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Le congrés de Junts per Catalunya

Junts veut occuper << la centralité >> de l 'espace politique catalan
Catalunya : Junts veut occuper « la centralité » de l’espace politique catalan


Le congrès de Junts per Catalunya, principal parti indépendantiste catalan se situant au centre droit, s’est tenu dernièrement. L’événement a donné lieu à un renouvellement des instances du parti et à une redéfinition de sa stratégie. Carles Puigdemont, élu président, a précisé le cap à suivre.


Laura Borràs - bien connue par les nationalistes de chez nous, notamment pour avoir participé l’an passé aux Ghjurnate Internaziunale - a quitté la présidence de Junts, une partie des instances dirigeantes du parti ont été renouvelées et Carles Puigdemont a été élu président. Répondant à la presse espagnole et à certains milieux nationalistes catalans qui insinuaient qu’elle était en conflit avec l’ancien président de la Generalitat encore en exil en Belgique, elle a mis les choses au point dès l’ouverture du congrès, notamment en désignant Carles Puigdemont comme étant la personne qui « définit et unit » et en précisant : « Je n’ai jamais voulu remplacer le président en quoi que ce soit ». Il est toutefois avéré que Laura Borràs et certains responsables ont été poussée en dehors des instances dirigeantes du fait de leurs désaccords avec l’influent secrétaire général Jordi Turull qui partage la volonté de Carles Puigdemont de ne rien lâcher concernant la revendication indépendantiste et de faire de Junts, un pôle de centralité portant cette revendication ; et aussi du fait que la position de l’ancienne présidente a été très affaiblie par une « affaire » (condamnation dont elle demande l’amnistie, pour prévarication et faux et usage de faux, pour avoir été reconnue coupable d’avoir fractionné des contrats publics d’un montant de 300 000 euros afin qu'ils échappent aux contrôles internes et les avoir attribué à un de ses collaborateurs). Sans doute pour montrer qu’il garde sa confiance à Laura Borràs, Carles Puigdemont lui a demandé de prendre la direction de la fondation FunDem mise en place à la suite de la fusion entre Junts et le petit parti Democratès ; fusion étant présentée comme « un accord historique » devant servir à répondre à l’objectif « d’élargir le spectre » de l’indépendantisme en attirant vers Junts différentes sensibilités de la mouvance indépendantiste.


Bilan critique et demande de révision stratégique


Le congrès a été l’occasion d’un bilan critique et d’une demande de révision stratégique visant à remettre sur de bon rails et relancer aussi bien Junts que la revendication indépendantiste qui, ces deux dernières années, ont essuyé plusieurs échecs. L’amnistie des personnes impliquées dans l’organisation du referendum d’autodétermination et la déclaration unilatérale d’indépendance, n’est pas totalement appliquée du fait des blocages imposés par certains hauts magistrats. Les participations aux manifestations et autres mobilisations sont loin d’être satisfaisantes. Junts, après les élections locales, est absent de l’administration des grandes collectivités catalanes. Le parti ne contrôle que le Conseil provincial de Gérone et quelques municipalités de taille moyenne.
Arrivé en deuxième position lors des élections générales de Catalogne (sept sièges de moins que le Parti Socialiste de Catalogne), Junts n’a pu ni réussir le pari de refaire accéder Carles Puigdemont à la présidence de la Generalitat, ni empêcher les socialistes de s’en emparer avec le concours d’Esquerra Republicana de Catalunya, le principal parti indépendantiste de la gauche catalane. Enfin, le vote indépendantiste est devenu minoritaire. Les congressistes ont donc appelé au sursaut, à savoir : travailler à « construire une alternative » au gouvernement de la Catalogne dirigé par le Parti Socialiste de Catalogne ; « faire de Junts, le parti indépendantiste de référence pour tous les Catalans » en favorisant l’implication de forces « qui vont au-delà des limites strictes du parti ». Les congressistes ont aussi souhaité que les dirigeants de Junts soient plus fermes lors des discussions avec le gouvernement socialiste de Pedro Sànchez et fait observer qu’un an après avoir soutenu ce dernier lors du vote lui ayant permis de conserver son poste de Premier ministre, Junts n’a guère tiré de bénéfices. Les responsables du parti ont approuvé et pris acte mais ont évité de le faire trop ostensiblement car ils espèrent encore obtenir une application totale de la loi d'amnistie et des concessions politiques (Une proposition qui appelait à « déclarer rompu » l’accord conclu avec les socialistes espagnols, accord ayant permis le maitien au pouvoir de Pedro Sánchez, a été retirée de l’ordre du jour à la dernière minute). Parmi les concessions politiques espérées, figurent notamment le transfert à la Generalitat de compétences budgétaires et fiscales et le transfert de la gestion de l’immigration. Obtenir cette concession est d’ailleurs jugé particulièrement important car Junts doit compter sur sa droite avec la montée en puissance du parti indépendantiste Aliança Catalan qui surfe sur les craintes suscitées par l’immigration. Dans une contribution, il a été souligné « nous devons garantir que la diversité soit gérée dans le cadre de la catalanité » et affirmé que « la survie de la catalanité » exige que les immigrés apprennent le catalan et prouvent le maîtriser s’ils aspirent au renouvellement de leur permis de séjour et de travail.


Commencer à jouer un nouveau jeu


Carles Puigdemont restant visé par des poursuites judiciaires n’a pu participer physiquement au congrès qui s’est tenu à proximité de Barcelone. Il s’est toutefois exprimé depuis la Belgique. Lors de son intervention en visioconférence qui a conclu le congrès, il a lui aussi affirmé la nécessité d’une révision stratégique. En ce sens, il a préconisé d’avancer selon les axes suivants : dépasser « l’étape de la « résistance » ayant débuté en octobre 2017 après la déclaration unilatérale d’indépendance et passer à l’offensive : « Maintenant, nous devons quitter les quartiers d’hiver »
pour « commencer à jouer un nouveau jeu » ; faire de Junts « l'alternative » au gouvernement socialiste de la Catalogne qu’il a qualifié de « gouvernement le plus hispaniste de l’histoire » ; dénoncer la politique d’Esquerra Republicana dont, selon lui, les élus, aux Cortès, résistent mollement au gouvernement de Pedro Sànchez et, au Parlement de Catalogne, font le jeu des socialistes ; réaffirmer « le droit à l'autodétermination » et travailler à le rendre effectif, y compris en n’écartant pas de revenir un jour à « l'unilatéralité » (exercice du droit à l’autodétermination sans l’accord des autorités espagnoles) ; mobiliser les militants, sympathisants et électeurs « Passons à l’offensive » ; faire de Junts un « espace transversal » pour la mouvance indépendantiste et occuper « la centralité » de l’espace politique catalan y compris en pratiquant l’ouverture : « Nous devons ouvrir davantage le parti en incorporant des profils de traditions diverses mais liées au catalanisme». Il a toutefois ménagé ses arrières en ne prônant pas une rupture avec Pedro Sànchez.


Pierre Corsi
Crédit photos : Junts per catalunya
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