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STC : 40 anni dighjà !

Retour sur les années qui l'ont vue passer de la gestation à la maturité et regard sur ce qu'elle est aujourd' hui.

STC : 40 anni dighjà !


Lors de sa création en 1984, le STC (Sindicatu di i Travagliadori Corsi) avait été jugé non viable par la plupart des observateurs et des responsables politiques et syndicaux. Aujourd’hui, cette organisation syndicale qui avait été qualifiée de mort-née est devenue grande. Elle va souffler quarante bougies. Retour sur les années qui l’ont vue passer de la gestation à la maturité et regard sur ce qu’elle est aujourd’hui.


La gestation



Dès 1982, des salariés corses tout comme d’autres corses (parents d’élèves, enseignants, commerçants, artisans, professionnels de santé…) s’organisent en « associi ». Ces associi se regroupent en créant la Cuncolta di l’Associi Naziunalisti. Ces associi ont pour objet de défendre les intérêts matériels et moraux de leurs adhérents, tout en prenant en compte les droits nationaux du peuple corse et l’intérêt collectif corse que s’emploient à faire reconnaître les militants publics ou clandestins de la LLN (lutte de libération nationale, stratégie de lutte sur tous les terrains dont le FLNC est alors la direction politique). Concernant les salariés, l’entrisme et donc la bi-appartenance à des syndicats de salariés affiliés aux centrales hexagonales ou autonomes sont acceptés ou même encouragés avec pour objectif de rendre ces structures plus à l’écoute de la LLN ou de lui être moins hostiles. En janvier 1984, étant intitulé « Contre-pouvoir et complémentarité des luttes dans la stratégie de libération nationale », un article d’U Ribombu, l’organe de presse de la LLN, évoque une évolution de cette stratégie de lutte. Il y est énoncé la nécessité que la LLN occupe offensivement tous les terrains : « Le mouvement public, plus d’une fois, n’a fait que répondre à des situations créées par le pouvoir colonial […] Il lui appartient maintenant d’aller plus loin, de montrer qu’il est capable de devenir la principale dynamique de la vie publique corse à tous les niveaux, et de s’organiser sur tous les secteurs d’activités de la société corse autour du mot d’ordre d’autodétermination ». Il y est annoncé la volonté de doter la LLN de structures qui lui soient propres, en mettant fin à l’entrisme et créant des « contre-pouvoirs économiques, politiques, sociaux et culturels pouvant se concevoir sous de multiples formes, des syndicats par exemple ». Enfin, il y est précisé que ces contre-pouvoirs devront contribuer au développement de la LLN dans « la complémentarité et l’originalité ».
Au début de l’année 1984, il est donc possible de deviner qu’un syndicat LLN de salariés est en gestation et ce que seront ses lignes directrices : implication dans la LLN, complémentarité et solidarité avec toutes les composantes de la LLN, originalité caractérisée par une défense conjointe des intérêts des salariés et de l’intérêt collectif corse. On peut d’autant plus le deviner que, durant cette période, des actions de type syndical sont menées par des associi de salariés ou des salariés assumant agir en dehors des syndicats affiliés aux centrales hexagonales.
Deux d’entre elles sont particulièrement marquantes. Sur les deux sites corses du SEITA (établissement public ayant disparu qui assurait la production de cigarettes et d’autres produits de la filière tabacole), un conflit social est mené par des salariés se réclamant de l’Associu di u Tabaccu. Après l’issue victorieuse du conflit, les responsables de l’Associu déclarent : « C’était la première fois qu’un syndicat autonome corse, soutenu par la Cuncolta di l’Associ Naziunalisti, entreprenait un mouvement de cette importance […] L’Associu, c’est un rassemblement de travailleurs corses du tabac, sous la bandera corsa, qui ont compris qu’ils ne pouvaient rien attendre des syndicats traditionnels ». A la Société des Autobus Ajacciens, après l’issue victorieuse d’un conflit qui a duré quinze jours, les salariés qui l’ont initié et conduit communiquent : « Aucun parti politique, aucun syndicat français (CGT, CFDT) n’a apporté son soutien […] Seuls les partis et mouvements nationalistes ont apporté leur soutien […] Les travailleurs corses ont décidé de créer un Associu naziunalistu di i trasporti urbani d’Aiacciu afin de regrouper tous les travailleurs corses qui sentent qu’il est grand temps que l’ouvrier corse se fasse respecter dans son pays : la Corse ».


