Arte Mare et la médecine << Ces malades qui nous gouvernent >>
Le docteur Métais, gériatre , en vedette
Arte mare et la médecine
Le docteur Métais, gériatre, en vedette
En prologue au festival Arte Mare prochain dont le thème est la médecine le Dr. Patrick Métais, gériatre, s’est exprimé sur « Ces malades qui nous gouvernent ». Une conférence opportune, à la bibliothèque de Bastia, au moment où députés et sénateurs doivent examiner la future loi sur la fin de vie.
Les dirigeants de nos pays sont-ils au courant de leur pathologie ? Si oui, de quelle manière eux et leurs entourages, réagissent-ils ? Ces grands de ce monde sont-ils beaucoup mieux soignés que les citoyens lambda ? Voilà, deux questions formulées par le docteur Métais. Exiger le meilleur telle a été l’attitude du roi Baudoin de Belgique. Mal lui en a pris, le ponte qu’il avait choisi avait perdu la main… Mieux eut valu pour sa majesté d’avoir recours un interne expérimenté par sa pratique régulière du bloc opératoire !
Quant aux gouvernants et responsables de haute volée dont le cercle amical à décelé des problèmes, le docteur Patrick Métais s’est référé à des exemples révélateurs. Jean Paul II était affligé de tremblements impossibles à dissimuler. Parkinsonien sa main gauche et une de ses jambes ne répondaient plus. Dégénérescence du cerveau la maladie de Parkinson peut entraîner des troubles cognitifs. Les symptômes, eux seulement, se traitent. Bien entouré médicalement et avec de la morphine le pape pouvait apparaitre en public.
Jacques Chirac présentait plusieurs affections. Frappé par un AVC il était aveugle d’un œil. Il avait une angiopathie, et était en outre concerné par une pathologie démentielle avec évolution sur une dizaine d’années. En 2005, alors que les siens connaissent sa situation il est élu président de la République. Dans la constitution gaullienne le chef de l’Etat s’occupe de la politique étrangère et surtout c’est lui qui actionne le bouton nucléaire. C’est là où le bât blesse !...
Ronald Reagan lors de ces deux mandats dont le premier débute en 1984 était atteint d’Alzheimer. Sa capacité à parler était fort appauvrie par l’usage de mots répétitifs. Nancy, sa femme, a veillé au grain, mais le pouvoir et la bonne volonté d’une épouse à des limites.
Georges W Bush, fils, n’avait pas totalement vaincu son alcoolisme. On pouvait déceler les signes de son addiction. Faut-il mettre au compte de celle-ci l’invasion de l’Afghanistan et l’intervention américaine US en Irak ?
John F Kennedy souffrait de spondylarthrite ankylosante qui provoque d’intenses douleurs dans le dos. Pour les surmonter il prenait énormément de médicaments et des doses de morphine. On attribue à ces médications une part du désastre de la Baie des Cochons… qui s’est traduit par une victoire de Castro.
Autre malade célèbre François Mitterrand, dont le cancer de la prostate a été rendu public lorsqu’il a été hospitalisé à Cochin. Un président particulièrement bien suivi à qui on a administré très tôt des soins palliatifs qui enrayent les répercussions négatives de leur état. Conclusions tirées par le docteur Métais : il faudrait que ce genre de prise en charge soient ouvertes à tous.
Les interrogations sur la loi en cours en débats au parlement ont suscité dans la salle de la bibliothèque centrale de Bastia, où avait lieu la conférence, moult réflexions. Cette loi va-t-elle promouvoir l’euthanasie ? Si c’est le cas qui doit l’administrer ? Va-t-elle avoir des répercussions négatives et retreindre encore le champ des soins palliatifs ?
En période d’austérité et de restrictions budgétaires que restera-t-il pour abonder les dispositions plutôt favorables l’extension des soins palliatifs ?
Qu’en est-il de ceux qui nous gouvernent, qui sont exempts de la maladie, tout en ayant des comportements problématiques et inquiétants ?
Michèle Acquaviva-Pache
ENTRETIEN AVEC LE DOCTEUR PATRICK MÉTAIS
Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser en gériatrie ?
A la base je suis médecin urgentiste, je dois donc être capable de poser un diagnostic dans des situations complexes… à la façon d’un docteur House ! Un gériatre se doit d’établir une relation particulière avec son patient qu’il doit voir dans sa globalité. Je débrouille la complexité des situations et pour cela il faut du temps.
Quelles sont les pathologies que vous rencontrez le plus souvent en Corse, sont-elles différentes de celles que vous avez pu observer sur le continent ?
