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Un projet un peu fou << Roma per noi >>

Angelin Leandri : << La Corse est venue me chercher à Rome >>

Angelin Leandri : « La Corse est venue me chercher à Rome »


Professeur en freelance dans l'enseignement supérieur à Paris, Angelin Leandri a réalisé un documentaire sur la création du cardinal Bustillo, à Rome, en septembre dernier. Intitulé « Roma per noi », le film de 26 minutes a été présenté le 23 mai à Ajaccio. Pour le JDC, l’Ajaccien de 34 ans, qui a notamment vécu dans la capitale italienne, dévoile les coulisses de ce « premier projet un peu fou ».



Quelle est la genèse de ce documentaire ?


C’est l'annonce le 9 juillet dernier, au moment de l'Angélus, de la future création de l'évêque de Corse comme cardinal par le pape. Je suis alors à Paris et j'apprends ça en regardant les infos sur mon téléphone. A la fois en tant que Corse et aussi par rapport à mon propre intérêt pour le cardinalat dont je parle dans le film, j’imagine qu'il va se passer quelque chose autour de cela. Les semaines passent et l’engouement se confirme. J’apprends que de très nombreux Corses, environ 800, vont partir à Rome. Proportionnellement à la population de l’île, ça va être une sorte d'exode massif. Ça commence à m’intéresser de plus en plus. A deux semaines de l’événement, je décide sur un coup de tête de partir pour tourner un film.


Vous vous lancez dans un tournage alors que vous n’êtes pas du tout du métier. Comment avez
-vous procédé ?

Je n’ai aucune expérience dans ce milieu mais je décide de partir pour un projet un peu fou en me disant qu’il faut garder un souvenir de ce moment qui sera historique pour la Corse. Chez moi, ça soulève également plein de choses dont je vais un peu parler dans le film. Grâce à tout un réseau amical qui se met en place en quelques jours, j’ai la chance de trouver un cadreur (Matthieu Saintenac) pour m'accompagner. Ensuite, sur place, ça a été l'aventure…

Le tournage de « Roma per noi » a eu lieu fin septembre 2023 à Rome. Quelle a été la plus grande difficulté que vous avez rencontrée ?


On avait très peu de temps ; ça a donc été une déambulation permanente. Il y a eu parfois un côté un peu chaotique, c'est-à-dire qu’on passait littéralement d'un lieu à l'autre, à pied, en voiture, par 30 degrés de canicule à Rome, fin septembre. Nous n’étions que deux avec une seule prise d'image, une seule prise de son. On a dû tout faire à deux dans des moments d’improvisation totale à chaque fois.


La plupart des séquences sont tournées sur le vif. On a souvent l’impression que les personnes interviewées, notamment les Romains, font totalement abstraction de la présence de la caméra…


Je suis passionné par la romanité du quotidien et par les Romains. C'est un peuple qui a des points communs avec les Corses. C'est un peuple proprement mythologique qui recouvre toute sa vie de récits, de symboles, d'images. On le voit un peu dans le film : il y a souvent une référence à un passé glorieux, mythique, et les Romains ont besoin de ça pour supporter aussi ce poids de l'histoire. Un peu comme en Corse, on a souvent besoin de tout mythologiser pour regarder certaines réalités en face qui sont parfois extrêmement difficiles à voir. Quand je vivais à Rome, je pouvais passer des journées dehors à discuter spontanément avec des gens. Je faisais comme si j'étais parmi eux et comme si j'étais de là-bas. Grâce à cela, on a pu cueillir, pourtant sur des séquences extrêmement courtes, cette espèce de théâtralité fascinante du quotidien. C’est ce que je voulais.


Dans le film, on passe des Romains aux Corses, avec votre voix off qui accompagne le récit. On sent dans la narration une certaine dualité, eu égard à votre parcours de vie entre la Corse, Paris et Rome. Peut-on dire que ce film est une sorte d’introspection ?


La chronologie de ce week-end est une montée vers ce moment de communion dans tous les sens du mot, avec cette messe que la cardinal Bustillo donne pour les Corses. Cette recherche a été l'accomplissement d'un cycle. C'est-à-dire que je pars du décentrement : je suis parti il y a 13 ans maintenant de Corse, je vis à Paris, j'ai vécu quelques années à Rome. C'est d’ailleurs la question que je pose au début du film : « de quel côté serai-je ? » ; ça m'a amené à me poser la question de ce qu'était être Corse. Et quand je suis parti faire le tournage, je ne savais absolument pas ce que j'allais pouvoir filmer des Corses, car je ne savais pas si j’allais avoir accès aux cérémonies. J'étais donc parti surtout pour filmer les Romains. Mais la ferveur et la joie de tous ces Corses qui sont partis là-bas sont venues me « récupérer ». La Corse est venue me chercher à Rome, tout simplement. J'ai compris à quel point il y avait du sens pour les Corses de se décentrer vers Rome pour mieux rayonner. Car si cet événement faisait rayonner l’île dans le monde par la figure du cardinal et par la théologie politique de l'Église, j’ai surtout trouvé des Corses heureux d'être tous ensemble là-bas, au-delà de toutes les divisions. C'est ce qui me plaît dans le décentrement des Corses en général, et dans cet esprit de diaspora qui caractérise beaucoup de peuples qui m’intéressent énormément.


« Roma per noi » a été présenté jeudi 23 mai à Ajaccio. Une projection sera organisée le 30 mai au Régent de Bastia. Ce premier documentaire pourrait-il en appeler un deuxième ?


En réalité, je travaillais déjà sur un projet depuis un petit moment et ce projet-là à Rome est venu interrompre l'écriture du premier. Néanmoins, ce sera mon prochain tournage. C'est encore une fois lié à la Corse et ça restera dans l'esprit de ce premier film, même si la thématique sera différente. J’espère tourner ça d'ici la fin de l'année.


A.S
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