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Dissolution : députés virés, Beauvau coulé !

Les responsables politiques vivent une tempête.

Dissolution : députés virés, Beauvau coulé


Dans l’Hexagone et en Corse, après la décision du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, les responsables politiques vivent une tempête. Chez nous, en sus, ils doivent faire face à un naufrage, celui du processus Beauvau.


Tout comme leurs 573 collègues, les quatre députés corses ont été virés. Cependant, bien qu’ils soient dans la tempête, leur situation est a priori favorable et leur permet de raisonnablement espérer siéger à nouveau dans l‘hémicycle du Palais Bourbon. L’échéance proche, le premier tour des élections législatives aura lieu le 30 juin prochain, les a placés ou les place dans un contexte favorable : investiture quasi assurée leur ayant permis de déclarer leur candidature et d’entrer en campagne dès après l’annonce présidentielle ; notoriété largement supérieure à celle de la plupart de leurs adversaires car, la campagne devant être courte, ceux-ci n’auront guère d’occasions de mieux se faire connaître ; image forte et globalement positive résultant du fait que le processus Beauvau et la vie parlementaire ordinaire les ont mis en situation d’apparaître comme des défenseurs des intérêts de la Corse et des Corses. Par ailleurs, au niveau individuel, les quatre députés sortants sont en situation plutôt favorable. Toutefois une élection n’est jamais gagnée d’avance, chacun des sortants devra se garder de quelques menaces. A l’heure où sont écrites ces lignes, leurs situations respectives peuvent être décrites comme suit.


Jean-Félix Acquaviva, seul vraiment menacé


Dans la première circonscription de la Corse-du-Sud, côté positif, Laurent Marcangeli porte les couleurs du parti Horizons qui, tout en étant une composante de la majorité présidentielle, fait souvent valoir sa différence et a pour leader le présidentiable Édouard Philippe ; a acquis une dimension nationale en présidant avec brio le groupe des députés Horizons ; a été un acteur majeur de la décrispation entre la Corse et l’État en animant la Commission d’enquête parlementaire sur les circonstances de l’assassinat d’Yvan Colonna et en soutenant la réforme constitutionnelle ; n’a pas d’adversaire en mesure de lui disputer le leadership de la droite et du centre dans la région ajacienne. Côté négatif, Laurent Marcangeli doit compter avec : l’impopularité du Président de la République dont il est malgré tout un soutien; l’impact éventuel des récentes mises en examen pour « corruption passive » et « trafic d’influence passif » ayant concerné cinq de ses partisans liés à la municipalité ajacienne ; une possible candidature unitaire des nationalistes autour de Romain Colonna (Femu a Corsica) qui l’avait contraint à un second tour difficile en juin 2022. Dans la deuxième circonscription de la Corse-du-Sud et la première circonscription de la Haute-Corse, les deux sortants, Paul -André Colombani (PNC-Avanzemu) et Michel Castellani (Femu a Corsica) n’ont en principe guère matière à s’inquiéter. Côté positif : ils disposent d’une popularité déterminée par leur grande proximité avec l’électeur ; ils ont abattu un travail parlementaire considérable dont la défense de la réforme constitutionnelle et le portage du projet de CHU (Centre Hospitalier Universitaire) ; ils peuvent se prévaloir de soutiens au-delà de camp nationaliste ; ils pourraient bénéficier du soutien de l’ensemble du camp nationaliste. Côté négatif, Paul André Colombani et Michel Castellani n’ont à se soucier que d’une très hypothétique union anti-nationaliste autour d’un candidat unique. Dans la deuxième circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva (Femu a Corsica) est dans une situation moins favorable que les trois autres sortants. Sa présence sur le terrain et son travail parlementaire sont certes incontestables et reconnus. Il dispose du soutien de la machine Collectivité de Corse. En revanche sa proximité forte avec Gilles Simeoni dont la politique est de plus en plus contestée, y compris au sein de la mouvance nationaliste, en font la cible idéale d’un vote-sanction. Ce qui le rend vulnérable face à François-Xavier Ceccoli qui portera probablement les couleurs de la droite et dont, en juin 2022, il n’est venu à bout que de justesse.


Qui se souciera encore ?


Les députés sortants ont de grandes chances de refaire surface. En revanche, le processus Beauvau a été coulé et grande est la probabilité qu’il ne soit jamais renfloué. Il faudra certes attendre le résultat des élections législatives et la déclaration de politique générale du prochain Premier ministre pour en savoir plus. Cependant, il est est très probable que si le Rassemblement National l’emporte nettement en juillet prochain et que si Emmanuel Macron est contraint de nommer Jordan Bardella au poste de Premier ministre, la messe sera dite. En effet, ce dernier a déjà affiché être défavorable à un statut d’autonomie de la Corse et ses partisans locaux sont quasiment sur la même longueur d’ondes. Cependant, même si le Rassemblement National ne l’emporte pas nettement et qu’Emmanuel Macron réussit à construire une coalition majoritaire Renaissance-Les Républicains, il est très improbable que le Président de la République remette sur le métier le travail ayant été réalisé par Gérald Darmanin et les élus corses. En effet, du fait d’une très probable augmentation du nombre de députés Rassemblement National et de l’opposition d’une partie du Sénat, une relance de la réforme constitutionnelle sera impossible car réunir trois cinquième des parlementaires sera inenvisageable. En outre, s’il se tire d’affaire, il est douteux qu’Emmanuel Macron juge opportun d’indisposer ses nouveaux alliés Les Républicains en renflouant le dossier Autonomie de la Corse. Ceci rend d’ailleurs presque anecdotique la visite chez nous, ces derniers jours, dans le cadre de la Mission d'information sur l'évolution institutionnelle de la Corse, des membres de la commission des lois du Sénat . Certes ceux-ci ont assuré que malgré la dissolution de l'Assemblée Nationale, ils entendaient poursuivre leurs travaux pour déterminer les voies et moyens d'une meilleure adaptation du régime institutionnelle de la Corse à ses particularités. Certes ceux-ci ont clamé souhaiter faire le travail jusqu’au bout. Certes ceux-ci ont confirmé vouloir rendre un rapport, comme il l’était prévu, en septembre ou octobre Mais si, cet été, le Rassemblement National est à Matignon ou dispose de 200 députés, qui se souciera encore de ces bonnes paroles et de ces belles résolutions, et que tout ce beau monde sénatorial ait rencontré le président du Conseil exécutif, la présidente de l’Assemblée de Corse, les présidents des groupes de l’Assemblée Corse, la présidente et les vice-présidents du Conseil Économique Social Environnemental et Culturel de la Corse ? Et qui accordera quelque importance au fait que le distingué sénateur conduisant la délégation ait affirmé « Nous sommes engagés dans une démarche d’écoute, de travail de fond. Il n’y a pas de refus de principe », Si nous sommes là c’est pour échanger et comprendre la spécificité du territoire ». Pas grande monde sans doute...


Pierre Corsi
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