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Corse : l'île intranquille

Une image un peu plue écornéé......

Corse : l’île intranquille



Les quatre aéroports et les six ports corses se sont mis en grève le jeudi 3 octobre, à l’appel du STC suivant en cela les agents consulaires qui disent vouloir préserver la main publique sur ces infrastructures. Le mouvement a duré le temps d’un soupir puisque le lendemain le travail a repris laissant les Corses stupéfiés. Tout ça pour ça et l’image de la Corse un peu plus écornée.


Les raisons de la colère


Alexandre Patrou, secrétaire général pour les affaires de Corse représentant le préfet, lors de l’assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), à Ajaccio, avait mis expliqué que la gestion des ports et des aéroports, prévue au 1er janvier 2025 telle qu’elle avait été concoctée par les CCI et la région risquait de poser un problème avec Bruxelles si la CCI ne pratique pas des appels d'offre. Le matin même, il avait été annoncé la création de deux syndicats mixtes ouverts (SMO) portuaire et aéroportuaire, qui permettrait à la CCI de perpétuer la gestion des ports et aéroports de Corse sans passer par un appel d’offres pour l’attribution des concessions. Les réserves émises par M. Patrou tiennent à ce que La Corse avait dérogé au mouvement national d’ouverture du marché des chambres de commerce, en 2020. Elles ne faisaient que réitérer les observations faites par la Chambre régionale des Comptes en 2018 quand il avait été accordé quatre ans de répit à cause afin de conduire un audit justement destiné à définir un nouveau schéma pour les chambres consulaires.

Un évènement prévisible


Ce délai avait annoncé par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire qui était venu sur place pour échanger sur ce transfert de compétences. Il n’y avait donc aucune surprise d’autant que la CCI avait travaillé durant quatre ans sur la façon de mettre en œuvre ce passage. Comme à son habitude l’exécutif de l’Assemblée était resté dans un silence attentif tandis que le président de la CCI faisait connaître son aval.
Comment alors analyser cette soudaine colère alors que les représentants de l’État avaient annoncé la couleur et que M. Dominici semblait à l’époque parfaitement raccord avec eux.
On peut comprendre l’inquiétude des personnels consulaires. Laisser aux mains du privé la gestion des ports et aéroports c’est abandonner une partie de notre gouvernance et à terme détruire le service public. C’est ajouter du désastre au désastre quand on sait l’état de Air Corsica et la fragilité de Corsica Linea dont la pérennité n’est assurée que par la dotation de continuité territoriale. Mais cela ne justifie en rien la violence des propos tenus par Gilles Simeoni un rien contradictoire avec l’espérance d’un nouveau dialogue avec l’État. « Moi, j’ai pas besoin de dessin, si on vient m’expliquer que l’on va donner les ports et aéroports à Vinci, à Eiffage ou à n’importe quel grand groupe international et qu’on ne me répond pas sur les 50 millions d’euros dus à la Corse [il fait allusion à la dotation de continuité territoriale demandée au mois d’août], ça veut dire très clairement que, du côté de l’État, il y a des gens qui ont décidé de faire la guerre à la Corse… C’est une déclaration de guerre et, pour moi, ce n’est pas négociable : il n’y aura pas de grands groupes internationaux qui géreront les ports et aéroports de Corse. » Ne peut-on y percevoir comme un zeste de chantage ?

L’évocation du grand banditisme


Les autorités évoquent de façon plus ou moins ouverte la mainmise du grand banditisme sur les CCI notamment en matière de sécurité. De tels soupçons sont étayés par des enquêtes judiciaires en cours. Mais comment ne pas évoquer la responsabilité directe du ministère de l’Intérieur qui via la préfecture accorde des autorisations à des sociétés de sécurité aujourd’hui soupçonnées d’accointances douteuses ? Deux présidents assassinés, deux autres démissionnaires, quelques-uns en prison… Ça fait quand même beaucoup pour la CCI du sud. Et quel bilan en matière de modernisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires ?

Un possible dessous des cartes


Vraisemblablement la violence de la riposte s’inscrit dans le contexte immédiat. Le processus en vue d’obtenir l’autonomie piétine et le mot est faible. On s’est aperçu qu’avec deux trois manifestations violentes on avait obtenu de Darmanin l’amorce d’un processus. En Nouvelle-Calédonie, les émeutes ont mené le pouvoir à reculer. Même si ça n’est pas là le fond du problème, il y a là un effet d’aubaine qu’a saisi le président Simeoni et qui a fonctionné puisqu’aussitôt le ministre a renoué les fils. Cela ne fait que repousser le problème parce qu’il est à peu près certain que le projet de l’exécutif va être retoqué par Bruxelles. Que fera-t-on alors sinon encore et toujours pénaliser une économie insulaire déjà en piteux état ? Reste enfin à connaître l’impact de ce mouvement social sur l’image déjà détériorée de notre île intranquille.

GXC
Photo : D.R
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