La naissance



Le 1er mai 1984, jour de la Fête du Travail, à Aiacciu devant la préfecture et Bastia devant le Palais de Justice, des salariés et quelques responsables politiques de la LLN se rassemblent pour officialiser et matérialiser la création du STC. La veille, des affiches collées un peu partout en Corse ont annoncé l’événement et commencé à faire connaître le logo sous forme de sigle stylisé qui, aujourd’hui encore, est celui du STC. Quelques jours auparavant, en première page, U Ribombu (n°56, 26 avril 1984) avait annoncé la création du syndicat en ces termes : « 1u maghju di l’84, nascita di u Sindicatu di i Travagliadori Corsi ». Dans ce même numéro d’U Ribombu, avait été publiée une interview collective de responsables du futur syndicat. Il en ressortait que le STC assurerait la défense des intérêts des salariés corses et de l’intérêt collectif corse, tout en étant un des contre-pouvoirs de la LLN et tout en étant complémentaire et solidaire de ceux-ci : « Le syndicalisme corse ou, plus précisément l’organisation des travailleurs corses, ne peut s’exclure d’une perspective de libération nationale. Il faut donc voir dans cet aspect des revendications des travailleurs corses, le cheminement qui aboutit aujourd’hui à la création d’un syndicat corse […] Aujourd’hui, les travailleurs corses des Associi considèrent qu’il faut mettre un terme à la bi-appartenance, c’est-à-dire à l’entrisme […]
Le STC sera créé très régulièrement et, à ce titre,il sera présent à tous les niveaux de la lutte syndicale pour tous les travailleurs ». On pouvait aussi et déjà relever une aspiration à la liberté syndicale : « La pratique de cette action syndicale va s’élaborer dans les luttes et par les luttes. Les travailleurs corses en définiront librement les moyens. Mais dès aujourd’hui, il est clair qu’ils vont apporter à la lutte de libération nationale un apport indispensable. En devenant partie prenante de cette lutte, ils la préserveront de risques de récupérations pour des objectifs qui viseraient à perpétuer l’exploitation coloniale. »
Le STC ne tarde pas à affirmer sa présence. Par les mots, Par les actes. Au niveau du discours, le STC exhorte les salariés nationalistes à quitter les syndicats de salariés affiliés aux centrales hexagonales ou autonomes à le rejoindre. Pour les convaincre, il accuse ces syndicats de collusion avec l’État et le clan et met en exergue que l’entrisme et la bi-appartenance ont été des échecs. Le résumé suivant de cette argumentation peut être tiré du livret « Liberazione suciale » édité par le STC à l’occasion de son premier congrès en juin 1985 : les syndicats de collaboration de classe (FO, CFTC, CGC, SNALC) et les syndicats dits révolutionnaires (CGT, CFDT, FEN) sont les alliés objectifs du pouvoir car ils ne remettent pas en cause le colonialisme imposé à la Corse ; des adhérents nationalistes ont certes tenté de faire évoluer les choses mais ont échoué car il est avéré que les syndicats autres que le STC dénaturent ou occultent les revendications spécifiques des travailleurs corses (corsisation des emplois, enseignements de la langue et de la culture corses, intérêt collectif corse…) pour ménager les intérêts l’État, leurs liens avec le clanisme et leurs adhérents non-corses.
Au niveau de l’action, rapidement, le STC occupe le terrain et marque des points. Ainsi, à Aiacciu, la Maison de la Culture étant en cessation de paiement, il intervient pour soutenir les salariés licenciés qui demandent leur reclassement. Ainsi, à l’occasion des élections des délégués du personnel du SEITA, les candidats STC obtiennent 80 % des suffrages et la totalité des sièges à pourvoir. Ainsi, dans différents secteurs, des Associi et des salariés jusqu’alors inorganisés ou adhérents de syndicats autonomes ou affiliés aux centrales hexagonales, créent des sections STC.


