Sur les Corses << impinzutiti >>
Les Corses << impinzutti >>
Sur les Corses « impinzutiti »
La Corse a toujours été confrontée depuis qu’elle est rattachée à la France à sa relation avec certains de ses « enfants » dits Corses « impinzutiti » selon la formulation de nos anciens. On ne traduira pas car la suite de nos développements permettra à tout un chacun de comprendre. De quoi s’agit-il ? En raison de la pauvreté du tissu économique de l’Île, ou par choix, nombre de ses enfants sont allés faire fortune ou carrière sur le continent.
En cela rien de blâmable, chacun doit pouvoir faire ce qu’il entend ou ce à quoi il a été contraint. Quand ils reviennent sur l’Île, pour les périodes de vacances ou pour leur retraite, certains de ces « expatriés », mais pas tous, fort heureusement, se sentent investis d’une mission de civilisation du pauvre autochtone qui, par choix ou par une nécessité autre, est resté. Ce dernier est marqué à leurs yeux d’une sorte de tache indélébile, il n’est pas sorti, et est donc nécessairement en retard de développement intellectuel. Il est une sorte de rustre, un rustique genre agricole comme dirait Audiard, trop lié à la terre, en bref un « cul-terreux ». Il doit ainsi être éduqué ou rééduqué par ceux qui reviennent et qui, eux, ont tout vu, ont tout fait, ce qui leur permet de détenir une vérité quasi révélée qu’ils ont le devoir impérieux de faire partager, de gré ou de force, aux pauvres Corses, forcément mal dégrossis, qui ont continué à vivre sur place les évolutions de leur Île.
Ces Corses du dehors n’ont alors à la bouche que « la loi », « les principes », ils disent à qui veut les entendre : « on est en France tout de même », et autres « évidences » de ceux qui ont perdu tous repères et sens commun et se trouvent contraints de faire appel au prêt-à-penser d’une vulgate politiquement correcte, dont ils ne se rendent même pas compte qu’elle les rend esclaves. Il est vrai que depuis fort longtemps, et en cela théorisée fort à propos par Étienne de la Boétie, la « servitude volontaire » se trouve vivifiée à toute époque. Ils connaissent ainsi toutes les lois, et en sont imprégnés car, souvent, ils ont été les bons petits soldats de l’ordre, quel qu’il soit, car respecter l’ordre pour eux c’est être quelque chose, car souvent, en réalité, ils ne sont rien et n’existent que parce qu’ils s’insèrent dans le magma de la bien pensance.
Pour tenter d’être, il leur faut des béquilles, ils ont les certitudes de ceux qui n’ont jamais pensé par eux-mêmes, ils sont les collaborateurs de tous les pouvoirs, ils vénèrent toutes les lois, même celles qui ont été iniques, oubliant que la loi n’est rien d’autre que la concrétisation d’un rapport de force à un moment donné, et que parfois l’Histoire a pu être sévère avec certaines. Mais cela, allez leur expliquer. Ils sont confits dans leur monde de certitudes et de rigueur, qui les conduit à une certaine sécheresse de l’âme. Aussi, tel des croisés d’un autre temps, et pétris de ce qu’ils croient être leur légitimité, ils viennent redresser les gueux autochtones. Ils ont oublié que ceux qui sont restés se sont bien débrouillés sans eux pendant des décennies, qu’ils ont seuls affrontés les épreuves et les risques, cette insularité, qui est barrière, qui est frontière, et donc aussi protection, qu’ils ont forgé une société, avec ses défauts et ses qualités, et qu’ils n’ont nul besoin que l’on vienne leur faire la leçon, surtout de la part de ceux qu’ils croyaient leurs frères.
Tout cela cache la perte d’identité de ces Corses qui ne le sont plus réellement, ils ont oublié le tréfonds d’une âme agropastorale avec ses rites, ses peurs et ses peines, mais aussi ses joies et ses non-dits, rien d’autre que ce qui est propre à tout territoire qui se veut un petit monde, car entouré – complètement – d’eau. Ils méprisent ceux qui sont restés, parce qu’ils leur en veulent, car au fond d’eux reste ancré le traumatisme conscient - ou non - de cet arrachement à la terre-mère. Il faut les plaindre, donc, et leur pardonner, mais non les laisser faire dans leur volonté de détruire le peu qui nous reste d’un paradis perdu.
