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Mortelles particules sur Aiacciu

L'essentiel des constats et conclusions de la coordination
MORTELLES PARTICULES SUR AIACCIU

Selon la coordination Terra qui regroupe onze associations de défense de l’environnement, de préservation de la santé ainsi que des collectifs citoyens, à Aiacciu, les navires de croisière sont responsables d’une très forte pollution par les particules fines mettant en danger la santé et même la vie des populations exposées. Nous livrons ici l’essentiel des constats et conclusions de la coordination.


Depuis 2009, les scientifiques du monde entier mettent en garde contre les conséquences désastreuses de la pollution atmosphérique sur la santé des populations. Selon une étude réalisée en 2021 par une trentaine de chercheurs internationaux, qui a été publiée dans The Lancet (revue scientifique médicale britannique) : 1 décès sur 5, soit 16 % des décès, est imputable à la pollution atmosphérique. Selon une étude menée par les chercheurs de l’Université de Harvard (USA) qui n’a pas été contestée, la nocivité de la pollution de l’air est très largement sous-estimée. En effet, cette étude affirme qu’en 2018 dans le monde, 9 millions de personnes et non 4 millions comme l’avait indiqué l’Organisation Mondiale de la Santé, sont mortes prématurément à cause de la pollution de l’air, et ce, notamment du fait des particules fines. Ce qui représentait 1 décès sur 5. Enfin, selon une étude publiée en 2019 dans l’European Journal of Public Health, en France, 97 000 décès seraient liés à la pollution de l’air ; c’est-à-dire le double du chiffre officiel de 48 000 décès ayant été retenu par Santé publique France (établissement public chargé de l’observation et de la surveillance de l’état de santé de la population) et repris, dans les communications institutionnelles pour alerter sur les dangers de l’exposition à un air dégradé. Si on applique à la Corse la proportion retenue par l’European Journal of Public Health, il ressort que sur 3617 décès ayant été dénombrés dans l’île en 2021, 578 décès ont été causés par la pollution atmosphérique.

De la pollution à la surpollution

Une action conduite par U Levante et l’Union Régionale des Médecins Libéraux qui portait sur la pollution induite par la centrale du Vazziu (Aiacciu) qui utilisait du fioul lourd depuis 1979, a mis en évidence, en se référant aux chiffres de l’Institut National de Veille Sanitaire, une surmortalité cardiovasculaire de 9 % et de 6 % due au cancer. Cette action a abouti à l’obligation d’équiper de filtres à fumée les moteurs de la centrale afin de diminuer fortement les rejets de NOx (oxydes d’azote). Cependant, à Aiacciu et alentours, la situation n’a cessé de se dégrader du fait d’une activité anthropique par utilisation immodérée d’énergie fossile associée aux lacunes réglementaires et/ou au non-respect des textes existants. En conséquence, aujourd’hui, le golfe d’Aiacciu est soumis à une pollution atmosphérique résiduelle hors norme et celle-ci est aggravée par une courantologie circulaire de l’air bien connue des météorologues. Si bien que lorsqu’il est fait référence à une pollution par poussières venant du Sahara, les associations parlent de... surpollution !

Particulièrement nocives

Certes, selon Qualitair, l’association habilitée à surveiller la qualité de l’air en Corse, la population de l’île vit une pollution maîtrisée. Certes aussi, Qualitair informe des épisodes de pollution atmosphérique et émet des recommandations, mais celles-ci portent uniquement sur les polluants pris en compte réglementairement et, ce fait, le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, les polluants organiques persistants, les composés organiques volatils et les particules fines sont inhalés et gagnent l’ensemble des organes du corps humain. Les particules fines sont particulièrement nocives car, étant de très petites tailles, elles présentent un taux de pénétration et donc de toxicité qui induit un nombre croissant d’accidents cardiovasculaires et de cancers. Les tailles sont exprimées en micromètres ou microns (un micromètre ou micron, dont la représentation symbolique est μm, désigne un millionième de mètre, soit un millième de millimètre). Les particules fines dénommées « PM10 », « PM2.5 » et « PM1 » ont respectivement des diamètres inférieurs à 10, 2.5 et 1 µm. Celles dénommées (PM0.1) ou PUF (particules ultrafines) ont des diamètres inférieurs à 0,1µm.