Les premiers pas



En 1985, alors que le STC fait encore ses premiers pas, il est confronté à un contexte très hostile. Les syndicats affiliés aux centrales hexagonales feignent d’abord de minorer l’importance de sa création. Un de leurs leaders va jusqu’à prédire une disparition rapide : « le STC est une organisation mort-née ». Puis, constatant que le STC s’enracine, ces syndicats le dénigrent en l’accusant notamment de complicité avec le terrorisme, de xénophobie, de complaisance avec le patronat corse, de tentative de division du monde du travail. Le syndicat met en échec ces accusations en répondant - le démontrant d’ailleurs sur le terrain des luttes - être au service des salariés qui, quelles que soient leurs origines, respectent le peuple corse et l’intérêt collectif corse. « Les intérêts et les aspirations des travailleurs corses ne s’opposent pas à ceux des autres travailleurs non corses, français ou non français, pour autant que ceux-ci reconnaissent le peuple corse et ses intérêts collectifs » peut-on lire dans le livret « Liberazione suciale » mentionné plus haut. Maintes fois, les syndicats affiliés aux centrales hexagonales soutiennent les tentatives d’employeurs publics ou privés de ne pas reconnaître la représentativité du STC. Ceci afin de contrarier son implantation, de l’exclure du dialogue social et de le priver du droit de participer à des élections professionnelles. Une de ces tentative a pour cadre la SMC (Société Mutuelle de la Corse). Elle représente un cas d’école. Le président du conseil d’administration de la SMC qui a pour autre casquette celle de secrétaire général de l’Union départementale FO de Haute-Corse, conteste la création puis la représentativité de la section STC avant d’être désavoué par la justice, procède au licenciement du délégué syndical STC à la suite de la dénonciation par ce dernier d’errements graves affectant la gestion du personnel et des finances de la mutuelle, met à pied trois adhérents STC à la suite d’actions syndicales. Cependant, après huit mois jalonnés de procédures judiciaires, de grèves et d’occupations de locaux (mars à novembre), le STC obtient l’annulation de la plupart des mesures anti-syndicales et la mise en place d’un dialogue social.
Le STC est aussi confronté à la fraude électorale et à des provocations. Ainsi, en mars à Aiacciu, il devient le syndicat majoritaire au centre hospitalier de Castelucciu après avoir dû faire annuler un premier scrutin entaché de fraude électorale. Ainsi, en novembre à Corti, à la suite de la création de la section CFPA (Centre de Formation Professionnelle pour Adultes), des membres du personnel reçoivent des lettres de menace soit-disant adressées par le FLNC. En juin, le premier congrès est un temps fort des premiers pas. Le STC se dote d’une Cumissione esecutiva naziunale de quinze membres ainsi que d’un Cunsigliu naziunale d’une cinquantaine de membres qui reflète une présence dans l’ensemble de la Corse et dans de nombreux secteurs d’activité. Il élit son premier secrétaire général : Bernard Trojani (jusqu’alors, Jean-Paul Calendini, désormais membre de la Cumissione esecutiva naziunale, avait fait office). Ce premier Congrès ouvre aussi sur l’affirmation d’une liberté syndicale qui ouvre des perspectives de croissance.
En effet, tout en réaffirmant être partie prenante de la LLN, le STC marque son territoire en affirmant vouloir orienter le nationalisme vers le progrès social. En effet, la motion d’orientation générale entérine que la libération nationale ne pourra se faire sans la libération sociale, et énonce clairement que le STC entend être le concepteur et le moteur de cette démarche : « Pour le STC, libération nationale et sociale sont indissociables […] Les travailleurs corses ne sont ni un appoint, ni un alibi […] A travers le STC et ses structures, les travailleurs corses participent à la Lutte de Libération Nationale du peuple corse. Ils se reconnaissent dans l’ originalité, la complémentarité et la solidarité des différentes expressions de cette lutte […] Le STC se définit comme un syndicat révolutionnaire […] Le STC est un outil de lutte anti-capitaliste, un instrument de progrès social, un des éléments de la conquête du pouvoir en Corse […] Le STC doit élaborer un plan économique, social et culturel et imposer des solutions chaque fois que les rapports de force seront en faveur des travailleurs ».


