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Quasquara, Notre Dame , la croix et la bannière

Un affrontement en apparence clochemerlesque sur la commune de Quasquara

Quasquara, Notre Dame, la croix et la bannière



Alors que les reportages se multiplient sur l’achèvement des travaux effectués sur Notre Dame de Paris, en Corse un affrontement en apparence clochemerlesque a opposé le maire du village de Quasquara à une de ses habitantes outrée qu’on veuille re ériger une croix à l’entrée du village. A priori sans commune mesure, ces deux évènements se rejoignent cependant.


La fierté de retrouver Notre Dame debout


Je vais écrire cet article à la première personne, car j’entends exprimer des sentiments tout à fait personnels. Je ne suis pas baptisé et mes deux parents étaient protestants. Mes petits-enfants, à moitié maliens, ont reçu de leur père la religion musulmane. Cependant, j’avoue avoir ému aux larmes quand la flèche de Notre Dame s’est abattue dans le brasier. J’y ai perçu comme une allégorie du supplice imposé à Jeanne d’Arc, un fait qui dépassait l’anecdotique pour atteindre le sublime et nous toucher au cœur et à l’âme. Je suis un farouche défenseur de la laïcité qui permet un espace pacifié entre religions. Néanmoins et c'est un fait incontestable, notre vécu est étroitement relié au christianisme. Nous avons toujours connu des églises au centre des villages. J’ai personnellement été captivé par l’atmosphère de sérénité qui règne dans les cathédrales à commencer par celle de Vézelay, sublime gardienne de Bourgogne. Jeune, j’ai assisté à des concerts d’orgue célébrant le génie de Bach, ce protestant franc-maçon. Toute notre culture a baigné, est imprégnée de christianisme. Cela ne signifie en rien que j’ignore l’apport du judaïsme, le terreau dans lequel a poussé le christianisme, pas plus que le droit des musulmans à vivre leur foi en toute quiétude. Mais comment nier la réalité de notre bain culturel chrétien ? C’est cultuel pour certains d’entre nous et culturel pour l’immense majorité des Corses. Il faut au passage saluer la magnifique restauration de Notre Dame, j’allais écrire sa résurrection.

Un monde en désir de spiritualité


La laïcité a été, fut un temps, un rapport de force entre une église extraordinairement agressive et sectaire, anti-dreyfusarde et concurrente de la République en matière d’éducation. Mais tout cela est bel et bien terminé. Je n’aime pas les positions de l’Église sur l’IVG ou sur la fin de vie. Je remarque cependant qu’elle a su s’amender pour ce qui a concerné son antisémitisme, son rapport aux femmes et aux homosexuels. Mais, à la limite, pour ce qui nous concerne, nous autres Corses, il ne s’agit pas de cela. Notre culture est intrinsèquement marquée par la croix et la bannière. Si j’osais, je reprendrais à notre compte une blague juive : un Corse croyant dit : « Dieu existe que son nom soit béni. » Un Corse athée lui répond : « Dieu n’existe pas, mais que son nom soit béni. » L’incroyable engouement pour le cardinal Bustillo en dit long sur notre soif de spiritualité. Nous sentons bien que le consumérisme à tous crins, le matérialisme sans freins nous mène à une négation de ce que nous sommes en tant qu’être humain. Nous avons besoin de transcendance, de croire à quelque chose de plus grand que nos petites personnes. Nous sommes un petit peuple insulaire ce qui nous octroie une faiblesse immense, mais en même temps une puissance à nulle autre pareille. Nous pouvons avoir des points de vue politiques ou philosophiques différents. Il nous restera toujours ce sentiment d’un destin qui nous a permis de traverser les millénaires pour aborder le XXIe siècle avec ce sentiment d’être nous, ni supérieurs, ni inférieurs aux autres peuples seulement nous. Et cela nous le devons, là encore qu’on le désire ou non, à ce ciment qu’sont le passé et le présent chrétiens.

Une humanité en fraternité


Je suis de ceux qui prêcheront toujours par une fraternité humaine et plus encore pour une solidarité absolue avec le Vivant dans son ensemble. Nous le savons maintenant, nous dépendons plus des végétaux, du monde animal qu’eux dépendent de nous sinon en mal. Tout cela est contenu dans le message de Saint François d’Assise. Il n’a pas été le seul. On trouve la même intuition dans le bouddhisme, le soufisme, le hassidisme. Mais notre culture provient du christianisme. En Corse, le désir de spiritualité solidaire s’exprime à travers les confréries qui connaissent elles aussi un renouveau témoignant d’un printemps peut-être cultuel et en tous les cas culturel. Alors franchement, qu’on ne vienne pas nous ennuyer avec l’emplacement des croix et même des crèches. Jeune, je n’étais pas croyant, mais je m’émerveillais devant les santons de Provence sagement posés autour du bébé Jésus. À l’école à Marseille, nous chantions « De bon matin, j’ai rencontré le train de trois grands rois qui partaient en voyage » ou encore en provençal « La cambo me fa mau » sans que cela provoque un tollé des anticléricaux bornés. Continuons donc à être nous-mêmes sans ostracisme, mais sans omettre les grandes pages de notre histoire. Et que Quasquara retrouve sa croix et Paris sa cathédrale !

GXC
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