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Napoléon Bonaparte , nationaliste corse

Un Napoléon violemment anti-français

Napoléon Buonaparte, nationaliste corse

L’île de Gorgona est l’île la plus septentrionale de l’archipel toscan, en mer Tyrrhénienne située entre le Cap corse et Livourne. Napoléon imagine qu’un marin s’y réfugie lors d’une tempête. L’ilôt est habité par un vieux Corse et sa fille. Ceux-ci prennent le naufragé pour un Français. Ils veulent l’assassiner, lorsqu’ils découvrent que c’est l’un « de ces Anglais vertueux qui protègent encore nos fugitifs citoyens ». Le père et sa fille lui font la fête. Le vieux Corse lui raconte alors les malheurs de sa patrie et les raisons de son isolement.

Un Napoléon violemment anti-français


Le récit écrit par Napoléon est baroque pour ne pas dire empoulé. Avec quatre décennies d’avance sur la vague romantique, le jeune artilleur clame son amour de la Corse paoline à travers le récit du vieux Corse : « Nous étions libres, nous étions heureux, lorsque les Français que l’on dit être ennemis des hommes libres vinrent armés du fer et du flambeau, et en deux ans, contraignirent Paoli de s’en aller, et la Nation à se soumettre. Quant à moi, avec mes amis et parents nous soutînmes la guerre pendant huit ans... » Son père avait péri non sans lui dire : « Mon fils, venge-moi ! C’est la première loi de la nature. Meurs comme moi, n’importe, mais ne reconnais jamais les Français pour maîtres. » Le reste de la famille avait péri pendant la répression. Le partisan de Paoli avait tout de même réussi à emmener sa fille jusque sur l’île de la Gorgona où ils vivaient comme des parias. à sauver sa fille et se réfugie avec elle sur l’île de la Gorgona. « Depuis cetemps-là, j’ai juré sur mon autel de ne plus pardonner à aucun Français. Il y a quelques années que j’ai vu périr deux bâtiments de cette nation. Quelques bons nageurs se sauvèrent dans l’île, mais nous leur donnâmes la mort. Après les avoir secourus comme hommes, nous les tuâmes comme Français. » Plus tard, le vieil homme et sa fille se livreront à un autre massacre de Français après un moment de faiblesse et de pitié vite corrigé dans le sang et le feu. Tout l’équipage ayant été occis, « je recueillis tous les meubles qui pouvaient appartenir à l’équipage. Nous traînâmes leurs corps aux pieds de notre autel et là, nous les consumâmes. Ce nouvel encens parut être favorable à la divinité... »

« Je naquis quand la patrie périssait »

Les Réfugiés de la Gorgona a été écrit quelques mois avant la fameuse lettre de Napoléon à Pasquale Paoli, datée du 12 juin 1789 : « Je naquis quand la patrie périssait. 30 000 Français, vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau dès ma naissance. Vous quittâtes notre île, et avec vous disparut l’espérance du bonheur ; l’esclavage fut le prix de notre soumission : accablés sous la triple chaîne du soldat, du légiste et du percepteur d’impôts, nos compatriotes vivent méprisés…, méprisés par ceux qui ont les forces de l’administration en main ; n’est-ce pas la plus cruelle des tortures que puisse éprouver celui qui a du sentiment ? L’infortuné péruvien, périssant sous le fer de l’avide Espagnol, éprouvait-il une vexation plus ulcérante. Les traîtres à la patrie, les aînés vils que corrompit l’amour d’un gain sordide ont, pour se justifier, semé des calomnies contre le gouvernement national et contre votre personne en particulier… Je veux noircir du pinceau de l’infamie ceux qui ont trahi la cause commune… »

Le père en palimpseste


Dans Les réfugiés de la Gorgona Napoléon apparaît sous les traits d’un Anglais. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que de ressentir l’anglophilie du jeune Napoléon qui écrit alors à son mentor pensionné par Sa Gracieuse Majesté à Londres qui sera plus vaincu par cette puissance. Mais le jeune homme était alors nourri de la prose de Boswell et du souvenir d’Horace Walpole qui délivra de sa prison pour dettes le malheureux roi de Corse Théodore 1er que d’ailleurs Paoli n’appréciait guère. Mais comment ne pas lire entre les lignes une critique essentielle du jeune Napoléon contre son père Charles qui, à l’instar de la plupart des notables corses, ont rejoint le camp des vainqueurs français le plus souvent contre un titre ou une pension. En effet, les Buttafoco, les Giafferi, les Bonaparte, les Gaffori sans oublier les Matra se sont ralliés au panache blanc du monarque français sans plus se préoccuper du sort de leurs concitoyens qui avaient cru à la révolution paoline. Là encore on ne peut que remarquer la schizophrénie corse qui voit ce jeune homme, officier de l’armée française livrer dans le secret épistolaire sa haine pour la main nourricière. En toute logique, Napoléon ne pouvait que s’emparer de cette main et la faire sienne, conquérant ainsi à son tour la France colonisatrice.

GXC
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