La croissance



De mars 1986 jusqu’à mai 1988, Charles Pasqua et Robert Pandraud, respectivement ministre de l’Intérieur et ministre délégué chargé de la Sécurité, s’emploient à liquider la LLN.
En 1987, le STC est particulièrement dans le collimateur de la répression. En mai, le préfet de police laisse entendre qu’il existe des liens organiques entre le STC et le FLNC. Fin novembre, quelques jours avant les élections prud’homales, Bernard Trojani est interpellé et transféré à Paris. Après avoir été relâché le lendemain de son transfèrement, le secrétaire national du STC dénonce une volonté de préparer l’opinion publique à une dissolution du syndicat. Ces manœuvres répressives ne peuvent cependant stopper la croissance du STC. En effet, depuis le début de l’année 1986, il multiplie les succès et cela durera. Ci-après, quelques succès majeurs. En septembre 1986, le STC accompagne la reprise par les salariés d’une société de transports de fonds en difficulté, et ce, sous forme coopérative. Bastia Securità voit le jour, sept emplois sont sauvés et dix sont créés.
En avril 1987, des candidats STC sont élus au Comité d’entreprise de la SNCM, un bastion majeur de la CGT. Cela s’ajoute aux victoires du syndicat lors d’élections à la Compagnie Méridionale de Navigation et à la SOMECA (deux autres compagnies maritimes). En décembre 2007, lors de sa première participation aux élections prud’homales, le STC réalise une percée (17 % des suffrages). Précédé par la CGT (42 %), il talonne FO (20%) et devance largement la CFDT (9%°), la CGC (8 %) et la CFTC (2%). En juin 1989, le STC démontre son ancrage au sein de la fonction publique territoriale lors des élections concernant le renouvellement des Comités techniques paritaires et des Commissions paritaires administratives. Il obtient de nombreux élus et une moyenne de près d’un quart des voix. Ce même mois, aux PTT (Postes et Télécommunications), le STC devient une force qui compte. A l’occasion des élections concernant le renouvellement des Comités techniques paritaires, son résultat dépasse 20 % des voix et lui vaut d’obtenir plusieurs élus ainsi que d’être en deuxième position derrière la CGT. Ce même mois enfin, le STC devient le premier à France 3-Corse. Ces résultats obtenus au sein de la fonction publique sont très importants car, tout en représentant une progression par rapport à une élection précédente, chacun d’entre eux révèle que la croissance du STC n’a pas été affectée par le refus de s’engager dans le long conflit social qui, deux mois plus tôt, a mobilisé dans la grève et dans la rue, une grande partie des fonctionnaires insulaires. En effet, entre fin février et fin avril 1989, à l’appel de la plupart des syndicats de fonctionnaires autonomes ou affiliés aux centrales hexagonales, et avec pour revendication majeure l’obtention d’une prime d'insularité censée compenser la vie chère, une grève des fonctionnaires insulaires a entraîné une paralysie quasi totale de la Corse. Le STC n’a pas suivi. Ses responsables ont expliqué ce refus en mettant en exergue qu’une prime d’insularité n'apporterait aucune solution structurelle et durable au problème social représenté par le bas niveau des salaires (moins 15 % par rapport à l'Hexagone) et la vie chère (plus 12 % par rapport à l’Hexagone) : « Certains voudraient faire croire qu’il ne s’agit que d’un problème d’insularité et appellent les salariés à se mobiliser pour une prime […] Cette prime serait une véritable aumône faite à la Corse et surtout un véritable blanc-seing à la poursuite d’une politique économique que l’on ne peut qualifier que coloniale. » Le STC a préféré populariser ses propositions en vue d’une solution globale : refonte de la continuité territoriale pour favoriser un abaissement du prix des marchandises importées ; développement du secteur productif local ; contrôle renforcé exercé sur les pratiques des quelques acteurs économiques jouissant d’un quasi monopole des importations et de la distribution ; mise a parité des salaires avec ceux pratiqués dans l’Hexagone. Il l’a fait en tenant des points presse lors d’occupations de bâtiments publics et en participant à Aiacciu et Bastia, aux côtés de l’ensemble des organisations nationalistes et de nombreux socio-professionnels, à deux grandes manifestations ayant pour mot d’ordre « Per una suluzione glubale ».


