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Le processus corse : une inquiète interrogation

Un fil ténu qui prête à interprétation

Le processus corse : un fil ténu qui prête à interprétation



Michel Barnier, le Premier ministre, a évoqué la Corse dans son discours au chapitre traitant des collectivités locales afin de « bâtir un nouveau contrat de responsabilité… C’est dans cet esprit, en particulier que la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation reprendra le dialogue avec les élus socio-économiques, notamment de la Collectivité de Corse. ». Voilà ce qu’on pourrait appeler un service minimum.


Une inquiète interrogation


Pour François-Xavier Ceccoli, le député de la droite insulaire, « le chef du gouvernement a clairement annoncé que le processus n’était pas mort. » Chacun voit midi à sa porte et F. X. Ceccoli semble confondre la vie et l’agonie. Jean-Martin Mondoloni, vice-président de Soffiu novu, préfère évoquer la possibilité de « négocier un grand plan d’investissement ». Le sénateur nationaliste Paulu Santu Parigi analyse avec clairvoyance les conditions actuelles comme n’étant pas « des plus propices ». Quant à Gilles Simeoni, la direction des opérations désormais entre les mains de Catherine Vautrin lui semble être un mauvais présage. « Il n’y a aucune réponse à l’interpellation unanime de notre assemblée qui demande de revenir rapidement au processus de révision. C’est à ce niveau que doivent à présent se situer les échanges avec l’État. » Chacun s’efforce d’interpréter la vague allusion à la Corse comme il le peut. Même Laurent Marcangeli se contente d’imaginer que « la Corse est un point qui peut faire consensus dans une assemblée tumultueuse. » Maigre espérance qui repose sur le fait que Catherine Vautrin est mariée à un Corse et aime la Corse. Pauvres atouts dans une situation désormais dominée par la crise financière, les menaces de guerre mondiale, la nécessité d’éteindre l’embryon de guerre civile en Nouvelle-Calédonie. C’est dire si l’affaire corse désormais traitée par une ministre, fut-elle de grande qualité, a perdu de ses couleurs. Vaurin risque surtout devoir gérer la suppression de centaines de milliers de postes dans les collectités locales.

Un président de la République marginalisé


Le processus corse était arrivé jusqu’au président de la République qui devait apposer sa signature au bas d’un texte de loi à présenter devant les représentants du peuple. C’est donc un rétro pédalage en bonne et due forme qui a été opéré et qui lui-même ne tient qu’à un fil. D’abord parce que le gouvernement Barnier semble bien fragile. Laurent Marcangeli affirme que si la Corse a figuré dans le discours de politique générale, c’est grâce à lui. C’est dire le peu de poids de la question. Mais surtout il serait plus exact de dire que c’était une des conditions pour que le groupe LIOT ne choisisse pas d’éventuellement voter la censure. Enfin il paraît évident qu’aujourd’hui la principale préoccupation des Corses n’est pas la présence ou non du terme de Corse dans la Constitution. Au premier rang se trouve la vie chère, l’impossibilité pour des ménages de plus en plus nombreux de boucler les fins de mois. Il y a ensuite l’accès au logement et à la terre. Les Corses et les non-Corses à faible revenu sont rejetés aux périphéries de plus en plus lointaines des villes. Et encore même là il devient difficile de trouver un logement alors qu’une clientèle friquée fait main basse sur les logements les plus proches des centres et de la mer. Les jeunes Corses qui veulent profiter des terres familiales afin de créer leur emploi en sont empêchés par des lois stupides qui, de fait, favorisent les plus fortunés et l’inactivité.

Un profond sentiment d’injustice


Il est pour le moins étonnant que le mouvement nationaliste à l’exception de Cor'in fronte, n’ait pas compris où se situaient les préoccupations majeures de la population corse. Il y a indéniablement une préoccupation liée à la marginalisation de ce qu’il faut appeler un indigénat. Mais il est difficile aujourd’hui de ne pas remarquer qu’une bourgeoisie locale s’est approprié les leviers de commande de l’économie au détriment des couches les moins favorisées. S’il s’obstine à penser que l’autonomie seule pourra tout régler — ce qui reste à prouver tellement le bilan actuel est misérable — le mouvement nationaliste va s’étioler jusqu’à ne plus devenir qu’un souvenir. On ne combat pas un profond sentiment d’injustice provoquée par l’injustice sociale en promettant la lune. Il est pourtant clair désormais que le processus amorcé par Gérald Darmanin se trouve dans les limbes et il est difficilement imaginable que le gouvernement, s’il parvient à durer, aille s’atteler à un pareil projet qui lui aliénerait les centralistes qu’ils soient de gauche comme un certain nombre de communistes et de socialistes ou de la droite dure comme le ministre de l’Intérieur autant que le RN. On peut toujours rêver à la condition expresse que cela n’empêche pas d’avancer sur les sujets brûlants du moment à savoir l’énergie, les déchets, les transports et la vie chère.

GXC
illustration : D.R
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