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Le Palais Fesch , joyaux du patrimoine ajaccien

Le Palais Fesch est désormais un lieu incontournable........

Le palais Fesch, joyaux du patrimoine ajaccien


Au-delà de son activité principale de Musée, le Palais Fesch
est désormais un lieu incontournable dédié à la recherche, à l'histoire de l’art, et aux activités culturelles, accueillant des ateliers, des conférences, mais également un lieu événementiel exceptionnel, avec « hors les murs » dans la Grande Galerie.

Nous sommes allés à la rencontre de celui, qui pendant 18 ans a su insuffler cette nouvelle dynamique ambitieuse, par une programmation riche et variée : Philippe Costamagna, Directeur emblématique, s’il en est, du Palais Fesch-Musée des beaux-arts d’Ajaccio. Un moment émouvant, puisqu’il inaugurait il y a quelques jours sa dernière exposition temporaire « Bologne au siècle des Lumières. Art et science, entre réalité et théâtre » à laquelle est adossée une exposition photographique étonnante « Les Larmes du Ciel » de Nicolas Joyeux.

Un peu d'Histoire...

Le Palais Fesch doit son existence à la volonté du cardinal Joseph Fesch, oncle maternel de Napoléon Bonaparte, natif d'Ajaccio et grand collectionneur d’art.

Ancien archiprêtre de la cathédrale d’Ajaccio, archevêque de Lyon, primat des Gaules, élevé au rang de cardinal en 1803, Joseph Fesch s'était découvert une passion pour l'art lors de la campagne d’Italie de 1796. À la chute de l’Empire en 1815, il s’exile à Rome au palais Falconieri, où il présente, au second étage, sa « Grande Galerie », constituée de ses plus beaux chefs-d’œuvre, aux hôtes de passage. Il entassa le reste de sa collection dans un second palais qu’il louait à cet effet. Le cardinal Fesch avait réuni la plus vaste collection de tableaux jamais constituée, puisqu'à sa mort, en 1839, il possédait 17 767 objets d’art, dont environ 16 000 tableaux.

Par testament, le prélat souhaita créer à Ajaccio, un « Grand Institut des Arts et des Sciences » pour éduquer les jeunes corses, nanti de sa collection d’œuvres et d'une bibliothèque, son héritier, Joseph Bonaparte, contesta le leg, la ville dû ériger le bâtiment à ses propres frais, mais elle reçut toutefois, environ 1500 tableaux, meubles, objets d’art et ornements liturgiques, des milliers de livres, ainsi que la statue de Napoléon 1er consul sculptée par Maximilien Laboureur. On ne parle plus donc de leg Fesch, mais de donation Survilliers. La collection du cardinal constitue néanmoins le fonds principal du musée d’Ajaccio.

La construction du Palais débutée en 1828, selon les plans de l’architecte Sylvestre Frasseton, ne s’acheva que sous le Second Empire, et afin de rendre hommage à son bienfaiteur, une statue du cardinal Fesch, par le sculpteur Vital-Gabriel Dubray, fût dressée par la municipalité en 1854 au centre de la cour.

Différents dons et legs enrichiront par la suite les collections, notamment ceux de Félix Baciocchi en 1866, du duc de Trévise en 1892, de Jérôme Napoléon en 1897, de la famille Rothschild en 1889 et 1909, de François et Marie-Jeanne Ollandini en 2007 et 2009.

L’État, pour sa part, procède dès 1854 et régulièrement jusqu’en 1973 à des dépôts à la ville d’Ajaccio.
Jusqu’en 1974, la grande galerie constituait l'essentiel de l'exposition, le reste du bâtiment étant occupé par un collège, après avoir servi de casernement. Une première campagne de travaux est entreprise dans les années 1970 et 1980, et à sa réouverture, le 9 juillet 1990, l’établissement occupe l’ensemble du bâtiment.

Après une nouvelle phase de travaux, visant principalement à l’amélioration de la conservation des collections, le musée rouvre en 2010 et propose depuis aux visiteurs quatre étages d’exposition.

Le Palais rassemble également le cabinet des arts graphiques et de la photographie,
la salle patrimoniale de la bibliothèque de la ville d’Ajaccio, et la chapelle impériale.


La grande bibliothèque, œuvre de l’architecte Jérôme Maglioli, fût inaugurée en 1865, sous l'impulsion de Lucien Bonaparte, alors ministre de l’Intérieur du gouvernement consulaire.

Elle est constituée, notamment, d'ouvrages provenant de diverses collections (congrégations religieuses, résidences royales, fonds des Capucins et Jésuites, collection privée de l’abbé Marchi, collection du cardinal Fesch).

