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Que serait une Corse indépendante ?

L' idée d'une Corse indépendante hante les esprits insulaires depuis des siècles

L’idée d’une Corse indépendante hante les esprits insulaires depuis des siècles puisque déjà



Gian-Paolo di Leca né en 1445 à e Cristinacce et mort en 1515 à Rome, avait évoqué cette possibilité afin de se défaire des chaînes génoises. Le roi Théodore proclama l’indépendance en 1736, geste réitéré par Pasquale Paoli en 1755. Il n’en demeure pas moins que ce dernier avait compris la nécessité de se placer sous la protection d’une grande puissance et l’avait cherchée en Espagne, en France, en Angleterre. L’époque moderne n’a guère vu l’opinion indépendantiste évoluer puisque grosso modo elle ne réunit qu’à peine plus de 5 % du corps électoral inscrit. C’est néanmoins un courant d’opinion tout à fait honorable qui mérite qu’on étudie les possibilités d’une Corse indépendante.


Une étude britannique portant sur l’hypothèse indépendantiste


L’IESEG School of Management est grande école de commerce privée française de l’Université catholique de Lille.qui a obtenu la meilleure place des écoles de commerce post bac. Elle a tenté d’évaluer les conséquences économiques pour l’île si elle devait devenir indépendante. L’étude a été dirigée par le directeur des études économiques Eric Dor à partir de données objectives. Il est parti du PIB à prix courants par habitant de la Corse, disponible pour 2020, est égal à 25 500 euros très inférieur à la moyenne nationale de 34 000 euros, mais également en baisse. Il a depuis remonté en 2023 pour atteindre 29 136 euros et reste inférieur de 8 % à la moyenne des régions de métropole hors Île‑de‑France.

Un poids accablant du service public


Du côté des activités productives, la Corse se caractérise par une prédominance du commerce et de la restauration qui pèse 21 % de la valeur ajoutée contre 16 % dans la Métropole et 26 % de l’emploi sur l’île. La part de la construction est également supérieure à la moyenne nationale. Mais le facteur le plus marquant est la prépondérance des services publics et administrés, comme la santé et l’enseignement, très supérieure à la moyenne nationale. L’étude le chiffre à 33 % de la valeur ajoutée contre 23 % pour la Métropole et 33 % de l’emploi sur l’île. L’industrie manufacturière est très peu présente (3 % contre 10 %). La petite agriculture artisanale de la Corse apporte une part infime de valeur ajoutée. Enfin, les services liés à l’information et à la communication, dont l’informatique et toutes les nouvelles technologies liées, « sont beaucoup moins présents que sur le continent ».

L’indépendance amènerait un affaissement du PIB


A l’heure actuelle, telle quelle, une Corse indépendante se classerait 12e en termes de PIB par habitant en euros au sein de l’Union européenne. Eric Dior estime que pour neutraliser l’effet des différences de prix entre pays de l’Union, « la Corse se classerait 19e en termes de PIB par habitant en pouvoir d’achat » à 23 400 euros, juste devant le Portugal » qui se reprend aussitôt : « Mais ce classement dépend de l’hypothèse irréaliste qu’ayant accédé à l’indépendance, la Corse puisse garder au départ le même niveau de PIB par habitant que celui qu’elle a dans le cadre de la France. En réalité ce PIB diminuerait au départ… il est en effet irréaliste de supposer que la Corse bénéficierait encore des mêmes flux de revenus en provenance de l’étranger, que ce soit de la France métropolitaine ou des fonds européens. On ignore également quel serait le statut de la Corse en termes de commerce international. La doctrine officielle de l’Union européenne est en effet que si un territoire d’un pays membre accède à l’indépendance, il se retrouve automatiquement en dehors de l’Union européenne, et forcément de la zone euro ».

Vers un effondrement des prestations sociales et des salaires


Selon l’étude, le poids des services publics et administrés constitue clairement un risque. « La Corse pourrait difficilement maintenir cette part des services publics et hors marchand si elle était indépendante et avait à les financer par elle-même. Ce type de services doit être financé par le reste des activités. Une part aussi forte de ces services dans la valeur ajoutée globale ne peut être financée que par des apports de solidarité nationale en provenance du reste de la France. Une Corse indépendante, qui devrait les financer entièrement par elle-même, aurait beaucoup de difficultés à maintenir ce volume des services publics et administrés. Elle serait contrainte de réduire le volume des services publics, de santé et d’enseignement offerts, ce qui n’est certainement pas ce que la population locale souhaite ». La conclusion de Frédéric Dior est sans ambiguïté : « Il serait difficile pour une Corse indépendante de maintenir les niveaux de pensions de retraite et d’allocations sociales dont elle bénéficie maintenant dans le cadre de la France, si elle avait à les financer elle-même. Il en irait de même pour le salaire minimum, difficile à maintenir. Tous ces revenus auraient certainement à être ajustés à la baisse au départ, pour être proches de ce qui est observé pour des pays de PIB par habitant similaires ».

