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L'Italie : vers un futur antérieur

Une involution avec la récente loi sur l'autonomie

Italie : vers un futur antérieur


L’unité italienne a été officiellement consacrée par la désignation de Rome capitale du nouvel état en 1871. Bon nombre de nos compatriotes avaient participé au Risorgimento et à la glorieuse chevauchée de Garibaldi à travers la péninsule. Le moment fort et dramatique de la construction de cet état autour d’une langue unique fut la période mussolinienne et celle des grands travaux. Aujourd’hui, il semblerait que le processus s’inverse et que l’Italie sous la pression des héritiers plus ou moins naturel du Duce, subisse une involution avec la récente loi sur l’autonomie.


Des attitudes paradoxales


C’est au terme d’un marathon législatif que le 26 juin, le Parlement italien a adopté la loi dite « Calderoli » sur l’autonomie différenciée. Elle permet aux quinze régions italiennes (sur vingt) qui ne bénéficient pas d’un statut spécial de demander le transfert de compétences de l’État vers les régions. Cet acte est censé être le dernier chapitre d’un processus engagé il y a vingt-trois ans en Italie. Giorgia Meloni qui, dans le passé s’y était opposée s’est discrètement félicitée d’un texte qui selon elle serait l’exact contraire des logiques du passé qui auraient été essentiellement des politiques d’assistanat pur, en particulier dans le Sud. Son alliée de la Lega, Matteo Salvini ne retient pas sa joie puisque l’’autonomie des régions au profit des riches provinces du nord italien était le cheval de bataille de son parti, la Ligue, depuis près de quarante ans, à l’époque où elle était encore la Ligue du Nord. C’est donc une victoire de l’extrême droite décentralisatrice au détriment de l’extrême droite nationaliste italienne menée par Fratelli d’Italia. Mais le plus surprenant est que le centre et la gauche qui étaient partisans de la décentralisation et de l’autonomie, se retrouvent aujourd’hui vent debout contre elle. Le Parti démocrate italien et en général les forces politiques de centre gauche qualifient la loi de « spacca-Italia », celle qui coupe l’Italie en deux, et condamne le sud du pays à la misère. Pourtant c’était un terme porteur pour la coalition de l’Olivier, centre gauche, l’Ulivo, aujourd’hui dissoute qui avait porté le projet sur les fonts baptismaux. Or l’Olivier réunissait à l’époque le Parti démocrate de la gauche (PDS), successeur du Parti communiste italien (PCI), et le Parti populaire italien (PPI), héritier de la Démocratie chrétienne (DC), la coalition les socialistes italiens (SI), le Pacte de renaissance nationale, la Fédération des Verts (FDV) et le Parti républicain italien (PRI), la Südtiroler Volkspartei (SVP) et l’Union valdôtaine en Trentin–Haut-Adige et Val d’Aoste, respectivement.

Régions riches, régions pauvres



Se retrouvent donc dos à dos un fédéralisme compétitif, celui des régions riches et de l’autre, un fédéralisme coopératif. Le modèle italien pourrait ressembler à celui instauré en Espagne après la chute du franquisme. Il y manque tout de même un élément essentiel : un organe central qui fasse valoir les exigences d’unité du pays et de coordination et qui puisse rééquilibrer les nombreux pouvoirs transférés aux régions. Ce fameux état qui avait été élaboré avec tant de difficultés pendant un siècle et demi est aujourd’hui menacé par les appétits égoïstes des provinces les plus riches et il faut bien le dire les plus germaniques de la péninsule. La volonté indépendantiste des Basques et des Catalans posait déjà la question fondamentale de la solidarité nationale. En Italie, la voilà qui au risque de désacraliser l’œuvre de Giuseppe Garibaldi, qui ressurgit au détour d’une des crises économiques et sociales les plus graves que vit l’Italie. Le centre et la gauche ont recueilli suffisamment de signatures pour que les termes de la loi soient proposés aux citoyens qui décideront en âme et conscience. Le parti des Cinque stelle autrefois allié à la Lega a même créé un incident violent au Parlement lorsqu’un de ses députés a agité en pleine séance le drapeau tricolore.

Le donnant-donnant de Giorgia Meloni


Pourquoi alors Meloni s’est-elle félicitée du vote d’une loi qu’elle avait combattue ? Selon les spécialistes, elle a pratiqué un échange avec la Lega. Fratelli d’Italia se bat pour obtenir une réforme sur l’élection directe du Premier ministre ce qui donnerait infiniment plus de pouvoir à ce dernier et relativiserait ceux du Parlement et du Président qui serait alors réduit à un personnage de pure représentation. Là encore, l’Italie involue vers son passé quand le Roi n’était qu’un fantoche qui désignait le véritable maître de Palais. En proie à une dette colossale, à un gouffre économique entre le mezzogiorno qui s’enfonce dans la crise et des septentrionales qui subissent l’attraction de l’Europe du Nord, l’Italie hésite entre le passé disparate et le futur unifié avec au milieu un mal terrible : celui de la mafia et de son emprise de plus en plus forte sur l’économie.

GXC
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