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Un été chaud, des inégalités froides

Le réchauffement climatique ne prend pas de vacances.........
Un été chaud, des inégalités froides

Le réchauffement climatique ne prend pas de vacances et reste sur le podium des phénomènes environnementaux à conséquences sociétales. Alors que les températures estivales atteignent des records en Corse, l'accès aux moyens de rafraîchissement devient un luxe inaccessible pour une partie de la population, creusant un fossé social face aux effets du changement climatique.

Fracture thermique

Quand on pense passoire thermique, on pense aux logements mal isolés qui laissent passer le froid dans les intérieurs, en hiver, ou qui deviennent humides après chaque averse. Pourtant, cette fracture thermique s’applique aussi pendant les fortes chaleurs, l'accès à la climatisation et aux moyens de rafraîchissement étant loin d'être une réalité pour tous. Été comme hiver, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. D’après un récent rapport d’Oxfam France, les populations les plus pauvres sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique, y compris les vagues de chaleur. La Fondation Abbé Pierre évalue à 4,2 millions, en France, le nombre de personnes en situation de mal-logement. Les logements construits avec des matériaux peu performants en termes d’isolation thermique, deviennent des fournaises en été. Dans tous les pays, la crise climatique donne naissance à une nouvelle forme d'inégalité appelée « cooling poverty » (pauvreté en matière de refroidissement). Destravaux d'une équipe de recherche italo-britannique ont révélé que l'accès à des climatiseursn'était pas l'unique facteur de vulnérabilité face à la chaleur extrême, et que ce problème touchait en réalité à « divers aspects de la société, de l'urbanisme à la santé publique ».

« Cooling poverty »

Antonella Mazzone, chercheuse à l'Université de Bristol définit le « cooling poverty » comme « la condition dans laquelle les organisations, les familles et les individus sont exposés aux effets néfastes d'un stress thermique et d'humidité croissant dû à des infrastructures inadéquates ». Le « cooling poverty » frappe davantage les populations les plus modestes.Selon l'Observatoire régional de l'énergie et du climat de Corse, près de 30 % des ménages corses sont en situation de précarité énergétique de refroidissement. Cette proportion grimpe à plus de 40 % chez les foyers les plus modestes. La Corse est particulièrement vulnérable aux vagues de chaleur. Entre 2021 et 2050, les deux tiers du territoire corse devraient être exposés à plus de trente nuits tropicales en été. Les zones littorales bénéficieront d'un effet modérateur, mais les espaces intérieurs de basse montagne seront davantage soumis à des températures anormalement élevées. Les conséquences sont multiples : sanitaires, avec des risques de déshydratation, de coups de chaleur et d'aggravation de pathologies préexistantes chez les personnes fragiles. Selon une étude de l'ADEME, les personnes âgées de plus de 75 ans représentent 45 % des décès liés à la canicule en Corse. Outre les enjeux sanitaires, les conséquences peuvent aussi entraîner une dégradation de la qualité de vie, diminuant l'attractivité de certaines zones pour les résidents et les investisseurs. La pression sur les ressources naturelles, notamment l'eau, s’accentue avec la nécessité de refroidir les espaces de vie et de travail, entrainant des coûts supplémentaires pour la gestion et la distribution de ces ressources. Enfin, la canicule peut aussi avoir des effets sur la productivité, puisque certaines activités peuvent être arrêtées en raison des températures, comme dans le BTP où depuis un décret publié fin juin, la canicule est un nouveau motif de chômage technique.

Chère fraicheur

Les épisodes de canicule accentuent la demande pour des solutions de refroidissement, poussant les consommateurs à acheter des ventilateurs et des climatiseurs malgré les appels à la sobriété énergétique. La climatisation reste un luxe pour de nombreux foyers à faibles revenus. Selon l'Observatoire régional de l'énergie et du climat de Corse, près d'un ménage sur cinq en Corse (19 %) ne peut pas se permettre d'installer un système de climatisation chez lui. Sans compter que la climatisation a un coût écologique : en 2020, la climatisation a été responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur du bâtiment. L’adaptation au changement climatique va demander des équilibres pour que les moyens de lutter contre la précarité énergique n’accentuent pas le problème.

Maria Mariana
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