Autonomie : il faudra traverser les nuages
2024 sera l'année de l'autonomie, Femu a Corsica veut y croire.
Autonomie : il faudra traverser les nuages
2024 sera l’année de l'autonomie. Femu a Corsica veut y croire. Le parti siméoniste l’a réaffirmé lors de son assemblée générale.Ce 15 janvier, à Corti, dans l'amphithéâtre Landry de l’Université de Corse, un peu plus de 400 élus, responsables et adhérents avaient répondu présent pour assister à l’Assemblée générale annuelle de Femu a Corsica. La météo était favorable aux déplacements et l’ordre du jour « 2024 : per l'autonumia ! » était en principe mobilisateur. Pourtant, la foultitude de bandere ne suffisaient pas à cacher une fréquentation moindre que lors de la précédente assemblée générale. François Martinetti, le secrétaire national du parti siméoniste, a cependant relativisé. En assurant que pour expliquer le bien fondé de l’autonomie, des centaines d’élus et de militants occupaient quotidiennement le terrain dans toute la Corse et que la mobilisation serait plus forte encore dès les prochaines semaines.
En affirmant et répétant que Femu a Corsica se montrera à la hauteur du combat, des avancées et de l’enjeu qu’il a ainsi rappelés : « Dopu à sessent’anni di lotta, dopu à guasgi deci anni di vittorii demucratichi è di guvernu naziunali, dopu à dui anni di discussioni trà a Corsica è u Statu aparti à un lindumani di l'assaltu murtali d'Yvan Colonna, semu à l'alba di a vittoria pulitica ». François Martinetti a aussi adopté un ton offensif. Il l’a fait en affichant une double volonté de son parti : ne pas laisser s’enliser les discussions entre les représentants de la Corse et l’État ; refuser une dénaturation des revendications ayant été entérinées, dans le cadre de l'Assemblée de Corse, par les élus de la majorité territoriale et la quasi totalité des élus de l’opposition nationaliste. Ce qui l’a conduit à affirmer que la question de « l’indispensable » révision institutionnelle devrait trouver sa solution avant la fin de la présente année et que cette solution politique devrait avoir pour base la délibération « Autonomia » votée en juillet dernier par trois quarts des conseillers de Corse.
François Martinetti a enfin souligné qu’un échec était interdit car il serait préjudiciable à toutes les parties concernées et plus encore au peuple corse : « Fiascà vinaria à minaccià u populu corsu in a so essezza. Fiascà vinaria à impedisce u rigulamentu puliticu di a quistioni corsa. Fiascà vinaria à favurizà u conflittu è à cumprumette a paci ». Il est probable que ces mots étaient plus particulièrement destinés aux opposants nationalistes à la majorité territoriale qui, au fil des jours, apparaissent plus nombreux et plus virulents, notammment pour critiquer le positionnement de Gilles Simeoni dans les relations avec l’État. Ce qui, selon Femu a Corsica, contribue à affaiblir les positions de la Corse.
Prise conscience
Durant son intervention qui a duré près d’une heure, Gilles Simeoni a enfoncé le clou. Lui aussi a insisté sur l’ardente obligation d’aboutir avant la fin de cette année : « 2024 doit nous permettre de concrétiser le statut d'autonomie globale ». Lui aussi a martelé la nécessité de coller au plus près à la délibération « Autonomia », la présentant d’ailleurs comme étant la synthèse de « soixante ans de combats ». Ces affirmations l’ont alors naturemmment conduit à rappeler l’agenda et les conditions devant être respectés : fidélité à la délibération « Autonomia » votée par l'Assemblée de Corse ; dans les toutes prochaines semaines, accord politique en Corse puis à Paris ; avant la fin du premier semestre, sur la base de l’accord, vote séparé du texte constitutionnel et organique par l’Assemblée nationale et le Sénat ; à l’automne, pour approbation du texte adopté par les deux chambres, réunion du Parlement en congrès.
Cependant - ayant sans doute pris conscience que faire dans l’incantation ne suffisait plus pour mobiliser et convaincre et qu’il était donc nécessaire de répondre à la question « L’autonomie pour quoi faire ? » et de contrer la critique « Cette autonomie représentera un renoncement aux fondamentaux du nationalisme » - le président du Conseil exécutif a aussi énoncé en quoi, selon lui, l’autonomie était de nature à répondre à de nombreuses attentes : « Je fais référence aux problématiques de transports, de dérive mafieuse, de santé, d’activité économique... L'autonomie n'est pas une baguette magique mais elle doit nous donner les moyens de nous développer. » et a promis une consultation référendaire des Corses. Un peu plus loin, dans le fil de sa réaction aux initiatives et critiques de l’association Palatinu, le président du Conseil exécutif a réitéré sa volonté de ne pas s’en tenir aux questions institutionnnelles et d’accorder plus d’attention aux préoccupations ambiantes des Corses, notamment en affirmant que l'autonomie pourra en partie « changer les choses » concernant les problèmes de drogue et l'islamisme radical.
Accumulation de nuages
Les prochains mois s'annoncent donc chargés pour le président du Conseil exécutif et ses partisans car il leur faudra mener de pair la gestion des compétences de la Collectivité de Corse et les étapes de l’évolution vers l’autonomie. Cependant, cela, ils l’avaient envisagé. En revanche, ils n’avaient probablement prévu que de nombreux nuages s’accumuleraient en peu de temps à Paris et dans l’île. Et ces nuages, pour garder le cap vers l’autonomie et arriver à destination, ils devront les traverser et trouver des parades à au moins une partie des turbulences qu’ils génèreront. Du côté de la Seine, sont notammment à relever : la fragilisation de Gérald Darmanin et le fait qu’il sera de plus en plus accaparé par la sécurisation des Jeux Olympiques ; les tiraillements au sein de la majorité présidentielle pouvant aboutir à affaiblir l’autorité d’Emmmanuel Macron ; l’exaspération des parlementaires Les Républicains risquant de compromettre le vote du texte constitutionnel et organique.
Sur l’île, se dessinent des velléités de la Droite d’arracher des concessions jugées léonines ou même inacceptables par une grande partie des nationalistes (métropole ajacienne, territorialisation de l’élection des conseillers de Corse…). Mais il convient peut-être de relativiser ces exigences au vu de cette récente déclaration de Laurent Marcangeli : « Je fais partie de ceux qui voient le verre à moitié plein, je ne suis pas dans le pessimisme, pas dans le fatalisme. Je crois que nous avons les moyens d'avoir une proposition consensuelle et donc, de respecter un calendrier tel que celui qui a été rappelé lors de la Cunsulta de Femu. »
Sur l’île, des tensions pourraient naître du refus de Core in Fronte de rejeter tout compromis qui altérerait la teneur de la délibération « Autonomia » et du rejet total de cette délibération par le FLNC et Chjama Patriotta. Encore sur l’île, d’autres nuages ne sont a priori pas liés à la question institutionnelle, mais sont de nature à l’impacter. En effet, les critiques portées contre la gestion quotidienne de la majorité siméoniste portées par la quasi totalité de ses opposants, peuvent inciter de nombreux électeurs à se dire, quand sera venue l’heure de la consultation référendaire, que celle-ci représente l’occasion de sanctionner. La route pour l'autonomie s'annonce encore longue …
Pierre Corsi