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Corse, territoire à décoloniser

La motion qui dérange

Corse, territoire à décoloniser : la motion qui dérange


Dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, Josepha Giacometti porte seule la démarche du parti indépendantiste Nazione. Lors de la session des 26 et 27 septembre derniers, elle a fait inscrire à l’ordre du jour la motion « Demande d’inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser ». Le groupe Fà Populu Inseme a botté en touche en imposant le renvoi du débat et du vote, alors que les groupes Core in Fronte et Avanzemu ont fait profil bas. Cela est aisément explicable.



Dans les attendus de la motion, il est rappelé que dénoncer la nature coloniale de la souveraineté de la France sur la Corse, est un des fondamentaux de la lutte nationaliste : « Depuis les années 1960, toutes les tendances de cette lutte nationale ont clairement affirmé que la situation faite à la Corse était de nature coloniale, tant le courant indépendantiste que le courant autonomiste. » Ensuite, il est souligné que le fait colonial a été mis en exergue dans un document et un événement qui ont fortement et durablement impacté le nationalisme. En 1977, il a déterminé le contenu du « Petit livre vert » (premier manifeste du FLNC intitulé « A libertà o a morte »). Le 17 août 1975, à Corti, lors des Journées de l’ARC, Edmond Simeoni a prononcé un discours à la fin duquel il a fait répondre « Oui », par des milliers de militants et sympathisants survoltés, aux deux questions suivantes : « La Corse est-elle une colonie ? La Corse doit-elle être décolonisée ? »


Fà Populu inseme a botté en touche


Les groupes Core in Fronte et Avanzemu représentent des partis revendiquant pour le peuple corse le droit à l’autodétermination qui est l’exigence cardinale des peuples considérant subir un fait colonial. Le groupe Fà Populu Inseme se réclame de la pensée et de l’action d’Edmond Simeoni. Considérant ces deux éléments, en bonne logique, la motion déposée par Josepha Giacometti aurait dû être adoptée sans barguigner. Il n’en a rien été. Fà Populu inseme a demandé le renvoi du débat et du vote. En d’autres mots, le groupe siméoniste a botté en touche. Core in Fronte et Avanzemu sont restés sur la réserve. Manifestement, la motion dérangeait et les trois groupes étaient ravis que le renvoi leur laisse un petit répit (elle devrait être inscrite à l'ordre du jour de la session des 24 et 25 octobre). Probablement pour les raisons suivantes.


Un prétexte en or


Il est évident que demander l’inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser aurait : représenté une incrimination de la France ; ravivé le soupçon que derrière la revendication de l’autonomie, celle de l’indépendance avance masquée (ce qui d’ailleurs, à la lecture de ce qu’impliquerait le vote de la motion déposée par Josepha Giacometti, saute aux yeux ; voir encadré) ; fourni un prétexte en or au Président de la République et au Premier ministre de ne pas saisir les députés et les sénateurs pour qu’ils avalisent d’abord à l’Assemblée Nationale et au Sénat, et ensuite réunis en Congrès à Versailles, le texte du 28 mars 2024 voté par l’Assemblée de Corse, prévoyant que la Corse soit inscrite dans la Constitution et se voit reconnaître une forme d’autonomie. Fondamentaux et pragmatisme font rarement bon ménage.


Pierre Corsi



Ce qu’impliquerait le vote de la motion

L’Assemblée de Corse / mandate la Présidente de l’Assemblée de Corse, le Président du Conseil exécutif pour entamer toutes les démarches nécessaires auprès du secrétaire général des Nations Unies afin de demander d’inscrire la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser / appelle les Etats membres de l’Assemblée générale de l’ONU à soutenir cette demande / appelle le Président de la République française à bien vouloir respecter les obligations internationales de la France en ce qu’elles découlent de l’article 73-e de la Charte des Nations Unies et en conséquence, à communiquer à l’Assemblée Générale des Nations Unies les informations relatives à la situation de la Corse / appelle le Président de la République française à bien vouloir faciliter l’inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser / appelle le Président de la République française à donner, une nouvelle impulsion aux discussions avec les institutions corses en vue de permettre la conclusion d’accords dans la perspective d’une évolution statutaire / demande au Secrétaire Général des Nations Unies de bien vouloir inscrire cette demande d’inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, à l’ordre du jour d’une prochaine Assemblée Générale.

Crédit photo :Pexels CCO
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