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Une histoire de la Corse française

Eiu sò corsu è ùn n'e sò micca fieru


Une histoire de la Corse française



En 2005 Pierre François-Paoli, chroniqueur et écrivain, faisait paraître aux éditions Max Millo, un petit livre intitulé Je suis corse et je n’en suis pas fier. Le quatrième de couverture laissait d’ailleurs apparaître une méconnaissance criante de la langue corse. Huit ans plus tard, les éditions Taillandier éditent du même auteur Une histoire de la Corse française.

Eiu sò corsu è ùn n’e sò micca fieru


Le premier opuscule, fait de 120 pages, était une salve à boulets rouges tirée contre le mouvement nationaliste. P. F. Paoli posait en guise de préambule un réel questionnement : « À la fois essai et témoignage, ce livre n’existerait pas sans le malaise que je ressens, de plus en plus fréquemment, lorsque je retourne en Corse, pays qui m’est cher par-dessus tout. Ce malaise est lié au sentiment déplaisant d’être devenu un semi-étranger, voire un intrus dans le pays de mes aïeux. Une expérience qui m’a fait prendre conscience du clivage croissant entre ces Corses ancrés dans leur « corsitude » et ceux, dont je suis, qui ne parlent pas le corse et ne font pas de la Corse le leitmotiv de leur existence, aussi attachés soient-ils à cette île. Chez ces derniers, que signifie être « corse », s’ils ont vécu hors de tout lien communautaire ? Un nom et des ancêtres ? Un attachement affectif ? Un comportement atavique ? Une subtile imbrication des trois ? ». Pour y définir son projet en fin d’introduction : « Il n’est que de constater à quel point le sentiment anticorse se développe un peu partout sur le continent. La Corse est évidemment différente, mais elle n’est plus si exceptionnelle qu’elle le croit, sinon dans le domaine de la violence. La loi commune doit pouvoir s’appliquer sur l’île comme partout en France. Si j’ai écrit ce livre, c’est par amour pour un pays dont j’ai la conviction qu’il doit pouvoir redevenir la plus belle région de France. » On l’avouera c’est un peu gentillet comme démarche. D’autant que tout le corps du livre est à charge d’un mouvement nationaliste qui, qu’on le veuille ou non, a exprimé, un attachement viscéral à sa terre. Sinon comment expliquer qu’il ait réussi à emporter l’immense majorité des suffrages en 2015 puis 2021 ? Ne serait-ce pas plutôt les nostalgiques du « pays d’hier » qui seraient un peu dépassés.

Un auteur bien différent


Huit ans plus tard, le même auteur se demande en conclusion de son ouvrage Une histoire de la Corse française s’il ne serait pas opportun d’organiser un référendum pour demander aux Corses de l’île et de la diaspora, précise-t-il, s’ils désirent rester français. Outre que la question ainsi formulée est biaisée, il achève son ouvrage en évitant cette fois-ci d’être péremptoire. « Ce référendum pourrait avoir pour avantage de clarifier définitivement une situation devenue inextricable pour les Corses eux-mêmes. Ainsi sommes-nous peut-être à la croisée des chemins. Il arrive un moment où le « en même temps » n’est plus viable. La cohérence, le bon sens et la dignité imposent de choisir en connaissance de cause. Alors peut-être la formule de Sir Gilbert Elliot — « Ce peuple est une énigme dont nul ne peut prétendre détenir la clé » — trouvera-t-elle un début de réponse… » On peut en douter. Malraux devait lui aussi parler du mystère de la Corse. Mais surtout la Corse n’est-elle pas un mystère pour les Corses eux-mêmes ? Toujours est-il que P-F. Paoli nous écrit une histoire qu’il intitule Corse française sans qu’on en comprenne bien l’utilité sinon à cause d’un reste idéologique. Car ce qu’il décrit avec talent est tout simplement une histoire de la Corse. A aucun moment, il ne démontre une quelconque prédestination d’un rattachement à la France. Bien entendu, il utilise l’épisode de Sampiero mais en lui donnant un sens qui reste à prouver en ce sens qu’alors la France de la Renaissance n’était évidemment pas la France moderne et moins encore la Corse. Il faudrait rentrer dans les détails et affiner le propos. Mais ; dans un style délié, P-F. Paoli dévide sa pelote n’évitant les lieux communs sur l’hospitalité, la vendetta usant toujours d’un nous qui vise à démontrer quand ça l’arrange qu’il existerait une communauté insulaire d’esprit. Hélas, la Corse est multiple, variée et parfois même schizophrène. On ne saurait conseiller à celles et à ceux qui désirent une étude approfondie de la Corse, la lecture ou la relecture de l’ouvrage étincelant de Nicolas Giudici Le crépuscule des Corses. C’est un cri de colère et de désespoir d’un auteur qui devait mourir quelques années plus tard dans des conditions profondément tragiques. Et malgré toutes les réserves exprimées, le livre de Paul-François Paoli apprendra beaucoup à celles et à ceux trop nombreux parmi les Corses qui ignorent beaucoup de leur propre histoire. L’auteur est-il désormais un peu moins honteux d’être Corse ? On l’espère.

GXC


Une histoire de la Corse française, Paul-François Paoli, éd. Taillandier, 234 p., 19,99 €
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