Gestion de l'Eau: La Sicile entre réchauffement climatique et impéritie, la Corse aussi ?
La situation hydrique de la Sicile invite à s’interroger sur celle de notre île et à prendre en compte le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de l’eau menée par la Collectivité de Corse et l'Office d’Équipement Hydraulique.
Gestion de l’eau : la Sicile entre réchauffement climatique et impéritie, la Corse aussi ?
La situation hydrique de la Sicile invite à s’interroger sur celle de notre île et à prendre en compte le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de l’eau menée par la Collectivité de Corse et l'Office d’Équipement Hydraulique.
En Sicile, les premiers jours de cette année, la situation hydrique était particulièrement alarmante du fait des faibles pluies et des températures supérieures à la normale de l’automne dernier. Des prévisions ayant fait craindre que le déficit de pluviométrie soit durable, le gouvernement régional a estimé qu’il convenait de réagir. Le 8 janvier, il a demandé à des dizaines de communes de rationner la distribution d’eau potable. Celles-ci ont alors réduit de 10 % à 15 % le débit destiné aux robinets des habitations. La rationalisation concerne aujourd’hui 160 communes sur les 391 que compte l’île. Début février, le gouvernement régional a décidé de porter assistance au secteur agricole car le manque d’eau avait gravement affecté l’ensemble des exploitations (faute de pâturages, surmortalité du bétail et augmentation des coûts d’achat de fourrage ; récoltes inexistantes, réduites ou de mauvaise qualité dans les vergers, les oliveraies et le vignoble ; asséchement des champs de blé occasionnant une absence de moisson et de production de fourrage…) Un haut fonctionnaire a été chargé de superviser l’application de mesures de sauvegarde (5 millions d’euros pour l’achat de fourrage, prise en charge des dépenses de transhumance, exonération de loyers concernant les pâturages situés sur des terres publiques, simplification des procédures de puisage dans les cours d’eau, mise à disposition de camions-citernes de la Protection Civile pour le transport d’eau…)
Seule alternative, une gestion raisonnée de l’eau
Ces jours derniers, la population sicilienne a éprouvé un sentiment de soulagement car une dépression a apporté des pluies abondantes. En revanche, cet épisode climatique n’a pas suffi à mettre fin aux restrictions et n’a pas pas fait oublier que les mesures de sauvegarde prises dans l’urgence sont jugées insuffisantes. Les écologistes dénoncent la poursuite de la destruction massive des zones humides et les fuites considérables affectant le réseau hydraulique. Des experts stigmatisent la réduction de la capacité de stockage des barrages du fait de leur fragilisante vétusté et du non dragage du limon dans leurs bassins. Les agriculteurs demandent des indemnisations pour les pertes subies ces dernières années du fait des périodes de sécheresse et revendiquent des réformes structurelles (plan Marshall de l’agriculture). Il y a quelques semaines, une annonce a fait grand bruit. Des scientifiques ont déclaré avoir découvert une énorme poche d'eau douce (17 km³) sous les contreforts des monts Hybléens (sud-est de l’île) et que cette eau, piégée depuis six millions d’années à des profondeurs variant entre 800 et 2100 mètres, aurait des qualités uniques d’apport minéral et de pureté. Cette découverte est certes prometteuse alors que la Sicile est déjà fortement impactée par le réchauffement climatique (faible ou irrégulière pluviométrie, allongement des périodes de sécheresse). Mais l’exploitation n’est pas pour demain. En effet, outre constituer un défi technique, elle représente un énorme défi environnemental (les conséquences possibles sur l’équilibre des couches géologiques sont encore une inconnue). A ce jour, il n’existe donc pas d’autre alternative que la mise en œuvre d’une gestion raisonnée de l’eau.
Manquent 600 millions d’euros
La situation hydrique de la Sicile invite à s’interroger sur celle de notre île et à prendre en compte le rapport de la Chambre Régionale des comptes sur la gestion de l’eau menée par la Collectivité de Corse et l'Office d’Équipement Hydraulique où il est consigné (document rendu public il y a un an): la Corse se trouve de plus en plus exposée aux conséquences du changement climatique ; une baisse sensible des débits annuels moyens des cours d'eau depuis plusieurs années nécessite la mise en œuvre d'une gestion de l'eau adaptée ; le SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2022-2027) souffre d'un manque d'objectifs quantifiables et d'indicateurs de suivi ; l'effort d'investissement de la Collectivité de Corse est en deçà de l'objectif qu'elle s’est fixée ; de nombreux travaux restent en attente de réalisation alors que certains d’entre eux permettraient de réduire efficacement les prélèvements sur les milieux et de générer des économies d’eau ; il existe des contradiction entre la stratégie régionale développée dans le projet Acqua Nostra 2050 adoptée par l'Assemblée de Corse en 2020 et les objectifs définis par le SDAGE ; le financement du plan d'investissement attachée au projet Acqua Nostra 2050, estimé à 600 millions d'euros, reste l'essentiel problématique.
