Interview : Nicolas Battini : << Le palatinisme est autonomiste , identitaire, conservateur et libéral >>
Doctorant en Langue et Culture Régionales à l'Università di Corsica, hier militant indépendantiste au sein de la Cunsulta di a Ghjuventù Corsa et prisonnier politique, un temps assistant parlementaire du sénateur Paul-Toussaint Parigi (Femu a Corsica),
Nicolas BATTINI : « Le palatinisme est autonomiste, identitaire, conservateur et libéral »
Doctorant en Langue et Culture Régionales à l'Università di Corsica, hier militant indépendantiste au sein de la Cunsulta di a Ghjuventù Corsa et prisonnier politique, un temps assistant parlementaire du sénateur Paul-Toussaint Parigi (Femu a Corsica), Nicolas Battini fait ici le bilan de l’action de l’association culturelle Palatinu dont il est membre fondateur et président, et confirme le lancement prochain d’une offre partisane et électorale.
Il y a deux ans, était annoncée la création de Palatinu, association culturelle. Quel bilan tirez-vous ? Pensez-vous avoir atteint l’objectif de faire connaître, à de nombreux corses, l'histoire, le patrimoine et la culture de leur peuple ?
Le bilan tiré lors de notre Cunsulta Generale du 18 novembre est éloquent. Notre organisation était en sommeil la première année, en 2021, une sorte de gestation patiente et préparatoire. Notre action a réellement démarré en octobre 2022, à l’occasion d’une conférence historique dans mon village de Bustanicu sur les déportés paolistes de 1771, parmi lesquels figurent plusieurs familles du village, dont la mienne. Palatinu comptait alors une vingtaine de membres. Un an et une quinzaine d’évènements plus tard, nous sommes plus de 520 adhérents à jour de cotisations, plusieurs centaines entre Bastia et Ajaccio ainsi que des dizaines entre les sections de Paris et d’Aix-Marseille. Non seulement nous avons constitué un socle militant conséquent et dynamique, mais nous avons également pu promouvoir un nouveau narratif, une autre façon d’appréhender l’histoire de la Corse. Non pas l’histoire de colonisés victimes des plus puissants, mais celle d’un peuple occidental, de tradition virile, chrétienne et conquérante devant imposer son identité face à Paris. Une vision qui trouve un écho indéniable. L’historiographie n’est pas anodine. La vision que l’on a du passé enfante toujours d’une vision du présent et de l’avenir.
Palatinu est très présente sur le terrain politique. Est-ce encore vraiment une association culturelle ?
Bien entendu. Le combat culturel est éminemment politique. Nous cultivons les consciences afin d’y faire germer l’amour de l’identité corse, la volonté de la défendre et la revendiquer. Une identité qui ne se résume pas à la langue et s’étend à l’historicité du christianisme, à la famille, à l’enracinement dans un lieu, un village ou un quartier. Telle est la véritable action culturelle selon nous.
Lors de l’assemblée générale, il a été annoncé un engagement prochain et à part entière dans l’action politique. Vos adhérents approuvent-ils cette perspective ? Palatinu va-t-elle devenir un parti politique ?
Nous sommes déjà dans l’action politique. Précisément parce que le culturel est politique. Nous avons annoncé notre volonté d’encourager la structuration d’une offre partisane et électorale qui se situera en dehors de Palatinu tout en représentant ses idées. C’est une volonté unanime de nos adhérents et, au-delà, des milliers de Corses qui se reconnaissent dans notre vision du monde et de la Corse. Palatinu doit en revanche rester cette matrice culturelle et idéologique. Le combat électoral n’est pas son objet. L’élection se résume à l’écume et à la surface de la réalité des consciences, Palatinu travaille les profondeurs.
J’ai cru comprendre que cette offre partisane et électorale aura pour ambition de représenter une nouvelle offre nationaliste. Mais remettre en cause que la Corse soit soumise à une situation coloniale, refuser que le nationalisme corse s’inscrive dans des solidarités politiques avec d’autres peuples qui rejettent le néo-colonialisme ou l’impérialisme, est-ce véritablement être nationaliste ?