La maturité



A l’occasion de ses 2e Congrès et 3e Congrès, le STC fait preuve de maturité en adaptant son ses structures et son fonctionnement, tout en restant fidèle à la complémentarité Libération sociale et Libération nationale. Cela lui permettra de conserver son unité quand viendra le temps des dissensions et des conflits au sein de la LLN, et de progresser encore, jusqu’à devancer la CGT et devenir, une décennie plus tard, le premier syndicat de salariés de Corse.
Lors du 2e Congrès qui a lieu à Aiacciu les 29 et 30 octobre 2009, les travaux portent notamment le bilan de l’action du syndicat durant le long conflit social qui s’est achevé quelques mois plus tôt et sur la nécessité de se préserver d’une trop grande centralisation des décisions et d’une bureaucratisation. La grande majorité des délégués valide le choix qui a été fait de ne pas se jeter dans la grève et de défendre des propositions allant dans le sens d’une solution globale à apporter à la vie chère. Cette approbation conduit à réaffirmer la complémentarité Libération nationale et Libération sociale dans la résolution finale : « Le STC doit s’affirmer toujours davantage avec l’ensemble des autres composantes d’Unità Naziunalista (ensemble des contre-pouvoirs politiques, syndicaux, associatifs de la LLN, ndlr) comme force d’initiative, de lutte, d’unité, de proposition » et dans les nouveaux statuts adoptés par le Congrès : « Libération sociale et Libération nationale étant les deux aspects indissociables et complémentaires de son propre combat, le STC prend toute sa place dans le cadre global de la lutte du peuple corse pour son émancipation ». Les délégués optent pour une décentralisation en accordant une plus grande autonomie aux six unions locales (Aiacciu, Bastia, Balagna, Portiveghju, Corti, Fium’Orbu).
Lors du 3e Congrès qui a lieu à Bastia les 29 et 30 juin 1991, les débats sont rendus conflictuels par les fractures qui sont intervenues au sein de la LLN à la suite des dissensions puis des ruptures ayant affecté le FLNC puis les contre-pouvoirs de la LLN. La majorité des délégués, pour préserver l’unité du syndicat, adopte deux lignes directrices. D’une part, fidélité à la complémentarité Libération sociale et Libération nationale, mais dans le cadre d’une indépendance syndicale absolue ; d’autre part, renforcement de la démocratie interne, notamment en reconnaissant le droit de tendance. Ces lignes directrices vont permettre de préserver durablement la dimension nationaliste et l’unité du STC. Elles seront la base d’un esprit « Ni vainqueurs, ni vaincus » qui créera les conditions d’une réconciliation, dans les sections, entre les majoritaires et la plupart des minoritaires du 3e Congrès. Elles seront enfin une ouverture à la coexistence, au sein du STC, d’adhérents appartenant à toutes les sensibilités nationalistes.


