Festival d 'Art Actuel de Bastia
Une ronde de créateurs....... et Dominique Degli Esposti
Festival d’Art Actuel de Bastia
Une ronde de créateurs… et Dominique Degli Esposti
Une atmosphère festive et bon enfant pour le coup d’envoi du Festival d’Art Actuel de Bastia. Beaucoup de monde. Foultitudes de conversations. Rencontres amicales avec les artistes exposés. Echanges vifs et cool et surtout… un hommage à Dominique Degli Esposti qui vient de nous quitter pour rejoindre le beau, le fort, le délicat et les splendeurs chatoyantes d’un soleil qui ne connait jamais l’hiver.
Dominique Degli Esposti un plasticien, un créateur accompli. Un homme qui tout d’un coup nous restituait Fellini et le Caravage. Fellini par le monde surgi de son film, « Brusgiature », ces brûlures qui ont incendié sa vie. Brûlures aux couleurs de son pays, la Corse, brûlures en bleu, en blanc, en gris, en vert parfois. Brûlures éployées en lourdes étoffes ou en vaporeux tissus affichant le rouge. Rouges tendus en une suprême élégance au-dessus d’un rivage comme une immense capeline, abritant et le flot de ses joies, et la marée de ses peines.
« Brusgiature », son film intronise de manière fracassante le cinéma dans le panorama culturel insulaire. Une merveille qui se moquait des modes pour diffracter le vrai qui n’est jamais durablement tangible.
Dans sa peinture Dominique Degli Esposti est un maître du bleu, pas celui de Klein, de son bleu à lui qu’il façonne et ressuscite. Du bleu troublant émergeant des profondeurs d’une mer qui a enfanté le vivant. J’ai sous les yeux un de ses tableaux qui orne la couverture d’un de mes livres, un bleu si intense où s’esquissent des silhouettes presqu’impalpables qui se glissent dans le réel. Ce bleu c’est la beauté donnée à l’humain. Au premier plan de la toile, dessinées en un ocre orangé deux taureaux s’affrontent… L’image du taureau poursuit tous les mythes de la Méditerranée… L’imaginaire du plasticien est porteur de tout ce qui nous constitue.
Impossible à ce stade de ne pas évoquer son exposition sur le Caravage à Oletta avec ses jeux d’ombres et de lumière, avec ce qui se cache et ce qui est révélé. Une magnifique exposition sur les traces d’un magnifique et intriguant peintre. Un peintre de l’absolu. Merci à France-Anne Van Petegem d’avoir associé Dominique Degli Esposti à ce Festival d’Art Actuel, car pour être actuel l’artiste disparu l’était mille et mille fois !
Parmi les réalisations exposées dans ce festival celles de Fabrice Gilod sont tout à fait particulières. Dans un cadre de bois il place un petit personnage généralement de dos. De ce personnage il dit que c’est quelque chose comme son avatar. Un brin ironique, un brin interrogateur ce personnage exprime son avis sur le monde qui va… Il y a chez lui une naïveté jointe à une incroyable pertinence parce qu’il faut aller au-delà des apparences. Vers quoi ? On ne sait pas !
Remarquées parce que remarquables des œuvres de Célia Graziani dont une nous livre une femme en un étonnant mouvement immobile. Jean François Bernardini nous propose une ronde de mots tandis qu’Isabela Ciesla nous offre une femme dans un sérénité absolue.
Michèle Acquaviva-Pache
ENTRETIEN AVEC FRANCE-ANNE VAN PETEGEM
Quelle est votre définition du Festival d’Art Actuel de Bastia ?
Ce festival a pour objet de montrer ce qui se fait de mieux dans les arts plastiques insulaires en peinture, photographie, sculpture, céramique. Les œuvres exposées sont éclectiques tout en correspondant au goût de la Galerie Noir et Blanc. Ces œuvres peuvent être abstraites ou figuratives. L’important c’est qu’elles soient de qualité. Deux de nos artistes s’illustrent à la fois en peinture et en sculpture : Toni Casalonga et Monyke Mine-Lamarre.
Comment choisissez-vous les artistes exposés ?
