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Musicales 2020

...Encore et encore Sysyphe !
MUSICALES 2020
… encore et encore Sisyphe !


Aurait-on lancé un mauvais sort aux Musicales 2020 de Bastia ? Aléas et infortunes auraient-ils eu le dessus sur la ténacité et l’opiniâtreté de Raoul Locatelli et de l’équipe organisatrice de la manifestation culturelle ? Regard sur le travail effectué dans l’ombre… En coulisses.

Acte I.
Pendant le premier confinement murit la programmation de l’édition 2020 des Musicales. La fête sera épatante avec une très grande voix de la world music, qui s’est déjà produit deux fois à Bastia avec un énorme succès : Angélique Kidjo.
A l’affiche également un flamboyant spectacle de flamenco… comme jamais vu et entendu au théâtre bastiais.

Acte II.
Annonce de l’embellie. Réouverture des salles. Bémol : les jauges accueillant du public sont réduites de moitié. Le théâtre rétrécit de 800 places à 400. Sans oublier l’obligation du port du masque et de la réservation. Conséquences les « gros » concerts sont déprogrammés. Généralement coûteux ils ne pourraient être amortis par la billetterie et risqueraient, s’ils étaient maintenus d’affecter d’un trop important déficit la structure théâtrale et peut-être de la mettre en péril. Dans la foulée les organisateurs sont amenés à reporter aussi les spectacles comportant deux parties et dont la durée excède deux heures. Il en va ainsi du récital des « Soledonna » et de Paloma Pradal qu’on retrouvera en juin comme le flamenco, comme Angélique Kidjo.

Acte III
. Instauration du couvre-feu. Tout est repensé encore une fois en fonction du nouvel impératif horaire de 21 heures. L’accent est mis sur la littérature avec un rendez-vous avec Boris Vian et un autre avec Kafka. Vian, le stupéfiant, aux talents multiples, à l’esprit hyper-créatif. Vian, amoureux fou de la liberté et de la vie. Vian, pataphysicien de génie, fervent pacifiste et antimilitariste qui s’insurge contre la guerre d’Indochine et contre celle qui suit en Algérie.

Le Kafka, qui devait s’emparer de la scène de Bastia, n’est pas celui dont l’œuvre a forgé le mot kafkaïen mais celui des lettres passionnées à Milena. Des lettres dites par Robin Renucci accompagné au piano par Nicolas Stavy. Une occasion de découvrir une autre facette de l’auteur de « La métamorphose », du « Procès » ou du « Château » si représentatif de cette Europe centrale qu’a voulu anéantir le régime nazi.

Au gré des péripéties malencontreuses l’équipe des Musicales emmenée par Raoul Locatelli n’a pas dételé. Elle est restée réactive. Capable d’adaptation et d’endurance… à l’image de Sisyphe condamné à remonter son rocher dès qu’il a roulé en bas de la pente. Mais tout ce travail en valait la peine. Camus n’a-t-il pas écrit qu’il peut y avoir des Sisyphe heureux !
Conclusion
– sourire aux lèvres – l’édition 2021 des Musicales est fin prête…




Raoul Locateli
.« Être populaire sans être populiste. »

La palette artistique des Musicales s’annonçait assez inédite ?
La musique classique devait être plus présente avec deux concerts classiques et le pianiste, Nicolas Stavy, intervenant dans la lecture-concert proposée par Robin Renucci dédiée aux lettres de Kafka à Milena, son grand amour. Place importante aussi au jazz avec la chanteuse, Robin Mckelle. Un hommage à Boris Vian était encore prévu par le célèbre parolier, Boris Bergman, hommage axé sur l’univers du Saint Germain des Prés de l’après-guerre.


Au programme du festival, comme par préscience, l’ombre de Kafka. Une façon de coller au moment kafkaïen que nous vivons ?
Je précise que la formule du concert-lecture, qui était celle du spectacle, « A Milena », était inédite aux Musicales. Pour nous elle est une manière de nous recentrer sur une démarche culturelle ce qui ne signifie par intello ! Le concert-lecture nous apparait, en effet, comme le moyen d’être populaire sans être populiste. Pour la partie musicale Nicolas Stavy avait choisi des morceaux du répertoire romantique qui à mes yeux va bien à Kafka. Ce genre de spectacle, « A Milena », est parfait pour susciter la curiosité, pour faire découvrir ou redécouvrir l’immense auteur praguois.