Alexandra Sereni
La situation hydrique de la Sicile invite à s’interroger sur celle de notre île et à prendre en compte le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de l’eau menée par la Collectivité de Corse et l'Office d’Équipement Hydraulique.
En Sicile, les premiers jours de cette année, la situation hydrique était particulièrement alarmante du fait des faibles pluies et des températures supérieures à la normale de l’automne dernier. Des prévisions ayant fait craindre que le déficit de pluviométrie soit durable, le gouvernement régional a estimé qu’il convenait de réagir. Le 8 janvier, il a demandé à des dizaines de communes de rationner la distribution d’eau potable. Celles-ci ont alors réduit de 10 % à 15 % le débit destiné aux robinets des habitations. La rationalisation concerne aujourd’hui 160 communes sur les 391 que compte l’île. Début février, le gouvernement régional a décidé de porter assistance au secteur agricole car le manque d’eau avait gravement affecté l’ensemble des exploitations (faute de pâturages, surmortalité du bétail et augmentation des coûts d’achat de fourrage ; récoltes inexistantes, réduites ou de mauvaise qualité dans les vergers, les oliveraies et le vignoble ; asséchement des champs de blé occasionnant une absence de moisson et de production de fourrage…) Un haut fonctionnaire a été chargé de superviser l’application de mesures de sauvegarde (5 millions d’euros pour l’achat de fourrage, prise en charge des dépenses de transhumance, exonération de loyers concernant les pâturages situés sur des terres publiques, simplification des procédures de puisage dans les cours d’eau, mise à disposition de camions-citernes de la Protection Civile pour le transport d’eau…)
Seule alternative, une gestion raisonnée de l’eau
Ces jours derniers, la population sicilienne a éprouvé un sentiment de soulagement car une dépression a apporté des pluies abondantes. En revanche, cet épisode climatique n’a pas suffi à mettre fin aux restrictions et n’a pas pas fait oublier que les mesures de sauvegarde prises dans l’urgence sont jugées insuffisantes. Les écologistes dénoncent la poursuite de la destruction massive des zones humides et les fuites considérables affectant le réseau hydraulique. Des experts stigmatisent la réduction de la capacité de stockage des barrages du fait de leur fragilisante vétusté et du non dragage du limon dans leurs bassins. Les agriculteurs demandent des indemnisations pour les pertes subies ces dernières années du fait des périodes de sécheresse et revendiquent des réformes structurelles (plan Marshall de l’agriculture). Il y a quelques semaines, une annonce a fait grand bruit. Des scientifiques ont déclaré avoir découvert une énorme poche d'eau douce (17 km³) sous les contreforts des monts Hybléens (sud-est de l’île) et que cette eau, piégée depuis six millions d’années à des profondeurs variant entre 800 et 2100 mètres, aurait des qualités uniques d’apport minéral et de pureté. Cette découverte est certes prometteuse alors que la Sicile est déjà fortement impactée par le réchauffement climatique (faible ou irrégulière pluviométrie, allongement des périodes de sécheresse). Mais l’exploitation n’est pas pour demain. En effet, outre constituer un défi technique, elle représente un énorme défi environnemental (les conséquences possibles sur l’équilibre des couches géologiques sont encore une inconnue). A ce jour, il n’existe donc pas d’autre alternative que la mise en œuvre d’une gestion raisonnée de l’eau.
Manquent 600 millions d’euros
La situation hydrique de la Sicile invite à s’interroger sur celle de notre île et à prendre en compte le rapport de la Chambre Régionale des comptes sur la gestion de l’eau menée par la Collectivité de Corse et l'Office d’Équipement Hydraulique où il est consigné (document rendu public il y a un an): la Corse se trouve de plus en plus exposée aux conséquences du changement climatique ; une baisse sensible des débits annuels moyens des cours d'eau depuis plusieurs années nécessite la mise en œuvre d'une gestion de l'eau adaptée ; le SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2022-2027) souffre d'un manque d'objectifs quantifiables et d'indicateurs de suivi ; l'effort d'investissement de la Collectivité de Corse est en deçà de l'objectif qu'elle s’est fixée ; de nombreux travaux restent en attente de réalisation alors que certains d’entre eux permettraient de réduire efficacement les prélèvements sur les milieux et de générer des économies d’eau ; il existe des contradiction entre la stratégie régionale développée dans le projet Acqua Nostra 2050 adoptée par l'Assemblée de Corse en 2020 et les objectifs définis par le SDAGE ; le financement du plan d'investissement attachée au projet Acqua Nostra 2050, estimé à 600 millions d'euros, reste l'essentiel problématique.
Alexandra Sereni