Et voici le compteur de particules fines et ultrafines-8525-P !

Bien qu’étant considérées comme des polluants émergents depuis 2018, les particules fines ne sont pourtant pas réglementées et à ce titre ne sont pas mesurées en continu par les Association agréée de surveillance de la qualité de l'air. Des mesures de Qualitair (données quart horaires) ont cependant révélé un fond de pollution important sur le site de Canetto à Aiacciu (hors axe routier) de l’ordre de 10 000 particules /cm3. N’étant quasiment pas pris en compte par les mesures officielles, le danger sanitaire que représentent les particules fines est minimisé ou nié par les services de l’État, la mairie d’Aiacciu, la Chambre de commerce et d’industrie ainsi que par la Collectivité de Corse (projet régional de santé 2023-2034). Par ailleurs, il est le plus souvent opposé aux constats et dénonciations de ce danger, l’élément de langage suivant : « L’intérêt économique », notammment si est remis en cause l’accueil des navires de croisière (232 navires en 2023). Afin de prouver le bien-fondé de leurs constats et la pertinence de leurs dénonciations, les associations de Terra se sont récemment dotées d’un compteur de particules fines et ultrafines-8525-P. Instrument à la fiabilité reconnue, il permet « la mesure en temps réel du taux de particules fines et ultrafines (0,02 à 1 µm) émises dans l’air par les bateaux de croisière » lors des arrivées et/ou départs. Les résultats qui ont été obtenus sont énoncés ci-dessous et paraissent être très éloquents.

Jusqu'à 321 000 particules !

Des mesures de particules ont été effectuées à Aiacciu, place Abbatucci, côté mer, le dimanche 1er octobre dernier de 15h44 à 18h30, alors que la circulation automobile était anecdotique. Elles ont concerné, durant le démarrage de leurs moteurs, deux navires de croisière, le Celebrity Edge et le Marella Discovery, qui sont partis quasiment en même temps. Depuis le démarrage des moteurs, à 17h00, et jusqu’au départ des deux navires, à 17h30, comme le montrent le bloc ci-contre de huit images et le graphiques intitulés « Mesures de particules fines, place Abbatucci, Aiacciu », les mesures ont indiqué que les concentrations avaient progressivement atteint jusqu’à 226 000 et 321 000 par cm³ . Si l’on considère la concentration la plus élevé, cela représente 60 fois la concentration moyenne en milieu urbain. En effet, selon les études réalisées par les Association agréée de surveillance de la qualité de l'air (notamment par AirParif pour l’Île-de-France, Atmo pour les Hauts de France), la concentration moyenne en milieu urbain « de fond » (en dehors des rues et axes routiers) et hors épisode notable de pollution, est inférieure à 5000 par cm3. Quant aux concentrations en milieu rural, elles sont nettement inférieures. Ainsi, comme le montre le bloc ci-contre de deux images intitulé « Mesures de particules fines, Vizzavona », les mesures effectuées à Vizzavona le 16 novembre 2023 à 15h, jour de vent, ont révélé des concentrations d’un peu plus 500 par cm3.

Un pollution « hors la loi »

Selon la coordination Terra, les résultats de ces mesures, à la fois inédits et inacceptables, révèlent une pollution considérable et même « hors la loi » et prouvent le bien-fondé de ses alertes et actions, et devraient donc interpeller l’État, Qualitair, la Chambre de Commerce et d’Industrie et la Collectivité de Corse. Ils conduisent aussi Terra à interroger : « Nous sommes dans le cadre de la mise en danger d’autrui en toute connaissance de cause. Comment peut-on sacrifier la santé et la vie de 100 000 habitants du bassin de vie ajaccien pour l’intérêt de la CCI et de quelques commerçants ? »
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