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Aprés le multilatéralisme , la reglobalisation ?

Un retour aux frontières ?
Après le multilatéralisme, la reglobalisation ?


Le commerce mondial n’est plus un facteur de paix. Car comme la mafia, le capitalisme a besoin de rapports codifiés pour faire des affaires. Les industriels et les financiers avaient créé la Chambre de commerce internationale en 1919 pour favoriser l’investissement et la finance plutôt que la guerre un multilatéralisme pacifique plutôt qu’un nouveau conflit. C’est cette attitude qui s’est trouvée confrontée à un ennemi qui n’avait pas été imaginé : les idéologies nationales socialistes et communistes qui se nourrissaient du sentiment d’injustice sociale créé par ce monde où les riches s’enrichissaient et les pauvres s’appauvrissaient.



L’émergence des pays du Tiers-monde

Cette équation des pères fondateurs était basée sur un commerce dominé par les grandes puissances. Il portait en lui une formidable contradiction. L’extension du commerce contribuait à favoriser l’émergence de bourgeoisie industrielle dans les pays dits du Tiers-monde et ce sont ces pays qui aujourd’hui bousculent le soi-disant multila-téralisme. Désormais, nous avons une montée du Global South, le sud global, impulsé par des pays comme la Russie, la Chine et l’Inde contre le Global North tiré par les États-Unis et dans une moindre mesure l’Europe. De nombreux pays de l’hémisphère sud n’acceptent plus de vivre dans la mendicité alors qu’ils possèdent les matières premières stratégiques dont le monde a besoin pour décarboner les économies. Plus globalement, ils refusent d’avoir à payer le prix fort de la transition alors que leur responsabilité énergétique et économique dans la situation actuelle est minime. Spectateurs de cette rivalité, la Chine et la Russie en tirent profit.

Un retour aux frontières ?

C’est tout le paradoxe de la mondialisation de l’économie que d’aboutir aujourd’hui à une fragmentation de cette économie. Les barrières tarifaires prennent d’année en année plus d’ampleur et l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est impuissant à faire respecter les règles depuis que les États-Unis ont refusé de nommer des juges. Dans ce contexte conflictuel, le commerce devient une arme, ce que les Américains appellent la « weaponisation ». La Chine, qui est le premier producteur mondial de terres rares qui servent notamment dans la production des batteries et aimants nécessaires aux véhicules électriques, a réduit ses exportations afin de tendre le marché. Elle avait déjà utilisé cette menace il y a une dizaine d’années. Les sanctions économiques qui ralentissent le libre-échange se multiplient remettant en cause le concept même de libre-échange.

Trois blocs

Aujourd’hui, trois blocs se livrent à une commerciale pour défendre leur souveraineté commerciale et imposer dans l’avenir leur puissance : la Chine avec l’initiative des Routes de la soie, les États-Unis au sens large (du Canada au Chili) avec l’Inflation Reduction Act (qui a en partie ruiné les économies locales), et l’Europe. On notera d’ailleurs que c’est l’Europe qui tente encore de stimuler les échanges dans le respect des règles traditionnelles du droit du commerce. Le programme d’investissements durables du « green deal » en est un exemple. Mais l’Europe ne peut pas grand-chose face aux avantages octroyés sous forme de crédit d’impôt par les États-Unis aux entreprises, sous réserve qu’elles soient implantées sur le sol américain et utilisent des matières premières locales. Le capitalisme est une affaire de voyous qui s’habillent en grands bourgeois. Mais tous les coups sont permis. Et l’Europe ne peut rien contre une mutation qui n’est pas une dérive, mais la confrontation de plusieurs impérialismes.

Reglobaliser ?

La tendance des économistes traditionnels, qui il faut bien l’avouer sont de piètres visionnaires, est de proposer une « reglobalisation». Le terme en lui-même ne veut pas dire grand-chose, mais il a le mérite de combler un vide. Le bonheur des peuples n’est jamais évoqué. Pire, ils condamnent les relocalisations qui, selon eux, se traduisent par une perte de productivité et une entrave à la circulation de l’innovation technologique qui permettra, peut-être, d’y parvenir si elles ne sont pas freinées par les frontières du protectionnisme. Or aujourd’hui les matières premières nécessaires à la mobilité écologique sont concentrées en Chine, en Australie, au Canada, dans certains pays d’Afrique (la République démocratique du Congo en particulier) et d’Amérique latine (Brésil, Chili). L’Europe ne peut compter que sur la Suède et la Finlande. C’est dire si le vieux continent doit à tout prix sécuriser son approvisionnement en matières premières. Or rien n’est moins sûr. Mais le paramètre jamais évoqué par nos économistes est la crise climatique qui risque fort de redistribuer les cartes, mais au détriment du vieux continent qui n’aura d’autres solutions que de faire face à des troubles sociaux et politiques de plus en plus aigus.

GXC
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