Absolument. Nous considérons que le peuple corse existe. Que ce dernier doit être reconnu. Que notre identité corse est notre identité principale et première. Nous sommes d’ailleurs partisans d’une définition bien plus exigeante de ce peuple, basée sur l’appartenance familiale, ce qui rend notre ligne infiniment plus nationaliste que ceux qui voudraient nous excommunier de cet espace politique. Mais en effet, la lecture du monde que vous évoquez, qui est celle qui a dominé le nationalisme depuis les années soixante-dix, est totalement obsolète et ne correspond à aucune réalité objective. Nous qualifions cette lecture de tiers-mondiste. Or, le tiers-mondisme n’est qu’une option possible au service du nationalisme. Le nationalisme corse ne se résume en aucun cas à cette lecture. J’en tiens pour preuve le muvrisme, la première expérience historique du nationalisme corse, qui de 1920 à 1939 s’inscrivait globalement dans un courant contre-révolutionnaire et antirépublicain et qui, comme tous les nationalismes « régionaux » de son temps, n’avait rien de tiers-mondiste. Pas plus qu’A Cispra en 1914 qui, tout en étant le premier manifeste autonomiste en Corse, n’adopte absolument pas le prisme anticolonial. Pour autant, il ne s’agit certainement pas de nous inspirer du muvrisme, nous avons avec cette école de pensée des divergences essentielles et insurmontables dues à la différence des époques, mais son existence prouve que le nationalisme corse a historiquement adopté des lectures différentes voire antagonistes. C’est le cas avec ce que nous développons. Notre nationalisme corse rompt en tous points avec le tiers-mondisme, il n’en est pas moins nationaliste. Nous nous inscrivons dans une vision chronologique composée des trois écoles de pensée du nationalisme corse : le muvrisme né en 1920 de la Première Guerre Mondiale, de la doctrine Wilson et structuré par les idéologies droitières de son temps ; le tiers-mondisme, conceptualisé dans les années 1960 et 1970 suite au discrédit du muvrisme compromis avec le fascisme, articulé autour du soixante-huitardisme et de l’anti-impérialisme de son époque ; le palatinisme qui prend forme désormais afin de répondre à l’obsolescence du tiers-mondisme, entendant traiter les grands enjeux liés à la submersion migratoire tout en affrontant les revendications sociétales wokes.
C’est quoi le palatinisme ?
C’est un nationalisme corse qui, sur une base autonomiste, entend recentrer la définition du peuple corse sur une base ethnoculturelle et familiale ; qui veut défendre les Corses pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des Européens du Sud de culture gréco-latine et de civilisation chrétienne ; qui considère que le péril majeur qui menace les Corses en tant que peuple s’incarne à travers une hydre tricéphale : jacobinisme, wokisme, islamisme. Le palatinisme est un autonomisme identitaire, conservateur et, d’un point de vue économique, libéral, dernier point que le combat électoral permettra bientôt de développer.
Cette nouvelle offre politique, selon vous, dépassera le nationalisme corse issu du Riacquistu et répondra aux aspirations d’une génération corse du Bataclan et de l’assassinat d’Yvan Colonna. En quoi le nationalisme du Riacquistu est-il dépassé ? Pourquoi faire du Bataclan et de l’assassinat d’Yvan Colonna, deux événements fondateurs ?
Nous sommes tous les enfants d’une génération. Les évènements qui composent une époque impactent les imaginaires, travaillent les consciences et déterminent les aspirations. Les grandes ruptures de l’Histoire sont des cailloux qui tombent dans le lac des opinions, elles produisent une onde de choc qui, comme l’effet papillon, se répercute un certain temps de cercles concentriques en cercles concentriques. Elle ondule puis cesse un jour. La génération de Mai 68 et de la décolonisation a été soixante-huitarde et anticoloniale, précisément parce que son époque l’y poussait. La génération du Bataclan et de l’assassinat d’Yvan Colonna par un islamiste, des évènements rendus possibles par l’inertie des gouvernements de gauche et de centre-gauche, exige la prise en compte de la lutte contre l’islamisme et le contrôle de l’immigration qui en encourage le développement. Ce n’est pas notre doctrine qui les établit comme des moments fondateurs, ils le sont objectivement. Nous ne faisons qu’exprimer cette réalité générationnelle.
Parlons de ce qui fâche. Votre respect affiché pour Petru Rocca et A Muvra, la proximité idéologique que l’on vous prête avec des partis tels que Reconquête, font que l’on classe souvent Palatinu et vous-même à l’extrême-droite. Palatinu et vous-même êtes-vous d’extrême droite ?