La chapelle impériale, quant à elle, constitue l’aile sud du Palais, elle fut édifiée pour recevoir les sépultures des principaux membres de la famille impériale. Originellement placée sous le vocable de saint Joseph, la chapelle reçoit successivement les appellations de chapelle impériale, chapelle Bonaparte et chapelle palatine. Bâtie dans un style néo-renaissant, elle met en valeur les matériaux insulaires (pierre de Saint-Florent, marbre vert de Bevincu, pierre de Brandu.

Les expositions permanentes

Peintures italiennes du XIVe au XVIIIe siècle

La collection du cardinal Fesch fût la dernière des grandes collections formées par un prélat romain, et probablement la plus vaste. Certaines de ces collections sont devenues des musées nationaux, là où d’autres sont restées propriété des descendants de ces illustres familles, accessibles au public.

Le Palais Fesch propose ainsi l’une des plus importantes collections de peintures italiennes des musées de France, avec une présentation qui débute au second niveau et continue chronologiquement au niveau inférieur. Au premier étage, les tableaux sont présentés selon le principe d'accrochage des palais italiens « cadres contre cadres » sans tenir compte du sujet ou de l’époque du tableau.

Trois fonds majeurs se détachent plus particulièrement.

- Le fonds des peintures des Primitifs et de la Renaissance

Il représente une infime partie du rare ensemble des premiers maîtres de la peinture italienne que le cardinal avait réuni avant sa dispersion en 1845.

- Les peintres actifs à Rome au XVIIIe siècle

Au cours du XVIIIe siècle, Rome, la ville éternelle, était le lieu de destination d’artistes venus de l’Europe entière afin d’étudier Raphaël et l’Antique, devenant l’un des principaux centres de la création artistique et des échanges d’idées.

- Les peintures italiennes du XVIIe siècle

Cette collection
présente une sélection de tableaux représentatifs de toutes les écoles de peinture de la Péninsule avec, en particulier, comme dans toutes les collections romaines, un grand nombre de paysages et surtout le plus exceptionnel ensemble de natures mortes visible en France.

La collection napoléonienne au rez-de-cour

Depuis 1839, legs et donations ont enrichi le patrimoine napoléonien de la ville d’Ajaccio. La collection du cardinal Fesch constitue le fonds le plus important de représentations de membres de la famille Bonaparte et forme à elle seule une véritable galerie de portraits. L’ensemble napoléonien du Palais Fesch laisse une large part au Premier Empire, à travers des œuvres peintes, gravées ou sculptées. Le peintre Jacques Sablet y est à l’honneur avec des portraits remarquables de Lucien Bonaparte et de Christine Boyer, sa première femme. La collection comprend également de grands portraits de la famille impériale, dont ceux de Napoléon 1er, empereur des Français et Joseph, roi d’Espagne, par le baron François Pascal Simon Gérard. Cette collection recèle aussi un petit portrait anonyme du Roi de Rome dans le jardin des Tuileries qui se trouvait dans la chambre de Napoléon à Sainte-Hélène. Le Second Empire est également évoqué, avec notamment le portrait de Napoléon III par Alexandre Cabanel et les œuvres léguées par Jérôme Napoléon, dit Plon-Plon, notamment les grands tableaux d’Horace Vernet et d’Isidore Pils, qui décoraient son appartement au Palais Royal.

La galerie des sculptures est représentée par des artistes aussi prestigieux que Bartolini Lorenzo, Canova Antonio, Jean-Baptiste Carpeaux ou bien encore Trentanove Raimondo.

La collection de peintures corses en rez-de-marine

En 1866, le Ministère de la Maison de l’Empereur se porte acquéreur de l’œuvre de Jean-Luc Multedo « la forêt de Valdoniello » et la dépose au Palais Fesch, c'est l'acte constitutif du fonds de la collection de peintures corses, qui, au fil des ans, s’est enrichi par le dépôt d'œuvres d’artistes insulaires ou représentant la Corse, acquises par l’État, et par la générosité de donateurs privés.

Ce fonds représente aujourd'hui près de 1000 œuvres, peintures, dessins ou gravures. Il s’agit une sélection d’œuvres des chefs de file de l’école de peinture corse depuis le milieu du XIXe siècle, jusqu’à la fin du XXe siècle.

Cet accroissement exponentiel, conjugué aux travaux de rénovation du Palais Fesch, a abouti à la création du département des peintures corses.

