Peuple corse : irrésistible dilution ou disparition ?
Le peuple corse est réellement en danger de dilution ou de disparition .
Peuple corse : irrésistible dilution ou disparition ?
Faute de ressources financières, humaines et juridiques pour intégrer les arrivants ou en stopper le flux, le peuple corse est réellement en danger de dilution ou de disparition.
Chez nous, jusqu’à la fin des années 1950, les immigrés originaires d’Italie ou de Sardaigne étaient certes quelquefois raillés, conspués ou même maltraités, mais ils se fondaient rapidement dans le peuple corse historique. Au début des années 1960 et jusqu’aux premières années 1970, l’arrivée de rapatriés d’Afrique du Nord a davantage été considérée comme une menace économique que comme une invasion susceptible de diluer ou minorer le peuple corse. Durant cette même période, les immigrés maghrébins venus travailler dans les exploitations agricoles et le BTP, n’étaient pas non plus jugés susceptibles de submerger les insulaires de souche.
C’est à la fin des années 1970, avec l’arrivée massive de français continentaux, snobant dans leur grande majorité la langue et la culture corses, que certains corses ont commencé à craindre pour la survie du peuple corse. D’abord réticent à évoquer cette question car craignant d’être taxé de racisme ou de xénophobie ou de heurter des corses ayant des liens familiaux avec des allogènes, le mouvement nationaliste a fini par la prendre en compte. Plus précisément, c’est le nationalisme se réclamant de la lutte de libération nationale qui a pris à bras-le-corps le traitement de cette question. Au début des années 1980, le FLNC et la CCN (Cunsulta di i Cumitati Naziunalisti) puis, après la dissolution de celle-ci, le MCA (Muvimentu Corsu per l’Autodeterminazione) ont en effet popularisé le slogan IFF (I Francesi Fora), dénoncé « la colonisation de peuplement » et « le génocide par substitution » et affirmé qu’il n’y avait qu’un peuple de droit sur la terre de Corse, le peuple corse, et que ce dernier était détenteur de droits nationaux.
Toutefois, au milieu des années 1980, les partisans de la lutte de libération nationale ont évolué. Ils ont avancé la notion de communauté de destin. Cette évolution ne remettait pas en cause l’existence d’un peuple premier ayant une identité historique, culturelle et linguistique, et détenteur de droits nationaux sur la terre corse. Elle se bornait à valider que tout nouvel arrivant, pour peu qu’il manifeste son attachement à la langue, à la culture, aux valeurs traditionnelles et aux intérêts collectifs du peuple corse, pouvait, s’il le souhaitait, devenir un Corse à part entière.
Une dénonciation partagée
Depuis quelques mois, estimant que cela représente une menace pour l’existence du peuple corse, de nombreux nationalistes dénoncent l’arrivée devenue massive, sur la terre corse, d’individus venus d’ailleurs. Cette remise en cause est exprimée par ou dans toutes les composantes de la mouvance nationaliste. En septembre dernier, dans notre hebdomadaire, Pascal Zagnoli, le secrétaire national du PNC (Partitu di a Nazione Corsa), a alerté : « La situation sociale et sociétale de la Corse est trop préoccupante pour que nous puissions continuer d’accueillir annuellement autant de populations extérieures, quelles que soient leurs origines. Et cela ne fait pas de nous des racistes d’extrême-droite ! L’ADN du PNC n’a jamais été le racisme ou la xénophobie. Nous sommes simplement des nationalistes corses attachés à leur culture et à leur terre qui n’entendent pas rester muets face à la dilution du Peuple corse au nom d’un prétendu politiquement correct. ».
