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L'offensive de la JIRS sur la corse

La JIRS semble enfin décidée à démanteler les gangs qui parasitent la Corse

L'offensive de la JIRS sur la Corse


La JIRS semble enfin décidée à démanteler les gangs qui parasitent la Corse. Et son offensive est couplée à de possibles décisions de la Justice en matière de lutte contre le grand banditisme.

La JIRS battue en brèche à Marseille à l’offensive en Corse


Il est inutile de revenir sur l’échec de la politique répressive menée en France contre les gangs de quartiers qui inondent la France de leurs produits stupéfiants. Les opérations tape-à-l’œil lancées par le ministre de l’Intérieur ont montré leurs limites. Les dealers, délogés pendant quelques heures de leurs points de vente, les ont retrouvés sitôt la police partie. Quant aux magistrats qui ont fait savoir leur avis sur ces opérations, ils n’ont eu droit qu’à un sermon brutal de la part du garde des Sceaux. Un rapport d’Europol (voir l’article dans ce numéro) montre à quel point la tâche est gigantesque. Les centaines de mafias qui occupent le terrain européen et plus particulièrement la France possèdent des structures souples difficiles à combattre tandis que leurs chefs se gobergent à Dubai, devenu l’épicentre des trafiquants originaires des pays du Maghreb et du Moyen-Orient. C’est dans ce cadre préoccupant que le ministre de la Justice a annoncé des mesures nouvelles afin de durcir le combat contre les mafias, mesures qui s’inspirent de celles déjà en cours en Italie : tribunaux spéciaux dépourvus de jury, statut du repenti et alourdissement des peines. C’était ce que réclamaient les collectifs antimafia de Corse. C’est d’ailleurs dans notre île que la JIRS semble se lancer à l’assaut des forteresses mafieuses jusqu’alors inexpugnables ou qui, tout au moins, le paraissaient.

Déceler l’invisible derrière le visible


Dans le rapport d’Europol, la ligne de conduite semblait être de rendre visible l’invisible, en quelques mots chercher l’illégal derrière l’apparence de légalité. D’une manière générale, le taux d’élucidation des crimes et délits a régressé de vingt points en France. Cela signifie que les structures criminelles se dotent désormais de moyens juridiques censés les préserver des enquêtes policières. En Corse, cela fait bien longtemps que ce principe est appliqué. Dans son rapport sur la criminalité en Corse adressé à la ministre de la Justice, le procureur Legras notait que dans cet autre rapport « sur « l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse » enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 3 septembre 1998, la commission d’enquête parlementaire présidée par M. Jean Glavany s’attachait à analyser « l’émergence d’un système » (page 439 à 453) et considérait finalement « que tous les éléments d’un système « prémafieux » s’étaient progressivement rassemblés en Corse. »

La commission d’enquête parlementaire présidée par M. Raymond Forni revenait sur ces questions, avec plus de nuances, dans son rapport enregistré le 10 novembre 1999. En distinguant délinquance économique et financière d’une part, criminalité organisée et délinquance spécialisée d’autre part, les membres de la commission voulaient surtout souligner l’existence de réseaux de banditisme structurés agissant en Corse ou à partir de la Corse, dont certains sont connus sous le nom de « Brise de mer » véritable nébuleuse du banditisme » et signaler « certaines tentatives de pénétration mafieuses identifiées dans le sud de l’île… limitées en raison du faible développement économique de la Corse conjuguée aux pratiques de racket menées par le banditisme insulaire et par certains milieux nationalistes. » Déjà 1994 Christian Raysseguier, alors procureur général en Corse, affirmait l’existence indéniable d’un grand banditisme et des éléments constitutifs d’un phénomène mafieux. On parlait déjà de la distribution du café en Corse, des investissements douteux dans le béton, dans l’enrobé, dans des concessions d’automobiles.

L’utilisation d’une bande contre une autre


Longtemps les services d’enquête ont donné l’impression d’être inefficaces contre le grand banditisme et selon une règle désormais bien établie de jouer une bande contre une autre. Les Renseignements généraux possédaient ses pions du côté de ce qu’on a abusivement désigné comme le clan Orsoni. Il s’agissait en fait de personnes qui avaient autrefois milité dans le FLNC Canal habituel et avaient mis la main sur un certain nombre de sociétés notamment dans la région ajaccienne. La Police judiciaire paraissait tabler sur les ennemis de ces derniers à savoir le Petit Bar et leurs alliés. Le conflit a été évident lors de la guerre de la SMS, cette société de surveillance qui s’occupait d’aéroports et de ports tenus par d’anciens militants clandestins, qui a vu tomber bon nombre de protagonistes parmi lesquels Antoine Nivaggioni et Yves Manunta, mais déjà lorsque rien n’était affirmé Robert Feliciaggi, de la Foata. Le système avait entamé son déclin après le décès accidentel de Jean Jé Colonna le 1er novembre 2006 et avait connu son apogée avec les assassinats de barons de la Brise de Mer et des proches de Jean Jé Colonna attribués par les enquêteurs à des hommes qui seraient proches de Jean-Luc Germani proches de Richard Casanova lui-même assassiné par Francis Mariani, transfuge de la Brise de Mer vers les environs du Petit Bar. Cet étrange sentiment d’utilisation des bandes par la police a été renforcé quand il a été établi qu’un tiers du dossier de la SMS était classé « secret-défense » vraisemblablement à cause des liens tissés par des policiers de RG alors dirigés par Bernard Squarcini, et des protagonistes de cette affaire.