Cela ne fâche pas. Ce sont des sujets tout à fait intéressants que nous évoquons bien volontiers. Il ne s’agit pas de respect de notre part concernant A Muvra. Simplement d’un intérêt certain pour l’histoire du nationalisme corse qui est occultée et réduite à la deuxième moitié qui débute dans les années soixante-dix. Le nationalisme corse naît avec Santu Casanova à la fin du XIXe et se structure réellement d’un point de vue doctrinal avec A Cispra (1914) puis par l’action d’A Muvra (1920-1939). On ne peut penser réellement le nationalisme en écartant cette période fondamentale. Néanmoins, nous nous inscrivons dans une proposition bien différente des muvristes. Ils étaient antisémites, nous sommes résolument philosémites, comme le prouve notre positionnement clair et ferme en faveur de la défense d’Israël qui contraste avec le reste du paysage politique corse. L’antisémitisme est aujourd’hui dans le camp des tiers-mondistes dont certains sont largement compromis avec le Hamas et leurs amis d’extrême-gauche parisienne.
Les muvristes étaient antiparlementaristes et à bien des égards favorables au fascisme italien, nous sommes pour ce qui nous concerne des démocrates tout ce qu’il y a de plus libéraux, favorables à la proportionnelle et à la règle démocratique. Ce sont deux divergences tout de même significatives et essentielles. Il n’empêche que nous assumons l’histoire de la Corse telle qu’elle est, pas telle que nous voudrions qu’elle fût. Le nationalisme corse est né à droite et à l’extrême-droite, la vraie, celle qui souhaitait abolir la démocratie. C’est ainsi. Pour ce qui est de nos proximités idéologiques avec ce que les médias de gauche appellent aujourd’hui l’extrême-droite, nous ne ressentons pas vraiment le besoin de nous justifier. Nous sommes en effet opposés à l’immigration massive, aux idéologies du genre et au matraquage fiscal. Nous remarquons que les formations « nationalistes » qui nous reprochent ces accointances idéologiques parrainent aux présidentielles l’antisémite Jean-Luc Mélenchon ou Philippe Poutou qui qualifie les égorgeurs du Hamas de « parti de la résistance palestinienne » tout en s’alliant aux européennes avec les écologistes qui militent contre les traditions chrétiennes et en faveur de l’abolition de la chasse et de l’accueil des migrants dans la ruralité. Les Corses jugeront à terme ce qui leur convient le plus. Nous allons leur en donner la possibilité.
Afficher la tradition chrétienne ou judéo-chrétienne comme référent culturel du peuple corse, rejeter la notion de « communauté de destin », ne sont-ils pas pourtant des marqueurs d’une appartenance au courant identitaire considéré comme étant d’extrême-droite ?
Ces marqueurs sont tout simplement nationalistes. Ils s’inscrivent dans une volonté de sauvegarder un héritage historique, une culture et une identité résultant d’une présence plurimillénaire de notre peuple sur cette terre. Pour ce qui est de la communauté de destin, il ne s’agit pas de la rejeter, mais de la redéfinir. Nous considérons que nombre d’étrangers ont leur place en Corse, essentiellement ceux qui se sont liés à des familles autochtones par le mariage et la fondation d’un foyer. D’autres également, qui y vivent dans le respect de ce qu’ils y ont trouvé, sans aucune revendication communautaire. Malgré tout, nul besoin distordre la réalité et de qualifier de Corses des gens qui ne le sont pas. La corsité est essentiellement un élément généalogique, paternel, maternel, ou les deux. Prétendre que tout le monde peut devenir Corse revient à dire que le peuple corse n’existe pas, qu’il se résume à une salle de sport dans laquelle il suffit de prendre sa carte pour en devenir membre. Cette vision est respectable, mais elle n’a rien de nationaliste. Elle s’inscrit dans la plus pure tradition parisienne et française de l’universalisme. Elle entérine et justifie notre remplacement. Nous la désapprouvons.
Quand vous vous réclamez de la tradition chrétienne ou judéo-chrétienne et mettez en garde contre le péril islamiste, cela ressemble à une référence intellectuelle et politique à l’essai Clash of Civilizations (Choc des civilisations) de Samuel Huntington. Croyez-vous vraiment que les valeurs de la Corse et plus globalement celles du monde occidental soient confrontées à une guerre civilisationnelle ?
J’adhère en effet à la vision développée par Huntington. Il est important de rappeler que nous parlons là d’un éminent professeur en science politique qui a enseigné cinquante-huit-ans à Harvard et dont les thèses, bien que naturellement contestées comme toute thèse, font autorité dans les milieux les plus brillants. Il décrit un monde structuré par huit civilisations majeures, comme autant de plaques tectoniques qui exercent des tensions de différentes natures et de degrés divers les unes envers les autres. Ces tensions, écartées un temps par l’articulation de la géopolitique mondiale autour de la confrontation entre le bloc soviétique et le bloc occidental, ont vocation à redevenir le paramètre essentiel de la politique mondiale depuis la chute du mur de Berlin. Tous les évènements qui se sont succédés depuis la parution de son livre en 1996 vont dans le sens de la pensée d’Huntington.