Fin décembre dernier, Core in Fronte a communiqué : « Dépourvus de la conscience de classe, de lutte et de compréhension de la dimension historique du peuple corse, nombre de « nouveaux migrants » participent tant à la colonisation de peuplement qu’au piège tissé de « libanisation » de la Corse […] Nous le disons clairement, la Corse est un petit peuple qui ne peut soutenir l'arrivée de 5000 personnes par an. » Également à la fin de décembre dernier, mettant en exergue « une immigration venue du Nord, européenne » et « une immigration venue du Sud, extra-européenne », l’association Palatinu a écrit : « Les Corses sont en voie de remplacement […] Nous remarquons en la matière le silence assourdissant des grandes forces politiques de Corse qui semblent s’être résignées, lorsqu’elles n’en sont pas les complices, à la submersion démographique que nous connaissons. »
Dernièrement, étant l’invité du magazine Vinti Minuti (RCFM), le député de la Haute-Corse Michel Castellani (Femu a Corsica), évoquant la forte croissance de la population insulaire, a confié : « Une société ne peut être un agrégat d'individus, on risque de tout perdre ». Enfin, ces derniers jours, lors de la conférence de presse ayant annoncé la tenue de l’assemblée générale de Chjama Patriotta, Jean-Philippe Antolini, le porte-parole la démarche indépendantiste, a confié que « la colonisation de peuplement » était une des deux principaux sujets de préoccupation des militants qu’avaient rencontré les animateurs de la Chjama au cours d’une dizaine de réunions. Il a toutefois été plus loin en évoquant une possible nécessité, dans un proche avenir, de s’interroger sur la pertinence de conserver la notion de communauté de destin pour ce qui concerne de futurs arrivants : « L’idée de communauté de destin a été définie par le FLNC en 1987. C'est au FLNC qu'il appartiendra de revenir dessus. Mais, assurément, l'époque a changé. Nous étions 250 000 habitants, et aujourd'hui nous sommes 350 000. Dans ces conditions, la machine extraordinaire à fabriquer des Corses qu'a été la Corse pendant des millénaires n'est plus en capacité de le faire. En 1987 le FLNC disait que les gens qui se reconnaissaient dans la lutte de libération nationale étaient les bienvenus.
Aujourd'hui, on reçoit tout le monde, et ça fait 100 000 personnes en plus qui font partie de la communauté de destin. Si nous continuons de recevoir tout le monde, nous serons bientôt une minorité sur notre propre terre (…) Nous sommes là pour dire que nous ne pouvons plus accepter personne, en l'état actuel des choses. Quelle que soit l'origine. Sinon, bientôt, le peuple corse ne sera plus qu'une carte postale dans les livres d'Histoire. Il y a un seul peuple sur cette terre qui a des droits, c'est le peuple corse. »
Danger de dilution ou de disparition
L’existence du peuple corse est effectivement menacée par l’accélération des flux migratoires et l’incapacité de la société corse d’intégrer les milliers d’individus de toutes origines qui débarquent sur l’île chaque année. La récente publication des données Insee confirme que le danger est bien réel (voir encart L’Insee confirme) et valide l’existence d’une colonisation de peuplement se produisant de facto. Cette situation détermine un gigantesque défi pour le peuple corse et en premier lieu pour le mouvement nationaliste. Laisser faire en feignant de croire que la Corse « fabrique » encore des Corses ne peut que conduire à une minoration irréversible des individus pratiquant la langue corse et se référant aux valeurs et traits culturels qui permettent de distinguer un Corse au sein de l’humanité.
Mais réagir intelligemment et humainement, c’est-à-dire travailler à intégrer ainsi que refuser de sombrer dans des actes commandés par le racisme ou la xénophobie, demande de l’argent, du temps et des textes. Or tout cela manque cruellement. Les collectivités publiques insulaires, Collectivité de Corse comprise, sont confrontées à une réduction de leurs marges de manœuvre budgétaires leur interdisant de développer des politiques d’intégration de grande d’envergure. Chaque mois, alors que se meure une population corse vieillissante encore détentrice des valeurs, pratiques linguistiques et traits culturels qui permettent d’identifier l’homme corse, des dizaines de familles s’installent en Corse. Aucune loi ou règlement ne permet aux élus corses de contrôler les flux migratoires. Faute de ressources financières, humaines et juridiques pour intégrer les arrivants ou en stopper le flux, le peuple corse est réellement en danger de dilution ou de disparition.
Pierre Corsi
L’INSEE confirme
Selon les dernière données Insee, la Corse compte 347 597 habitants (184 655 en Haute-Corse, 162 942 en Corse-du-Sud). Elle est la région de France qui enregistre le plus fort taux de croissance démographique : soit + 1 % de progression en moyenne annuelle depuis 2015 ; soit 20 310 résidents de plus par rapport à 2015 et 3897 de plus par rapport à 2019. Ceci représente une croissance démographique trois fois plus élevée qu'en moyenne nationale. L’Insee précisen : que cette progression est « exclusivement due à l'apport migratoire avec davantage d'arrivées de nouveaux habitants que de départs » ; que la Corse est la région de France métropolitaine qui attire le plus car « son attractivité la positionne en 1ʳᵉ place devant l'Occitanie (+0,7 %), la Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne (+0,6 %) ». L’Insee ajoute que le scenario démographique corse inclut un phénomène de dénatalité caractérisé par « davantage de décès que de naissances » et un taux de fécondité le plus faible de France (1,37 enfant par femme contre 1,76 en moyenne nationale). Enfin l'Insee indique que la Corse, avec 11% de sa population âgée de 75 ans ou plus, est la première région de France pour le quatrième âge et prévoit qu’en 2070, les seniors devraient représenter « quatre habitants sur dix en Corse ».