Le STC aujourd’hui



Le STC a tenu son 12e Congrès à Aiacciu les 13 et 14 mai 2023. Ce congrès a été marqué par l’élection à l’unanimité d’un nouveau premier secrétaire général : Patrick Clémenceau-Fieschi. Jean Brignole, ayant assumé la fonction durant treize ans (trois mandats), avait depuis plusieurs mois annoncé sa décision de se retirer. Le nouveau secrétaire général est épaulé par deux secrétaires généraux adjoints : Fred Bagnaninchi pour la Haute-Corse, Jean-Toussaint Poli pour la Corse-du-Sud.
Une rencontre avec les trois responsables permet d’obtenir un éclairage sur la situation du STC aujourd’hui alors que, dans quelques jours, mercredi le 1er mai à Corti, dans les locaux de l’Università di Corsica, à partir de 14 heures, aura lieu la célébration de son 40e anniversaire. En premier lieu, Patrick Clémenceau-Fieschi confirme : « Le STC est bien la première organisation syndicale de salariés de Corse. Il est majoritaire aussi bien dans le secteur privé que dans les trois fonctions publiques. Le pourcentage moyen de suffrages obtenus lors des élections dans la territoriale et l’hospitalière est supérieur à 55 % ». Jean-Toussaint Poli développe : « Le STC, c’est tout cela. 8000 adhérents, près de 200 sections. Des victoires lors des élections des représentants du personnel dans de nombreuses collectivités territoriales, y compris la Collectivité de Corse. Des victoires aussi dans la fonction publique hospitalière, notamment à Aiacciu et Portivechju depuis longtemps, dernièrement à l’hôpital de Bastia. Aussi des succès dans la plupart des grandes entreprises, et plus particulièrement dans la grande distribution avec par exemple plus de 90 % des suffrages dans le groupe CODIM 2. Enfin, notre organisation est largement majoritaire dans les très petites entreprises, les TPE, celles comptant moins de onze salariés ». Patrick Clémenceau-Fieschi précise que le STC, depuis des années, produit un grand effort d’information et de syndicalisation des salariés des TPE et que l’enjeu est important : « Ces salariés sont souvent isolés et peu informés de leurs droits. Par ailleurs, les résultats des élections professionnelles dans les TPE sont pris en compte pour mesurer la représentativité des organisations syndicales qui sert, entre autres, à la nomination des conseillers prud’hommes. Nous sommes en plein dans la préparation du prochain scrutin qui aura lieu en décembre de cette année.»
Concernant le positionnement idéologique du STC, Fred Bagnaninchi est très clair : « Le STC est nationaliste mais aussi ouvert à tous les salariés et présent sur tous les terrains des luttes sociales. Le congrès de l’an passé a confirmé notre fidélité au caractère indissociable des luttes de libération nationale et sociale. La réalité du couplage lutte de libération nationale, lutte de libération sociale, est d’ailleurs évidente si l’on considère les quatre grandes priorités du congrès : corsisation des emplois, mobiliser notre force syndicale sur tous les fronts, participer à l’élaboration de l’autonomie pour assurer des avancées sociales concrètes, engager le développement de la valeur ajoutée de l’économie pour créer de l’emploi durablement qualifié et rémunérateur ».
Fred Bagnaninchi ajoute : « Concernant l’emploi, nous en sommes malheureusement davantage à lutter contre la décorsisation que pour la corsisation. La demande d’emploi représentée par les nouveaux arrivants est très forte. De plus, certains patrons préfèrent recourir à de la main d’œuvre venues d'ailleurs car, souvent dépourvue d’attaches, peu qualifiée et souhaitant ayant besoin de conserver son emploi, elle est considéré comme moins encline à se syndiquer ou à revendiquer ». Patrick Clémenceau-Fieschi signale toutefois que des victoires sont remportées : « Par exemple, aux Phares et Balises, pourtant dépendant de l’État, nous avons arraché la titularisation et le maintien d’un agent corse en Corse alors qu’il était question de le remplacer par un arrivant déjà titulaire ».
A la question portant sur les rapports du STC avec les majorités territoriales nationalistes s’étant succédées depuis dix ans, Patrick Clémenceau-Fieschi répond : « Depuis qu’ils ont accédé aux responsabilités, nous avons le sentiment d’être moins écoutés par les responsables politiques nationalistes. Ainsi, durant le processus Beauvau, le volet social n’a pas été traité. Il va cependant falloir discuter avec nous du contenu concret de l’autonome concernant le social et d’autres questions telles que l’éducation ou la santé. Nous sommes ouverts à tout. Mais toute évolution déterminée par l’autonomie, qu’elle concerne le Code du travail ou d’autres domaines, devra impérativement aller dans le sens d’un strict maintien ou d’une amélioration de l’existant. »
A la fin de l’échange, interrogé sur l’état des relations sociales, Jean-Toussaint Poli a précisé que les syndicalistes du STC n’étaient pas soumis à des menaces ou même à des pressions particulières : « Nous sommes dans la normalité d’un rapport de classe. Il nous appartient, en organisant au mieux les mobilisation et les luttes, de créer un rapport de force qui nous soit favorable pour défendre aux mieux les salariés. »


Jean-Pierre Bustori
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