de l’échiquier politique local et national ce qui pourrait le mettre en porte-à-faux avec ses semblables continentaux. En effet, le Rassemblement national s’est déclaré fermement opposé à l’autonomie de la Corse et Eric Zemmour avait déclaré avec légèreté que « l’autonomie était une préoccupation de salon ». Rappelons qu’au premier tour des dernières présidentielles Marine Le Pen avait obtenu en Corse 29 % et Eric Zemmour 12,8 % et qu’au second tour Marine Le Pen avait obtenu 58 % des suffrages, signe de la schizophrénie d’une Corse qui avait accordé 70 % de ses suffrages aux divers groupes nationalistes adeptes de l’autonomie voir de l’indépendance.

Quel avenir pour U Palatinu

Les racines idéologiques d’U Palatinu sont celles du mouvement muvriste de l’entre-deux-guerres l’antisémitisme en moins. Il a remplacé la peur du « cosmopolitisme juif » par l’effroi devant le « grand remplacement musulman ». Cependant la démarche est strictement identique alors même que la situation planétaire a considérablement changé. Néanmoins, U Palatinu entre en concurrence directe avec le mouvement nationaliste dont il adopte certains thèmes récurrents à commencer par l’inoxydable alerte sur la menace de disparition d’un éternel peuple corse auquel u Palatinu renvoie puisque son nom évoque ces menhirs armés qu’on retrouve sur les sites mégalithiques de notre île. Paradoxalement U Palatinu aura besoin pour réellement émerger de l’échec du processus ouvert par Gérald Darmanin sur l’autonomisme. Alors fort des déceptions nouvelles qui viendront s’agréger aux anciennes, U Palatinu pourra commencer à engranger parmi les éléments d’une moyenne bourgeoisie corse menacée par la crise et angoissée par la double menace brandie par U Palatinu : l’islamisme et le wokisme produit de la décomposition américaine. Jouant sur le ressentiment U Palatinu désignera des ennemis extérieurs exonérant les Corses de leurs responsabilités, mais mettant en exergue l’échec nationaliste.

La xénophobie comme ciment d’un peuple

On le sait désormais, la xénophobie et la désignation d’un ennemi extérieur sont les meilleures façons de détourner les citoyens des problèmes qui les accablent au quotidien. Le discours d’U Palatinu est structuré et cherchera à séduire bien les déçus du nationalisme. Car qu’elles seront les perspectives de Femu, du PNC et de Cor'in Fronte en cas d’échec des pourparlers ? Bien maigres en vérité. U Palatinu ne propose d’ailleurs guère plus de solutions, mais, nouveau venu il peut mettre en avant sa virginité et désigner comme ennemis tout à la fois Paris, les musulmans et les Américains. Les connaisseurs y retrouveront les vieilles recettes du Muvrisme d’avant-guerre. U Palatinu est encore hésitant et visiblement peu sensible à la pauvreté et au social. Mais il suffirait qu’il se saisisse de ces questions et se lance dans des expériences de solidarité pour qu’il devienne une composante déterminante de la politique corse et un danger sensible pour tous les autres partis. Tout comme Marine Le Pen et dans une moindre mesure Eric Zemmour le sont devenus en France.

GXC