Des salaires en baisse et une économie en berne


En matière de salaire, l’étude a pris pour pays de comparaison ceux qui ont un PIB par habitant similaire à celui de la Corse : Malte et le Portugal. Malte a un salaire minimum de 792,26 euros bruts et celui du Portugal est de 822,5 euros. En France et donc en Corse il se monte à 1603,12 euros bruts. Or une grande partie des salaires de Corse dépendent du montant du SMIC. Comment feraient les patrons corses pour financer un SMIC à hauteur de ce qu’il était avant l’indépendance ? À ce jour, les indépendantistes n’ont fourni aucune donnée économique capable de répondre à cette question. Selon l’étude, la Corse présente un déficit annuel de sa balance commerciale de biens et services de l’ordre de 1,5 à 2 milliards d’euros avec les autres pays du monde et le reste de la France. Sa dette dépasse le milliard et ne cesse d’augmenter. Par ailleurs, le dossier de surendettement ne cesse de s’alourdir augmentant de 12,43 % durant la seule année 2023. « Si la Corse accédait à l’indépendance, il serait extrêmement difficile de pouvoir financer un tel déficit extérieur. Pour réduire ce déficit extérieur la Corse serait obligée, au départ, de réduire la demande agrégée et donc son produit intérieur brut » estime l’étude. Il faut préciser qu’une Corse indépendante quitterait de facto l’Union européenne et que le déficit commercial augmenterait mécaniquement puisque commercer sous les règles de l’OMC serait moins avantageux pour la Corse que commercer sous le régime de l’Union européenne. La seule solution serait alors d’appeler de très gros investissements directs étrangers en Corse ce qui évidemment serait éminemment contradictoire avec l’idée d’indépendance et provoquerait inévitablement des troubles.

Une dette et des prix qui flamberaient


En s’en tenant aux chiffres de 2020 qui sont meilleurs que ce qu’ils ne sont aujourd’hui, une Corse indépendante entamerait le voyage avec une dette publique comprise entre 115 % et 155 % du PIB. Le chiffre serait en réalité bien supérieur puisque ce PIB diminuerait au départ. Il serait donc impossible pour la Corse d’assurer le service d’une telle dette publique sauf si la France, pour on ne sait trop quelles raisons, acceptait d’en assurer la responsabilité ce qui là encore apparaîtrait comme très contradictoire avec l’idée d’indépendance d’autant que la la Corse se retrouverait en dehors de l’Union européenne, et donc aussi de l’euro. Les indépendantistes évoquent parfois l’idée de battre monnaie comme le fit Paoli ce qui constitua à l’époque une démonstration politique, mais un échec financier. « Cette nouvelle monnaie se déprécierait très fort par rapport à l’euro, au dollar et aux autres monnaies « fortes », ce qui provoquerait une forte hausse des prix en Corse, où la plupart des biens de consommation sont importés, avec un effondrement du pouvoir d’achat » est-il écrit dans l’étude. Et il est exact que c’est ce qu’il est advenu à tous les pays de la zone dollar qui ont voulu battre monnaie. Quant à l’Afrique occidentale, elle a conservé le franc CFA. Autre solution, celle du Monténégro qui utilise l’euro sans participer à son émission. Seule condition drastique : une rentrée massive d’euros en Corse qui permette de maintenir le cours local.

Des indépendantistes sans programme réel


Le drame des indépendantistes a le plus souvent été d’être prisonniers d’une idéologie qui pense qu’un statut. ou un terme peut tout régler alors même que tous les pays de la planète dépendent les uns des autres. En Corse, jamais depuis le puéril livre vert du FLNC, rien n’a été proposé comme solution viable à une indépendance de la Corse. Or la question n’est pas morale. En effet, il n’y a rien d’obscène à imaginer une Corse indépendante. Elle est tout simplement pragmatique. Écartons l’attachement que beaucoup de Corses ont pour la France et qui est majoritaire et regardons froidement les faits. La Corse indépendante ne posséderait tout simplement pas les moyens d’octroyer à ses habitants le niveau de confort qui est celui qu’ils connaissent aujourd’hui. C’est vrai en termes de transports, d’énergie, de niveau de vie, de santé. La France elle-même ne parvient pas à faire face à la problématique moderne. Et on voudrait que par un coup de baguette magique la Corsre y parvienne ? Commençons déjà par réaliser sur place tout ce que nous pouvons faire sans incessamment réclamer toujours plus à l’État. Ça représentera déjà un grand pas vers la seule indépendance qui vaille : celle qu’on se créé dans notre esprit, la façon dont nous-mêmes nous représentons dans ce monde interconnectés. Être indépendant en tant qu’individu est le début de la véritable liberté.

GXC
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