Ce sont les problèmes cérébraux qui entraînent de la démence. La Corse ayant une population de plus en plus vieillissante je rencontre beaucoup de ces cas. A cela s’ajoutent les gens qui viennent prendre leur retraite ici. La démence est insidieuse. Ceux qui en sont atteints ne s’en rendent pas compte très souvent, mais l’entourage oui. Ces malades doivent être accompagnés car il n’y a pas de médicaments. Le rôle du médecin est de bien expliquer ce qui se passe aux aidants. Les maladies du cerveau ont des répercussions qui touchent toute la famille. Sur le continent également plus il y a de personnes âgées plus on a de démence, surtout après 95 ans.
Quelles sont les maladies qui ne rendent pas inaptes les dirigeants qui nous gouvernent ?
Les pathologies digestives et arthrosiques bien que le cœur, les organes aient besoin d’un corps qui fonctionne bien. Je remarque toujours : il n’y pas de pires retraités que ceux qui sont mangés par leurs canapées ! Ceci dit, j’ai rencontré des centenaires brillants souvent marqués par des événements historiques peu ordinaires.
Du côté des hommes politiques auxquels on diagnostique des pathologies graves en cours de mandats, ne devraient-ils pas démissionner
Ce n’est pas à moi de le dire. Le médecin n’a qu’un rôle de conseil.
Quelles sont les maladies qui altèrent les facultés mentales ?
Toutes les maladies cardiologiques et neurologiques car le débit sanguin du patient est en baisse. Viennent ensuite les maladies pulmonaires pour les mêmes raisons… Ne pas oublier le vieillissement d’une manière générale.
François Mitterrand a-t-il été apte à gouverner malgré son cancer ?
Je ne l’ai pas examiné… Je ne peux donc pas répondre… Mais si l’on se réfère à ses discours, à ses propos, à ces choix politiques il était au gouvernail. Il a gardé ses capacités intellectuelles.
Le travail de la Convention citoyenne sur la fin de vie vous parait-il valable ?
Cette Convention de citoyens tirés au sort représente une dynamique de travail intéressante. Dommage que ses réflexions n’aient pas été confrontés à l’avis des soignants : médecins, infirmières, aides-soignantes, techniciens de santé, responsables d’associations qui s’occupent de ce genre de problèmes. Cela aurait permis d’avoir une vision du terrain qui aurait été plus large. L’association des soins palliatifs qui regroupe une centaine de médecins aurait pu apporter le fruit de son expérience. Convention citoyenne d’une part et soignants d’autres part auraient pu formuler des propositions utiles à une politiques de santé.
Quels sont les gardes fous pour qu’une loi sur la fin de vie ne déraille pas ?
La loi Claeys-Leonetti dressait des gardes fous afin d’éviter les dérives. La loi débattue au parlement se rapproche trop selon moi des dispositions en cours au Canada et en Belgique.dont les dérapages sont très préoccupants. Je maintiens, moi, que donner la mort n’est pas un soin. Le médecin doit avant tout comprendre pourquoi le malade veut abréger sa vie et s’orienter si possible vers des soins palliatifs. Toute décision concernant la fin de vie doit être collégiale de la part des soignants. Or, dans la loi actuellement devant les parlementaires n’importe qui peut décider si mourir est la solution. Les cas belge et canadien sont inquiétants. Le suicide assisté en Suisse relève d’une autre philosophie puisque le malade s’administre lui-même la potion ou la perfusion léthales et ce en toute lucidité.
En Corse peut-on bénéficier partout de soins palliatifs ?
Il existe un service de soins palliatifs à Ajaccio. A Bastia il y a des soins de suite à la clinique Zuccarelli et une équipe spécialisée peut intervenir à domicile. Mais bien sûr ces possibilités sont insuffisantes par rapport aux besoins.
Quel est le rôle du médecin dans l’aide à mourir prévu dans la nouvelle loi qui va être votée ?
Pour l’instant aucun… Ne pas nous avoir demander à nous médecins notre avis, est une faute historique. Voilà le résultat d’années et d’années où, pour des motifs comptables, on a pratiqué le numerus clausus dans les facultés de médecine ce qui a diminué le nombre de médecins. Parallèlement on nous a réduit, à nous professionnels des prérogatives. Face à une population de plus en plus vieillissante il faut une politique de santé qui ne se limite pas à la haute technologie. Au sujet de la fin de vie la vision collégiale de toute l’équipe soignante est indispensable. Quant à moi je ne tuerai pas et je rejette d’avance tout délit d’entrave qui menacerait les médecins s’ils ne veulent pas euthanasier leurs patients.
Que pensez-vous de la réaction de l’Eglise opposée à tout ce qui peut précipiter une fin de vie ?
La fin de vie est un problème de société. Tous les corps de la nation doivent pouvoir intervenir à ce sujet.
Propos recueillis par M.A-P