Est-ce parce que la musique classique est une composante notable de la vie culturelle insulaire que vous souhaitiez braquer l’éclairage sur L’Ensemble Instrumental de Corse ?
Il représente une expérience très intéressante… Et puis toutes les régions ont leur orchestre ! L’Ensemble Instrumental de Corse réunit des solistes d’ici et de l’extérieur, par exemple pour le hautbois qui n’est pas enseigné au Conservatoire Henri Tomasi. Il permet de faire entendre des morceaux très connus mais difficiles d’exécution. On avait inscrit à son programme une thématique : Tzigane de l’Est et Gitan du Sud avec à la guitare classique, Sandrine Luigi et au violon, Glen Rouxel qui devaient jouer des œuvres d’Albeniz, Rodrigo, Sarasate, Ravel, Rimski-Korsakov.


A travers une conférence et une mini comédie musicale une évocation de Boris Vian était programmé. Quelle est pour vous la modernité de ce poète, écrivain, dramaturge, jazzman, ingénieur ?
Il sait manier la provocation, l’humour, la poésie, le fantastique, le surréalisme. Chaque génération se plonge avec délices dans ses romans : « L’écume des jours », « L’automne à Pékin » ou « J’irai cracher sur vos tombes ». Pareil pour ses chansons qui bousculent les règles et sont des satires sociales : « J’suis snob », « Je bois », « Arthur, où t’as mis le corps », « La java des bombes atomiques », « Le déserteur », seule chanson française à être reprise par la jeunesse américaine lors des manifestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1965 – 1975.


On dit que Robin Mckelle est une star montante du jazz. Qu’est-ce qui fait l’originalité de cette artiste que venait à Bastia pour la première fois ?
C’est une superbe contralto. Sa voix est expressive, légèrement éraillée. Son jazz est inventif. Il est influencé par la soul, le blues, le rythm’n blues. Robin Mckelle possède un extraordinaire sens du rythme. Elle est très marquée par Nina Simone.


Les Musicales reçoivent peu d’artistes américaines faute d’opportunités et de moyens. Comment avez-vous réussi à l’inviter. Que devait-elle chanter ?
Elle pouvait faire le déplacement à Bastia car bloquée en France par le premier confinement elle avait par la suite décidé d’une tournée en Europe. A son répertoire : des morceaux composés ou popularisés par des chanteuses ou compositrices femmes. Ainsi des reprises de Dolly Parton, Sade, Amy Winehouse, Adele, Janis Joplin, Billie Holiday… Des chansons d’amour, de revendications sociales ou antiracistes, des textes au-delà de ce qu’elle a l’habitude d’interpréter. Pour l’accompagner : un piano, une contrebasse, une batterie.


Les Musicales jouaient encore un a parte à Ville de Pietrabugno. Avec quels musiciens ?
Nous voulions renouveler la démarche entreprise en 2019 avec un concert dans l’église du village. Nous avions invité Raphaël Pierre, violon et Jean Marie Giannelli, guitare. Tous deux enseignent au conservatoire insulaire. Ils nous avaient concocté une création baptisée, « Mélodies », voyage musical aux horizons variés : tzigane, corse, irlandais, classique…


Pour célébrer les pratiques musicales amateurs vous aviez imaginé « Caminandu in musica ». Avec qui ? Comment ?
Ce spectacle se présentait telle une déambulation originellement autour de l’Alb’Oru mais organisée à l’intérieur pour des raisons sanitaires. Ce n’était pas les musiciens et les chanteurs qui devaient se déplacer mais les spectateurs. On avait fait appel à « E Stelle », chorale créée à Biguglia par Emmanuelle Mariini, professeur au collège de cette ville. On attendait la participation de « L’archetti bastiacci » formé par Raphaël Pierre. Devait aussi être là l’ensemble vocal, « Cantid’elle » composé par des femmes de tous âges sous la direction d’Anaïs Gaggieri. A cet ensemble devaient se joindre de très jeunes rockers.

Propos recueillis par M.A-P
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