Pour définir « qui est corse », vous rejetez la notion de « communauté de destin » et avancez « l'appartenance familiale ». C’est quoi ? Des actions comme enseigner la langue et la culture corses ne suffiraient-elles pas à « fabriquer des corses » ? Des arrivants ne pourront-ils jamais se voir reconnue la qualité de corse ou laissez-vous des portes ouvertes ? Et quid des descendants ?
Être Corse est objectivement lié à la réalité généalogique. La Corse ne fabrique pas de Corses. Les Corses ne sont pas des produits manufacturés. Les Corses font naître des Corses, et ce depuis toujours. C’est bien d’ailleurs le déficit de natalité qui est en cause, sans que personne n’ose le nommer. Ceci n’implique aucunement la pureté raciale, notion qui ne m’intéresse pas. Néanmoins, c’est bien l’appartenance familiale, par le père, par la mère ou par les deux, qui définit la corsité, qui établit l’objective filiation. Je suis de mon village parce que ma famille m’a laissé cet héritage. Une partie de mes ancêtres y repose depuis des siècles. J’en ai entendu l’histoire dans ma jeunesse. Je suis attaché à ces lieux par sentiment charnel. Ce n’est pas un choix. Ce n’est pas non plus une construction. C’est un fait de naissance. Un sentiment instinctif. Une simple réalité. Cela n’interdit aucunement à des étrangers d’être bienvenus en Corse, de s’y mélanger à des Corses et de s’acclimater totalement par leurs propres enfants qui seront pleinement corses. Ce que j’évoque n’a rien d’original. Cependant, dès lors qu’on évoque des dizaines de milliers d’étrangers constitués en communauté, revendiquant leur propre culture, leur propre religion et leur propre filiation, aucune perspective d’intégration n’est envisageable. Or, c’est bien cela que prétend opérer la fameuse communauté de destin tel qu’on nous la présente. Dans une Corse où près de la moitié de la population n’est pas corse, un tel concept nous désarme et nous empêche de traiter réellement la question migratoire. Je ne suis pas d’accord. Des milliers de Corses ne sont pas d’accord non plus. Il est temps de leur rendre la parole.
Se référer à « l’appartenance familiale », remettrait, si j’ose dire, la Diaspora en selle. Votre offre partisane et électorale fera-t-elle en sorte de lui donner une véritable place dans la construction d’un avenir corse ?
Le fait qu’il existe une diaspora corse confirme bien ce que nous disons. La diaspora est un concept ethnoculturel. S’il existe une diaspora corse, c’est bien qu’être Corse n’est pas une question de résidence, mais une question d’origine, car par définition la diaspora n’est pas liée à la Corse par la résidence mais par le lien charnel et familial. En la matière, nous voulons renouer avec une ligne fondamentale du nationalisme corse, totalement délaissée par le tiers-mondisme s’étant soumis à l’idéologie républicaine du droit du sol parisien. La Corse, pour se régénérer, pour augmenter sa population sans y perdre son âme, pour développer une véritable politique de croissance économique vertueuse et identitaire, doit être en capacité de puiser dans les masses de Corses dispersés dans le monde depuis une, deux voire trois générations. Des Corses certes parfois acculturés, mais qui malgré tout sont liés à notre pays par l’affect, l’héritage et la filiation. Le grand projet démographique qui nous attend et que nous souhaitons soulever afin d’éviter notre définitive minorisation, prélude à la disparition et au remplacement, doit nécessairement s’articuler autour d’une politique active en faveur du natalisme corse et du retour des exilés. Je suis, dans ce sujet comme dans bien d’autres, admiratif de ce que les Juifs ont réussi à faire en Israël.
Quelques mots sur le quotidien politique. Vous dites entretenir des relations cordiales voire amicales avec la plupart des responsables politiques nationalistes. En revanche, vous critiquez durement le maire de Bastia et la plupart des élus de la majorité municipale. En quoi pèchent-ils particulièrement ?