Le mélange des genres


Puis la JIRS s’est attaquée au Petit Bar soupçonné d’avoir organisé l’assassinat de Maître Sollacaro, de Jacques Nacer, président de la CCI de Corse du Sud, d’Antoine NIvaggioni, dirigeant de la SMS et de quelques autres personnes qui, à des degrés divers, s’étaient montrées gênantes. Ironie de l’histoire, c’est Hélène Gerhards, plus tard mise en examen pour ses relations avec des personnes appartenant à la périphérie du Petit Bar, qui avait permis de mettre en évidence la relation entre deux de ces assassinats. Son mari d’alors, un ancien gendarme, mis en examen pour travail dissimulé, fraude, bénéficie d’un non-lieu grâce au talent de son avocat qui est un grand ami de son épouse, un certain Dupont-Moretti. Le monde est vraiment petit. Le Petit Bar est aujourd’hui en piteux état. Et la JIRS multiplie les interventions après que son procureur, Nicolas Bessone a déclaré, contre l’avis du procureur de Bastia, oui la mafia corse existait bel et bien. `

Des sociétés de surveillance de réputation difficile


L’offensive actuelle touche en premier lieu des proches des Federici de Venzolasca pour des questions de racket de blanchiment d’argent, mais aussi en annexe pour des affaires tenant à des sociétés chargées de la sécurité et notamment des aéroports. C’est vrai à Bastia, mais aussi à Ajaccio où le directeur de la SAP SUR chargé du contrôle des bagages a été incarcéré le 6 février après avoir été mis en examen par la JIRS pour « extorsion en bande organisée, association de malfaiteurs et recel de favoritisme ». En Haute Corse Plusieurs personnes ont été mises en examen dans un dossier ouvert par un magistrat instructeur de la JIRS de Marseille, jeudi 26 avril et vendredi 27 avril. L’information judiciaire commencée en 2021, a été ouverte pour extorsion de fonds, blanchiment, abus de biens sociaux, travail dissimulé. Le tout en bande organisée. Dans ce cadre-là, Pierre-Louis Montet fondateur de la société de sécurité SISIS et Christophe Perfettini, l’actuel directeur de l’entreprise Hestia (ex-Sisis) ont été mis en examen et libérés sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre en Corse. Tous sont présumés innocents et contestent leur mise en examen. Or Hestia s’occupe également de la sécurité d’une partie de l’aéroport de Poretta sans d’ailleurs que rien ne lui ait été reproché. Mais le plus étrange est que les deux sociétés ont été créées par des personnes ou des apparentés apparaissant dans le fichier du Sirasco comme appartenant à une des 21 bandes criminelles de Corse. Or ces sociétés ont besoin des agréments du ministère de l’Intérieur pour emporter ces marchés. À quoi joue l’État ? Car c'est bien cette ambiguité qui trouble les Corses, une ambiguité déjà entretenue avec les groupes clandestins.

Dérouler la pelote


Les services locaux de répression remportent de beaux succès en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Et c’est une excellente chose, car dans ce domaine le pire est à venir avec l’arrivée massive de fentanyl, « la drogue des zombies ». La Corse est un petit territoire et beaucoup de Corses sont persuadés que si l’État le veut, le problème du grand banditisme peut être rapidement circonscrit. Il faut simplement diligenter des enquêtes sur la destination des fonds publics et l’origine de soudains enrichissements. Les résultats ne font aucun doute si le travail est fait systématiquement et que les enquêteurs déroulent patiemment la pelote. De surcroît la confiscation des biens mal acquis, grâce à l’AGRASC, est un outil performant pour décourager les malfrats. Et on se rendra compte que petit à petit, les bouches vont s’ouvrir et que lorsqu’il sera réellement établi que magistrats, policiers et gendarmes sont décidés à aller jusqu’au bout, il ne sera plus question d’omerta pour le bien de la Corse.

GXC
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