• Le doyen de la presse Européenne

Tête blanche , sombres regrets .......

<< Ah si nous avions la peau plus noire >>

Tête blanche, sombres regrets…



Que de fois a été répété ce regret oxymorien : « Ah si nous avions la peau plus noire » si nous ressemblions à la tête figurant sur notre bandera. Et force est de constater que ce regret ambigu porte en lui une certaine vérité et aussi beaucoup de faux regrets.


La pointe avancée de la conquête coloniale


Soyons objectifs : les Corses ont été les janissaires de l’Empire puis de la République. Dans la moindre parcelle colonisée, on trouvait un compatriote qui général, qui simple troufion, garde-chiourme ou petit fonctionnaire. Si nous avions eu la peau plus foncée nous aurions été relégués aux basses œuvres d’un pouvoir blanc de chez blanc. Même le père d’Alexandre Dumas, mulâtre et général de la République, avait été démis par Napoléon en personne. Trop basané. On ne peut tout à la fois être et avoir été. Nous avons largement profité et plus encore des largesses de l’État de quelque nature qu’il ait été : monarchie ou républicaine. Nous fûmes ces indigènes blanchis sous l’uniforme si j’ose dire depuis l’Antiquité jusqu’à l’ultime guerre, celle que la France livra aux indigènes d’Algérie pour ensuite la quitter.

Le mythe de la colonie


Sommes-nous une colonie ? Évidemment non. La France n’aurait rien à gagner à conserver ce petit rocher nerveux secoué régulièrement par une fièvre de violence. Elle paie assez cher pour nous conserver dans son giron. La base aérienne militaire d’a Sulinzara ? Rien n’empêcherait la France de trouver ailleurs une base contre espèces sonnantes et trébuchantes voire de conserver celle-ci en payant un état indépendant. En fait, il s’agit d’une affaire de sentiment. Il s’est créé entre la France et la Corse une sorte de valse-hésitation sur une musique étrange faite d’amour et de haine. Considérons seulement notre cousine, la Sardaigne. Son sort a été totalement différent du nôtre avec notamment la puissance aragonaise. La Corse a toujours été tentée par l’aventure française vraisemblablement parce que notre île n’a cessé d’abandonner sa puissance tutélaire dès lors que celle-ci était vaincue. Pise d’abord après la Meloria, Gênes ensuite lorsque la Sérénissime a commencé à piquer du nez. Les « occupants » n’ont jamais trouvé leur compte financier dans cette île impossible à gouverner achevant ainsi le mythe de la colonie qui d’ailleurs n’a vu le jour que dans les années soixante-dix sous la plume du FRC dans Main basse sur une île alors dirigé par l’extrême gauche. Le mythe est resté parce que valorisant la victime et dans l’air du temps à cause de la guerre d’Algérie.

Une identité qui a survécu par-delà les siècles


Pourtant le peuple corse n’a jamais abdiqué son identité propre, obstination heureuse vraisemblablement préservée par l’insularité et le sous-développement d’une terre oubliée par l’État français, mais aussi par sa diaspora rongée par la nostalgie de temps anciens qu’elle voulait immuables. Cette identité a survécu au XXe siècle, le plus meurtrier de l’histoire humaine, et a échoué sur les rivages du XXIe siècle en s’interrogeant sur sa propre réalité. Car enfin la langue agonise en partie à cause du manque d’entrain des Corses eux-mêmes à l’apprendre et à l’enseigner malgré une armée mexicaine de titulaires. La culture est réduite à des chants admirablement bien chantés, mais dont le contenu est incompréhensible pour l’immense majorité de celles et ceux qui les écoutent. Sinon quoi ? Eh bien justement est là la question. Être ou ne pas être ? Pourtant nous sommes, nous existons car l’identité est comme l’âme, une entité indéfinissable, mais essentielle caractéristique de notre être aussi insaisissable que le boson de Higgs et néanmoins bien réelle.

Et si nous nous acceptions tels que nous sommes


Alors cessons de rêver à ce que serait notre destin si nous avions la peau noire. Malheureusement, avoir la peau blanche est jusqu’à preuve du contraire une chance immense dans le monde injuste tel que nous le connaissons. Et puis, au fond, penser ainsi c’est plus encore s’enfoncer dans le victimisme alors que la période exige que nous prenions notre destin en main quel que soit le statut qui nous est accordé. Nous n’aurons jamais la peau noire si ce n’est pour les Corses d’adoption qui la possède à la naissance. Et puis au fond qu’importe cette histoire de couleur de peau mise en avant par les racistes de l’extrême droite et les racialistes de l’extrême gauche. Il n’existe que l’espèce humaine avec toutes ses variétés heureuses. Ce qui nous unit c’est que nous sommes Corses, façonnés par cette terre pentue entourée par une mer à peine ouverte sur l’extérieur par le canal de Suez et le détroit de Gibraltar. Notre chance, notre seule chance est de croire en notre capacité à exister par nous-mêmes en nous ouvrant toujours plus sur l’Ailleurs pour nous en enrichir cultivant une sorte de souverainisme centrifuge à vocation cosmopolite tout simplement parce que nous sommes tous des enfants de cette terre et de ce cosmos.

GXC
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