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Internationalisation : Nazione à l'ONU

La question corse au sein des principales institutions internationales
Internationalisation : Nazione à l’ONU


Le parti indépendantiste Nazione qui a vu le jour au début de cette année, travaille à porter la question corse au sein des principales institutions internationales, et notamment de la plus prestigieuse : l’ONU. La première étape de cette nouvelle dynamique d’internationalisation est la participation au Baku Initiative Group.


La volonté d’internationaliser la question Corse est une constante de la composante nationaliste se réclamant de la Lutte de Libération Nationale. Dès le début des années 1980, la Cunsulta di i Cumitati Naziunalisti puis le Muvimentu Corsu per l’Autodeterminazione ont noué, par des contacts bilatéraux ainsi qu’à l’occasion des Ghjurnate Internaziunale (rendez-vous incontournable ayant lieu chaque année au début du mois d’août à Corti depuis plus de quarante ans), des liens étroits de solidarité politique avec des organisations portant les combats d’autodétermination de différents peuples. Les ruptures intervenues au sein de la Lutte de Libération Nationale au début des années 1990, n’ont pas mis fin à cette démarche. La Cuncolta Naziunalista, Corsica Nazione Indipendente et Corsica Libera ont maintenu le cap. Ainsi, l’an passé, aux Ghjurnate Internaziunale, étaient présentes des délégations catalane, basque, sarde, kabyle, polynésienne, guyanaise, martiniquaise et guadeloupéenne. Le parti indépendantiste Nazione qui a vu le jour au début de cette année, entend aller plus loin dans la démarche d’internationalisation. En effet, il travaille à porter la question corse au sein des principales institutions internationales, et notamment de la plus prestigieuse, l’ONU, dont l’Assemblée générale a : en 1960, adopté une Déclaration affirmant que tous les peuples ont le droit de libre détermination et proclamant la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme ; en 1962, créé un Comité spécial chargé de l’application de la Déclaration. La première étape de la nouvelle dynamique d’internationalisation portée par Nazione, est la participation au Baku Initiative Group (Groupe d’Initiative de Bakou) à la suite de travaux préparatoires qui ont menés, à la fin de l’an passé, par des indépendantistes militants ou proches de Corsica Libera.


Le Baku Initiative Group


Le Baku Initiative Group a été initié par les représentants de mouvements anti-colonialistes des DOM et des TOM (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Polynésie, Kanaky). Contrairement à ce qui est colporté, il n’est en rien une créature du pouvoir azerbaïdjanais. Il a certes vu le jour, en juillet dernier, à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. Mais l’événement s’est inscrit dans une dimension bien plus large qu’une riposte de l’Azerbaïdjan à la suite de la détérioration de ses relations avec la France. Il a eu pour véritable cadre une déclinaison de la philosophie animant une organisation internationale, le Mouvement des non-alignés, qui comprend plus d’une centaine de pays (soit près des deux tiers des membres des Nations unies et 55 % de la population mondiale) ; qui se positionne ni pour ni contre les grandes puissance mondiales ; qui, depuis 1979, aux termes de la « Déclaration de La Havane » s’emploie à défendre « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques ». L’honnêteté intellectuelle commande toutefois de préciser que le Mouvement des non-alignés, après avoir refusé de suivre les politiques des USA et de l’ex-URSS, est progressivement devenu, après la dislocation de l’URSS, un pôle de contestation des politiques des USA et des pays occidentaux, les accusant souvent d’être hégémoniques. C’est clair, le Baku Initiative Group a donc pour positionnement et champ d’action l’anti-colonialisme et non la valorisation du pouvoir azerbaïdjanais. Ce qui suscite l’irritation de Paris est que l’objectif du groupe est d’élargir, à l’échelle internationale, la lutte contre ce qu’il considère être la domination coloniale sur des territoires à ce jour français ; et qu’à ce titre, il s’emploie à sensibiliser les organisations internationales à ce qu’il juge être les intérêts des peuples autochtones ou constitués (notamment à partir de l’esclavage) vivant sur ces territoires.