Jean-François Poli
La Corse a toujours été confrontée depuis qu’elle est rattachée à la France à sa relation avec certains de ses « enfants » dits Corses « impinzutiti » selon la formulation de nos anciens. On ne traduira pas car la suite de nos développements permettra à tout un chacun de comprendre. De quoi s’agit-il ? En raison de la pauvreté du tissu économique de l’Île, ou par choix, nombre de ses enfants sont allés faire fortune ou carrière sur le continent.
En cela rien de blâmable, chacun doit pouvoir faire ce qu’il entend ou ce à quoi il a été contraint. Quand ils reviennent sur l’Île, pour les périodes de vacances ou pour leur retraite, certains de ces « expatriés », mais pas tous, fort heureusement, se sentent investis d’une mission de civilisation du pauvre autochtone qui, par choix ou par une nécessité autre, est resté. Ce dernier est marqué à leurs yeux d’une sorte de tache indélébile, il n’est pas sorti, et est donc nécessairement en retard de développement intellectuel. Il est une sorte de rustre, un rustique genre agricole comme dirait Audiard, trop lié à la terre, en bref un « cul-terreux ». Il doit ainsi être éduqué ou rééduqué par ceux qui reviennent et qui, eux, ont tout vu, ont tout fait, ce qui leur permet de détenir une vérité quasi révélée qu’ils ont le devoir impérieux de faire partager, de gré ou de force, aux pauvres Corses, forcément mal dégrossis, qui ont continué à vivre sur place les évolutions de leur Île.
Ces Corses du dehors n’ont alors à la bouche que « la loi », « les principes », ils disent à qui veut les entendre : « on est en France tout de même », et autres « évidences » de ceux qui ont perdu tous repères et sens commun et se trouvent contraints de faire appel au prêt-à-penser d’une vulgate politiquement correcte, dont ils ne se rendent même pas compte qu’elle les rend esclaves. Il est vrai que depuis fort longtemps, et en cela théorisée fort à propos par Étienne de la Boétie, la « servitude volontaire » se trouve vivifiée à toute époque. Ils connaissent ainsi toutes les lois, et en sont imprégnés car, souvent, ils ont été les bons petits soldats de l’ordre, quel qu’il soit, car respecter l’ordre pour eux c’est être quelque chose, car souvent, en réalité, ils ne sont rien et n’existent que parce qu’ils s’insèrent dans le magma de la bien pensance.
Pour tenter d’être, il leur faut des béquilles, ils ont les certitudes de ceux qui n’ont jamais pensé par eux-mêmes, ils sont les collaborateurs de tous les pouvoirs, ils vénèrent toutes les lois, même celles qui ont été iniques, oubliant que la loi n’est rien d’autre que la concrétisation d’un rapport de force à un moment donné, et que parfois l’Histoire a pu être sévère avec certaines. Mais cela, allez leur expliquer. Ils sont confits dans leur monde de certitudes et de rigueur, qui les conduit à une certaine sécheresse de l’âme. Aussi, tel des croisés d’un autre temps, et pétris de ce qu’ils croient être leur légitimité, ils viennent redresser les gueux autochtones. Ils ont oublié que ceux qui sont restés se sont bien débrouillés sans eux pendant des décennies, qu’ils ont seuls affrontés les épreuves et les risques, cette insularité, qui est barrière, qui est frontière, et donc aussi protection, qu’ils ont forgé une société, avec ses défauts et ses qualités, et qu’ils n’ont nul besoin que l’on vienne leur faire la leçon, surtout de la part de ceux qu’ils croyaient leurs frères.
Tout cela cache la perte d’identité de ces Corses qui ne le sont plus réellement, ils ont oublié le tréfonds d’une âme agropastorale avec ses rites, ses peurs et ses peines, mais aussi ses joies et ses non-dits, rien d’autre que ce qui est propre à tout territoire qui se veut un petit monde, car entouré – complètement – d’eau. Ils méprisent ceux qui sont restés, parce qu’ils leur en veulent, car au fond d’eux reste ancré le traumatisme conscient - ou non - de cet arrachement à la terre-mère. Il faut les plaindre, donc, et leur pardonner, mais non les laisser faire dans leur volonté de détruire le peu qui nous reste d’un paradis perdu.
Jean-François Poli