Nous nous devions d’évoquer dans cet article la Société des Amis du Palais Fesch – musée des Beaux-Arts, dont la Présidente est Nathalie d’Ornano-Carsalade, et qui regroupe nombre d'adhérents, désireux de soutenir le musée dans l’ensemble de ses missions d’acquisition, de restauration et de conservation des œuvres, d’expositions, de recherche et d’enseignement, afin de favoriser son développement, et son rayonnement en s’ouvrant au monde. Elle organise des visites privées, des conférences, et des voyages thématiques.

Le Palais Fesch propose plusieurs expositions temporaires par an, partagées entre art ancien et art contemporain. Philippe Castamagna évoque ses choix de collaboration sur des écoles d’art, pas ou peu représentées en France, avec à chaque fois le choix d’une ville, d’un siècle dans la ville, et des institutions de cette ville, et un réseau qui lui a permis des prêts exceptionnels de grande qualité, en provenance du Louvre, de Versailles, du Musée d’Orsay. Pour lui, tous ces chefs-d’œuvre exposés au fil des années représenteraient le « Musée idéal » et ont apporté à la Corse une vraie valeur ajoutée. Il quitte ses fonctions sur deux nouvelles expositions originales : Bologne au siècle des Lumières. Art et science, entre réalité et théâtre et Les Larmes du Ciel de Nicolas Joyeux, qui seront visibles jusqu’au 30 septembre 2024.

L’exposition Bologne au siècle des Lumières. Art et science, entre réalité et théâtre mêle peinture, sculpture, objets de curiosité, elle est faite en collaboration avec la Pinacoteca Nazionale, les Musei Civici et la fondation de la Cassa di Risparmio de Bologne (CARISBO), et s’inscrit dans le prolongement des précédentes expositions du musée d’Ajaccio portant sur l’art italien des XVIIe et XVIIIe siècles. L’exposition permet au public de découvrir la période moins familière du XVIIIe siècle bolonais. Ce centre artistique, qui s'est ouvert avec la fondation de l’Istituto delle Scienze et de l’Accademia Clementina, a eu comme objectif de rendre son prestige à la cité de Bologne, siège de la plus ancienne université, et de retrouver les fastes du siècle d’or de la peinture qu'elle avait connu. C'est le temps de l'opposition entre le classicisme élégant, raffiné, lumineux, et le naturalisme agressif, prosaïque, presque populaire. Dans le même temps, apparaît un purisme qui évolue vers un barocchetto atténué, habile et léger, apprécié des milieux aristocratiques et de l’autorité religieuse. Si les solennels tableaux d’autels répondent toujours aux exigences du décorum et de la commande officielle, les grandes peintures destinées aux palais visent, elles, à célébrer, avec des allégories et l’évocation des gloires antiques, les familles sénatoriales. En ce temps-là, Bologne pullulait de petites comme de grandes collections, des palais de l’aristocratie, jusqu'aux habitations de la bourgeoisie ou des artisans. Les murs extérieurs se couvrirent également de peintures. Trompes-l’œil, dilatations spatiales et illusions, ont rendu les scénographes bolonais célèbres dans les théâtres européens. Les sculpteurs et modeleurs emboîtèrent la tendance avec des élégants mouvements, tout en courbes, mêlant grâce et séduction. La formation traditionnelle est remplacée au sein des ateliers par des enseignements codifiés, et par l’institution officielle de prix dans les différentes branches artistiques.

En ce qui concerne la seconde exposition Les Larmes du Ciel, Nicolas Joyeux, photographe et historien de l’art, propose de raconter la quête intérieure, le voyage, réalisés par l’âme blessée, depuis les souffrances que chacun endure jusqu’à la guérison à travers 15 polyptyques réunissant 57 photographies. Les larmes lavent le chagrin mais n’éteignent pas la flamme de l’âme forte et digne ; celle qui ne renonce pas et qui ne reproduit pas l’outrage sur l’Autre, préférant mettre fin au ruissellement des peines. Un des malheurs de l’humanité est le choix de la reproduction de ces peines : la blessure rendue à la blessure, la terrible loi du talion que le Droit tente d’enrayer mais qui, bien souvent, est inscrite au burin sur les Tables du cœur. Des deux oiseaux, – l’un blanc, l’autre noir –, qui traversent les 15 polyptyques, aux mystérieuses apparitions du papillon sur une mâchoire à Naples ou du reflet d’une flamme en Arménie, l’âme est partout suggérée, passant par les silences, par la colère, par l’absence ou par le désespoir, avant de renaître en pleine lumière.

Ces apparitions permettent d’entrapercevoir soudainement la présence des anges qui passent dans nos vies et qui se manifestent l’espace d’un instant consolateur que la photographie rend immortel.

Alexandre Santerian
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