Pierre Savelli est certainement une personne charmante. Nous ne critiquons pas l’homme. Pour ce qui est de sa politique, elle procède certainement de la plus grande trahison électorale de notre histoire contemporaine. Le 5 Mars 2021, la majorité municipale a soutenu un rapport (n°16) préconisant « la généralisation de l’écriture inclusive dans la communication de la Ville » ainsi que « la formation du personnel en contact avec les enfants aux rapports non-genrés ». Ces mesures n’ont jamais été proposées aux électeurs lors des scrutins municipaux de 2020. Nous assistons là à l’insertion par effraction de l’idéologie woke et de l’agenda d’extrême-gauche dans l’autonomisme corse, et ce, sans jamais l’avoir évoquée devant le suffrage universel. À ces pratiques tout à fait déplorables, il faut adjoindre le refus systématique de toute installation d’une crèche de Noël dans la mairie, l’organisation en sous-main par plusieurs conseillers municipaux de la première Gay Pride de Corse en début d’année et de son lot de revendication d’extrême-gauche, le choix de décorations de fin d’année bannissant « Joyeux Noël » au profit de « Bonnes fêtes » ainsi que des choix d’orientation politique résolument favorables au communautarisme musulman à Bastia, notamment la promesse faite à des éléments très engagés d’appuyer la construction d’une mosquée. Par ailleurs, ne pas oublier la possible implication de plusieurs adjoints au Maire dans la fraude électorale, chose qui sera jugée en mars prochain. Les Bastiais ont voté nationaliste pour défendre ce qu’ils sont, en retour on leur offre une politique municipale digne de Grenoble, de Lyon, de Bordeaux ou de je ne sais quelle commune dirigée par la bourgeoisie écologiste. C’est affligeant. Cela devra se payer politiquement.
L’exigence de la reconnaissance institutionnelle du peuple corse en qualité de seule communauté de droit sur la terre corse, semble absente des discussions sur l’autonomie. Pensez-vous qu’un statut d’autonomie excluant cette dimension soit acceptable ?
Acceptable, peut-être. Tout ce qui va dans le sens de plus de libertés nous semble bénéfique. Néanmoins, d’un point de vue nationaliste, l’autonomie n’est qu’un outil au service de l’identité corse. La première est justifiée par la deuxième. Dès lors qu’on évacue l’objectif identitaire de l’autonomie, on s’exclut de fait de toute logique nationaliste. L’autonomie sans l’identité revient à changer les vêtements du malade sans pour autant le soigner. Acceptable donc, mais sûrement dérisoire.
Considérez-vous que la Corse ait vocation à être un jour indépendante ?
Je ne suis pas indépendantiste. Je l’ai été, comme beaucoup d’entre nous, par pure pulsion identitaire. Nous pensions que la différenciation culturelle et identitaire devait nécessairement passer par la création d’une nationalité. Puis nous avons pu constater les limites de la revendication indépendantiste. Ce qu’elle cache aussi d’intérêts privés dissimulés derrière tant de vernis idéologique et de justifications romantiques. Le narratif tiers-mondiste écrasant et obsolète qu’elle porte avec elle. Mais aussi, les temps sont ce qu’ils sont. Nous sommes à l’aire des civilisations. Notre nationalisme veut s’y adapter. Dans les années qui viennent, de grands ensembles, de l’Occident à la Chine en passant par les Slaves, s’affronteront toujours plus violemment pour le contrôle de l’économie mondiale. L’intelligence artificielle, la découverte spatiale, tous ces facteurs vont bouleverser l’Histoire de l’Humanité. Dans tout ceci, quelle serait la place d’une Corse indépendante ? Pour autant, je ne suis pas non plus européiste, du moins pas dans cette Europe. L’Union Européenne, sous couvert de défense des langues régionales, contribue à diffuser l’idéologie du genre, à promouvoir les cultures exogènes et à déstructurer les identités traditionnelles des peuples européens. Or, notre objectif est identitaire, il consiste à assurer à notre communauté la possibilité de faire perdurer son continuum historique dans la modernité qui s’ouvre. On ne peut décemment jouer la langue contre la famille ou contre la christianité. Ainsi, c’est bien dans un cadre national que nous cherchons à élaborer le compromis qui permettra à notre peuple de perdurer, de soutenir tout autant la langue corse que la famille traditionnelle et l’héritage chrétien. Tout en développant évidemment des liens extrêmement étroits avec tous ceux qui, sur tout le continent européen, partagent globalement la même vision du monde que nous. C’est d’ailleurs déjà le cas avec les Flamands, les Hongrois, les Sardes, les Allemands, les Italiens ainsi qu’avec d’autres forces dont beaucoup disposent d’élus européens et gouvernementaux. Mais le temps de présenter nos amitiés devant l’opinion viendra prestement.
Propos recueillis par Jean-Pierre Bustori