Nous avons un comité de sélection exigeant. Notre galerie regroupe en permanence 110 artistes. Les œuvres sélectionnées doivent nous parler. Il faut qu’elles nous émeuvent et que l’on puisse être en communion avec elles. Ces œuvres sont exposées tous les deux ans. Notre salle du bas est dédiée aux expositions collectives auxquelles s’ajoute un espace consacré à une exposition individuelle. Au rez-de-chaussée nous faisons une large place à une autre exposition individuelle. Au cours de l’année nous organisons également le « Festival Réalités nouvelles ».
La 6 è édition du Festival d’Art Actuel innove avec des kakémonos déployés entre les arbres de la place du Marché. D’où vient cette nouveauté ?
C’est une technique japonaise qui consiste en une peinture sur une toile tendue entre deux baguettes. Le support peut être en coton, en papier, en bâche. Les artistes, qui se sont pliés au jeu, sont des peintres et des photographes. Ils arrivent de toute la Corse. Ils ont fait un travail inédit que je considère magnifique ! Les dimensions des kakémonos sont en général de 60 cm x 160, mais elles sont variables.
Un groupe de plasticiens qui se nomme « La laisse de mer » participe au festival. Quel est-il ?
Dans la nature « la laisse de mer » désigne l’accumulation des débris sur une plage, débris qui peuvent être organiques ou résultant de l’activité humaine. En l’occurrence, le groupe « La Laisse de mer » a été initié par Anne L. Raffalli. Il réunit seize artistes sensibles au dérèglement climatique et à son impact sur les mers et les océans. S’inspirant de ses débris les artistes ont conçu des œuvres d’art.
L’édition 2024 du festival rend hommage à Dominique DegliEsposti qui vient de disparaitre. En quoi l’œuvre et la personnalité de cet artiste vous touchent-elles ?
Nous ne proposons qu’une œuvre de Degli Esposti. Elle est à la fois évocatrice et abstraite. Elle est noyée dans le bleu qu’il aimait tant. C’était un grand plasticien : peinte, cinéaste, photographe. Ses installations étaient aussi reconnues, ainsi celles exposées par la FRAC. J’appréciais en lui sa discrétion, sa modestie, son humour, son immense talent. Il avait une extraordinaire polyvalence. Son film, « Brusgiature » a marqué le cinéma insulaire et également au-delà des contours de l’île. Ses plans de la nature cap-corsine étaient follement imaginatifs. Dominique Degli Esposti était un visionnaire.
Le déploiement du festival dans la galerie, dans la ruelle de la Conception, sur le marché vous a-t-il obligé à une lourde logistique ?
Il y a eu une installation éphémère dans la ruelle de la Conception… Des kakémonos ont été suspendus aux arbres de la place du Marché. Toute l’exposition nous a demandé beaucoup de travail pour la réaliser. Mais c’est merveilleux d’être au contact d’artistes de talent… La tâcheest fatigante mais elle se révèle magnifique !
Lors du vernissage la musique était présente. C’est un art qui concorde parfaitement avec les arts plastiques ?
La musique vient en osmose avec les œuvres plastiques. Durant toute l’année nous avons un partenariat avec le Conservatoire de Corse qui donne dans la galerie des concerts de musique classique. Nous avons aussi des soirées jazz en collaboration avec Le Bar Bernard, notre voisin. Pour le Festival d’Art Actuel Volkmar Ernst (saxophone) et Enguerrand Tamagna(guitare) nous ont fait l’honneur de leur répertoire jazz rock.
Pourquoi deux expositions individuelles dans ce festival, l’une d’IsabelaCiesla, l’autre de Fabrice Gilod ?
Ils ont été sélectionnés par notre comité. La première retient l’attention pour ses personnages et ses intérieurs qui ont une tonalité presque surréaliste. Le second, peintre et sculpteur, est particulièrement inventif.
Qu’est-ce que l’art pour vous ?
Pour moi l’art est comme un sixième sens. Il va avec l’échange, avec le partage. L’art est émotion.
L’horizon de la Galerie Noir et Blanc est-il plus serein ?
Il n’y a pas d’évolution. On est toujours dans e flou. Rien n’est réglé… On est encore là, ça c’est un miracle !
Les points forts de la saison 2024 – 2025 ?
L’agenda de la galerie est complet pour les deux années à venir. Nous nous apprêtons, entre autres, à exposer des artistes japonais, des petits formats de grandes signatures et un artiste corse de la diaspora.
Propos et photos recueillis par M.A-P
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