La Suisse condamnée par la Cour Européenne des Dropits de l'Homme pour inaction écologique
Un arrêt historique......
La Suisse condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour inaction écologique
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu mardi 9 avril 2024 un arrêt historique en condamnant pour la première fois un État pour son manque d’action face au changement climatique, en l’occurrence la Suisse, une décision qui s’appliquera dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe. »Ce n’est que le début", a prévenu Greta Thunberg, présente à Strasbourg. « Partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leurs gouvernements devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions. En aucun cas nous ne devons reculer, nous devons nous battre encore plus parce que ce n’est que le début ».
Un cri de victoire peut-être présomptueux
Les écologistes ont peut-être tort de crier victoire aussi vite. Saisie de trois affaires distinctes sur cette thématique, la présidente de la CEDH, l’Irlandaise Siofra O’Leary, a rendu trois conclusions différentes. Si la Suisse a été condamnée, deux autres requêtes ont été rejetées : celle d’un ancien maire écologiste d’une commune littorale du nord de la France et celle de jeunes Portugais attaquant 32 États, dont on avait beaucoup parlé. Pour mémoire, la plainte de l’association des « Aînées pour la protection du climat » qui comprenait 2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne dénonçait des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique », qui ont des conséquences négatives sur leurs conditions de vie et leur santé. En conséquence, la Suisse a maintenant l’obligation juridique de mettre en œuvre cet arrêt sans qu’on sache exactement quelles mesures cela entraîne. La droite suisse a aussitôt déclaré inacceptable cette condamnation à la fois pour atteinte à l’intégrité nationale alors que la Suisse ne fait pas partie de la Communauté européenne, mais également par désaccord politique. En effet, un peu partout en Occident, sous pression de catégories sociales directement impactées par les mesures écologiques, les gouvernements ont tendance à se droitiser ou à repousser les échéances prévues pour la décarbonation de la planète.
Damien Carême débouté mais la ville qu’il défendait toujours menacée
Damien Carême, l’ancien maire de Grande-Synthe dans les Hauts-de-France, attaquait les « carences » de l’État français, estimant notamment qu’elles faisaient peser sur sa ville littorale de la mer du Nord, un risque de submersion. Les scientifiques évaluaient déjà le risque de submersion de la ville à moins de 30 ans. Deux ans plus tard, le Conseil d’État lui donnait raison, estimant que la France n’était pas à la hauteur. « Depuis, les juges ont estimé, à deux reprises, les plans d’action présentés par l’État comme insuffisants », rappelle Damien Carême. Un nouveau plan doit être présenté en juin 2024. Pourtant la Cour ne lui a pas reconnu le statut de victime, pour une raison anecdotique : l’eurodéputé français, ex-EELV désormais à la LFI de Jean-Luc Mélenchon n’habite plus dans la ville menacée. Mais Grande-Synthe est toujours menacée.
Le combat des jeunes Portugais
La Cour a également estimé irrecevable le dossier porté par six Portugais âgés de 12 à 24 ans, arguant qu’ils n’avaient pas épuisé tous les recours légaux dans leurs pays. Ces adolescents et jeunes adultes s’étaient mobilisés après les terribles incendies qui avaient ravagé leur pays en 2017, causant la mort de 66 personnes et détruisant 20 000 hectares de forêt. Ils avaient attaqué non seulement le Portugal, mais aussi tous les États de l’UE, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie, soit 32 pays au total. Les plaignants affirmaient que l’absence d’action adéquate constituait une violation des droits de l’Homme et souhaitaient contraindre les 32 pays à réduire rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre. Il faut rappeler qu’au terme de l’Accord de Paris en 2015, les États s’étaient engagés à limiter le réchauffement de la planète « bien en deçà » de 2 degrés depuis l’époque préindustrielle (1850-1900), et de 1,5 degré si possible. Or, avec un nouveau record de températures en mars, les 12 derniers mois ont été les plus chauds jamais enregistrés dans le monde, 1,58 degré de plus que dans le climat de la planète au XIXe siècle, selon l’observatoire européen Copernicus.
La Cour européenne des Droits de l’Homme compétente en matière d’environnement
La CEDH signifie ainsi qu’elle est compétente pour juger des enjeux climatiques, et que les responsables du dérèglement du climat, États comme entreprises, pourraient être condamnés au motif de l’atteinte aux droits humains. « Si elle resserre la notion de victime directe, la Cour reconnaît de l’autre côté la qualité pour agir des associations, le fait qu’elles puissent saisir la CEDH. C’est énorme et c’était loin d’être gagné d’avance. Ça ouvre la porte aux associations pour d’autres contentieux, c’est très important », explique Laurence Burgorgue-Larsen, professeure de droit public à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne interrogée par le média Reporterre. Pas de quoi faire peur aux états et aux multinationales : la CEDH a par exemple déjà condamné maintes et maintes fois la France pour les conditions d’incarcération… sans que cela change quoique ce soit à l’attitude du pays des Droits de l’Homme.
GXC