Participation d’indépendantistes corses


Le Baku Initiative Group multiplie les échanges et les rencontres entre ses membres et aussi avec différents acteurs internationaux. Il s’est déjà aussi exprimé à l’occasion de d’importants événements internationaux en tant que participant ou organisateur. L’an passé et en début d’année, des indépendantistes corses, militants ou proches de Corsica Libera, ont participé à ces événements. Le 22 septembre dernier, à l‘occasion de la 78ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU, le Baku Initiative Group a confirmé son adhésion aux principes fondamentaux du Mouvement des non-alignés, à la Charte de l’ONU et aux résolutions onusiennes préconisant l’émancipation totale de tous les peuples sous domination coloniale. Les 20 et 21 novembre derniers, à Bakou, la Conférence ministérielle du Mouvement des non-alignés intitulée « Décolonisation des femmes : Autonomisation et développement» a été l’occasion pour le Baku Initiative Group de mettre en perspective, à travers l’évocation de leur impact sur la condition féminine, toutes les dimensions des politiques française de colonialité. Ont ainsi été mis en exergue d’une part, le pillage de matières premières apportant à la France des gains stratégiques, économiques et financiers sans aucune contrepartie ou presque concernant le développement local et les populations autochtone ; d’autre part, l’alourdissement de la position subalterne de la femme et l’aggravation de la précarité de ses conditions de vie. Le 14 décembre dernier, à Genève, à l’initiative du Baku Initiative Group, des représentants de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Corse ainsi que d’anciennes colonies (Sénégal, Algérie), et les participants d’une quinzaine d’autres pays, ont dénoncé le système colonial français. Ils ont notamment pointé du doigt : une stratégie de mal développement économique organisant, au profit des monopoles français, l’extrême dépendance alimentaire des populations, la cherté de la vie, la paupérisation et le chômage massif, et entraînant toutes sortes de dérives (violences, trafics d’armes et de drogues) ; une politique d’assimilation reléguant au second plan les langues locales et imposant aux enfants des programmes scolaires français ne correspondant ni à l’histoire, ni à la géographies, ni à la culture, ni aux légitimes ambitions de leur peuples ; l’accaparement des terres et la mainmise sur des millions de km2 de Zones Économiques Exclusives (qui font de la France la seconde puissance maritime mondiale) ; la colonisation de peuplement ; le pillage des ressources naturelles ; une justice criminalisant toute résistance anti-coloniale et épargnants voire protégeant les corrompus ; les pénuries d’eau ; les difficultés d’accès aux soins ; les scandales sanitaires et écologiques ; la présence de bases militaires. Tous les participants ont demandé à l’ONU et aux instances internationales de contribuer encore plus activement : à mettre fin au colonialisme et au néocolonialisme ; à l’obtention de réparations pour les crimes commis par le colonialisme ; à soutenir la saisine par le FLNKS de la Cour Internationale de Justice afin de faire respecter le droit du peuple kanak à l’indépendance nationale ; d’appuyer la démarche des peuples de Corse, Martinique, Guadeloupe et Guyane pour faire inscrire ou réinscrire leurs pays sur la liste des pays à décoloniser.


Nazione a Istanbul et à l’ONU, Talamoni aussi en Suisse


Le 24 février de cette année, à Istanbul, le Baku Initiative Group a organisé une conférence internationale intitulée « Décolonisation : le réveil de la renaissance ». Plus de cinquante représentants de treize pays et quatre organisations internationales y ont participé, dont une délégation de Nazione dans laquelle était présent Jean-Guy Talamoni. À l’issue de l'événement, les participants ont adressé une lettre ouverte au président de la République Emmanuel Macron ; missive rappelant les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies sur la décolonisation, soulignant que les peuples vivant en Corse, Mélanésie, Polynésie, aux Caraïbes et aux Antilles souffrent encore du colonialisme et du néocolonialisme, et détaillant ces crimes. Ces derniers jours, le 20 juin, le Baku Initiative Group a organisé à New-York, dans les locaux du siège de l’ONU, une conférence intitulée « Vers l'indépendance et les libertés fondamentales » destinée à enrichir dans le sens d’accélérer « la fin du colonialisme », les travaux du C24 qui tenait sa réunion plénière annuelle (Comité spécial créé dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisé). L'événement a réuni des représentants du corps diplomatique accrédité auprès de I'ONU, des experts étrangers, des universitaires, des représentants de mouvements indépendantistes et des membres de la société civile de territoires concernés. Une délégation de Nazione, qui comptait notamment Jean-Guy Talamoni, a participé activement. Les délégués ont donné des informations sur les problèmes auxquels sont confrontés les territoires qu’ils représentaient. Ces informations ont notamment porté sur la violation des droits de l’homme et sur les nouvelles tendances coloniales. Les travaux ont aussi mis l’accent sur la nécessité de renforcer les plateformes régionales et internationales d’action anti-colonialiste et particulièrement le Baku Initiative Group. La fin juin a d’ailleurs été faste pour l’action d’internationalisation de la question Corse que conduit Nazione. En effet, trois jours après avoir participé à la conférence de New York, Jean-Guy Talamoni s’est rendu en Suisse pour intervenir lors d’une conférence à laquelle il était invité avec des représentants de territoires en lutte pour davantage d’autonomie ou le droit à l’autodétermination (dont le Québec et le Val d'Aoste). L’événement avait pour thème le droit d'autodétermination des peuples. Il était organisé par le canton du Jura à l’occasion de la célébration du cinquantième anniversaire du vote ayant entériné sa création en tant que composante de la Fédération Helvétique.


Pierre Corsi
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