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Essentiels travailleurs invisibles

Importance des travailleurs essentiels
Essentiels travailleurs invisibles


La crise sanitaire a mis en lumière l'importance des travailleurs essentiels, ces professionnels indispensables au fonctionnement de la société. Passée la crise sanitaire, rien ne devait plus être comme avant pour ces travailleurs. Et pourtant, ces travailleurs au rôle crucial et méconnu restent dans l’ombre, sans voir d’améliorations notables de leurs conditions.



Qui sont-ils ?

D’après une étude publiée au printemps dernier par la Fondation Travailler Autrement, l'Institut Diot-Siaci et Temps Commun, ils représentent 11 millions de travailleurs qui contribuent au bon fonctionnement de notre société, soit un tiers de la population active en France. La notion de travailleurs essentiels s'est imposée lors du premier confinement de 2020. Elle désigne les personnes exerçant des métiers vitaux pour assurer la santé, la sécurité et l'approvisionnement de la population
(éboueurs, infirmières, travailleurs dans l’agroalimentaire, femmes de ménage, caissiers…). Initialement, 35 métiers clés avaient été identifiés, principalement dans les secteurs de l'urgence, la santé, l'alimentation, les transports et la sécurité. Depuis, le concept s'est élargi pour inclure d'autres professions essentielles au quotidien. On distingue désormais trois catégories : les travailleurs clés, leurs « relais » (comme les comptables en milieu hospitalier), et les métiers des services publics du quotidien (éducation, enfance). En Corse, plusieurs professions sont considérées comme essentielles et en tension. Parmi elles, on trouve les employés de restaurant et les cuisiniers, les agents de propreté et d'hygiène, les agriculteurs et les viticulteurs, les réceptionnistes. Ces métiers sont cruciaux pour l'économie insulaire, fortement dépendante du tourisme et de l'agriculture. Les travailleurs indépendants, dont le nombre ne cesse de croître en Corse (28 500 en 2022, soit une augmentation de 6,2 % en un an), jouent également un rôle important.


Défis et perspectives

Malgré leur importance, les travailleurs invisibles font face à de nombreux défis. Les conditions de travail restent précaires. Le manque de protections sociales et la faible rémunération sont des problématiques récurrentes. Ces travailleurs essentiels cumulent les difficultés, comme des contraintes temporelles liées à la nature de leur contrat (horaires décalés, travail le week-end, pauses limitées), une pénibilité du travail affectant la santé et la vie personnelle, une précarité financière avec des salaires 32 % inférieurs à la moyenne, des difficultés liées à la parentalité, ces travailleurs étant le plus souvent seuls et isolés socialement, des problèmes de mobilité et coûts de transport élevés et un manque de reconnaissance malgré un sentiment d'utilité. Une autre problématique majeure réside dans l’accès à un logement abordable, particulièrement dans les zones touristiques où les prix sont élevés. La mobilité liée à la nature de leur contrat de travail pose aussi problème, car il leur faut une voiture pour se déplacer sur leur lieu de travail ou effectuer leurs missions, ce qui revient cher, car quasiment 100 % des « premiers de corvée » exercent un métier non télétravaillable, donc avec une mobilité contrainte. L’étude de la Fondation Travailler Autrement pointe l'inadaptation du modèle économique et social français face à ces nouvelles réalités.


Reconnaissance tardive

Une étude menée par la Cress Corse (chambre régionale d’économie sociale et solidaire) en 2022 révèle que 60 % des travailleurs essentiels envisagent de quitter leur poste en raison de la charge de travail et du manque de reconnaissance. Pour répondre à ces enjeux, des initiatives sont mises en place. Par exemple, France Travail Corse organise des événements pour promouvoir le recrutement et la formation dans ces secteurs essentiels. La reconnaissance de ces travailleurs est souvent tardive. L’association « Les Invisibles » milite pour une amélioration des conditions de travail. Son porte-parole, Jean-Pierre Lazzarini, souligne : « Il est temps de donner de la visibilité à ceux qui font tourner notre économie. » L’objectif de ce militantisme est d’éviter une fracture sociale irréversible. Faciliter la vie de ces travailleurs, notamment des familles monoparentales, apparaît comme un enjeu crucial.


Maria Mariana
Photo : Maria Mariani
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