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Un collectif des cafetiers à Bastia
« I Caffitteri » di Bastia volenu campà, sempre !
Le collectif « I Caffitteri » entend faire reconnaître et respecter pleinement l’apport de ses professionnels, de ses établissements et de leurs activités à l’économie et au lien social bastiais.
Depuis quelques semaines, le collectif « I Caffitteri » qui avait été créé durant la crise sanitaire Covid et représente les exploitants de plus de 150 bars, restaurants et établissements de nuit bastiais, a été réactivé. Ceci a été motivé par le fait qu’étant déjà affectés par plusieurs facteurs de perte de chiffre d’affaires (crise du pouvoir d’achat, saison estivale en demi-teinte, multiplication des points de consommation de boissons et de snacking), et par des charges fiscales et sociales de plus en plus lourdes, ces professionnels ont le sentiment d’être en butte à de la concurrence déloyale, à une indifférence voire un arbitraire des autorités, notamment la municipalité de Bastia, et à l’hostilité de quelques riverains. Nous avons rencontré quelques uns de ces professionnels. Ils ont exposé la démarche du collectif (tout en précisant ne pas être des porte-paroles). Nous avons retenu ce qui suit.
Problématiques et revendications vitales
« I Caffitteri » veulent d’abord rappeler et souligner que leurs établissements et leurs activités représentent des centaines d’emplois locaux, direct ou induits, et génèrent d’importantes recettes fiscales et sociales. « I Caffitteri » entendent ensuite faire valoir des problématiques et des revendications qu’ils considèrent être vitales. En premier lieu, ils mettent en exergue que l’organisation de certains événements ayant lieu sur l’espace public (salons, marchés, festivals) les pénalise significativement : « Dans des enceintes fermées, il est proposé aux visiteurs qui ne peuvent circuler librement entre ces lieux et l’extérieur, des services de bar et de restauration. Cela occasionne des manques à gagner importants. Cela relève de la concurrence déloyale ». Ils indiquent toutefois ne pas être opposés à ces événements et vouloir simplement une concertation avec la municipalité bastiaise et les organisateurs afin de parvenir à des aménagements voire pouvoir s’impliquer (fermeture des espaces boissons et restauration à 20 heures, possibilité aux visiteurs d’aller et venir entre le lieu de l’événement et l’extérieur, partenariats avec les organisateurs…) Concernant les événement festifs qu’ils organisent, généralement des animations musicales extérieures en soirée, « I Caffitteri » dénoncent rencontrer des difficultés administratives, de l’injustice et de l’arbitraire : « Il nous faut demander très à l’avance les autorisations à la mairie. Les réponses ne sont le plus souvent données que très tardivement et même veille de l’événement, ce qui rend difficile de prévoir des approvisionnements et de programmer des groupes musicaux. Nous devons respecter, sous peine de fortes amendes en cas du moindre dépassement, la règle de couper la musique à 23 h 30 le vendredi et le samedi, à 23 h les autres jours de la semaine. Ceci alors que certains événements sur la place Saint-Nicolas bénéficient d’une tolérance qui dépasse minuit. Enfin, nous sommes confrontés à un arbitraire. En cas de verbalisation, nous n’avons quasiment aucune possibilité de contester. Cela s’applique aux soirées mais aussi à l’activité quotidienne. La police verbalise une nuisance sonore ou un dépassement minime des limites d’une terrasse, et il arrive que nous n’en sachions rien, C’est transmis à la justice et, souvent plusieurs mois après, il peut nous être notifié une amende pouvant aller de 500 à 2000 euros, ou même une fermeture administrative ». Enfin « I Caffitteri » déplorent que l’activité de leurs établissements soit dénigrée par quelques riverains : « Le moindre rien suscite de la délation. La municipalité dit être interpellée par des riverains. Notre collectif est disposé à les rencontrer et à dialoguer pour rechercher des solutions et des compromis. A ce jour, personne ne nous a contactés. Un minimum de tolérance s’impose sinon plus aucune activité n’est possible. Certains, peut-être, veulent une ville morte. » « I Caffitteri » remettent aussi sur le tapis un problème moult fois invoqué. Ils demandent une modification au moins partielle des horaires de départ des navires quittant le port de Bastia afin que cela profite à tous les commerces bastiais : « Si les bateaux partent à 20 h ou plus tard, tous les commerçants peuvent en profiter. Si les bateau partent à 18 h ou 19 h, ce qui est le plus souvent le cas aujourd’hui, les passagers embarquent directement, et donc prennent l’apéritif et mangent à bord. Donc aucune retombée pour le commerce local. Un navire devant partir en retard, entraîne un flux de clientèle. Cela prouve bien que retarder une partie des départs représenterait un apport significatif de clients ».
Dialogue mais premières réponses peu satisfaisantes
Il y a quelques semaines, le collectif « I Caffitteri » a pu exposer ses doléances lors d'une réunion à l'Hôtel de ville de Bastia en présence du maire, Pierre Savelli, et du président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Corse, Jean Dominici. Le dialogue a été ouvert mais les premières réponses obtenues sont a priori peu satisfaisantes. Le maire de Bastia évoquant l’influence des riverains et la situation des d’autres villes, a laissé entendre que vouloir changer l’existant pourrait conduire à appliquer aux « caffitteri » une réglementation plus restrictive et contraignante. Il a par ailleurs souligné que la plupart des organisateurs d’événement « sont également des Bastiais » et que le développement économique est le fait de tout le monde. Pierre Savelli et Jean Dominici ont promis, concernant l’aménagement des horaires de départ des navires, que la Ville de Bastia et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Corse prendraient l’initiative d’une médiation avec les compagnies maritimes. Le caractère peu satisfaisant des réponses a été confirmé par la teneur d’un communiqué de la Ville de Bastia (A l’écoute des commerçants locaux, 23 octobre 2024) : « La question des horaires d’arrivée et de départ des bateaux au port de Bastia a retenu l’attention. Bien que cette problématique ne relève pas de la compétence directe de la municipalité, le Maire a affirmé son engagement à défendre les intérêts de l’association auprès des institutions compétentes. L’association a également exprimé son souhait de limiter les animations et événements sur le domaine public, évoquant une forme de « concurrence déloyale » par rapport à leur activité commerciale. Le Maire a, en réponse, réaffirmé l’importance des événements festifs publics gratuits, tels que le Marché de Noël, qui mettent en valeur les producteurs et artisans locaux tout en offrant aux Bastiais des moments conviviaux et accessibles à tous.La question des autorisations de soirées musicales et des verbalisations par la Police Municipale a aussi été soulevée. Les cafetiers souhaitent un assouplissement des règles encadrant ces soirées, en concertation avec leur association. Le Maire a rappelé la nécessité pour la Ville de garantir la tranquillité publique, souvent mise à l’épreuve par les activités nocturnes, tout en soulignant l’importance d’une régulation stricte pour préserver l’équilibre entre dynamisme économique et qualité de vie des habitants.Ces sujets feront l’objet de discussions approfondies lors de prochaines réunions entre la municipalité et ses partenaires ».
L’homme ne mange pas uniquement pour vivre
Le collectif « I Caffitteri » est déterminé à ne rien lâcher. Il entend faire reconnaître et respecter pleinement l’apport de ses professionnels, de ses établissements et de leurs activités à l’économie et au lien social. L’Histoire et les appréciations de différents acteurs sociaux sont d’ailleurs de nature à l’encourager à persister. Boire et se restaurer hors de son logis pour jouir d’un moment de convivialité et d’échanges est apparu en France dès les années 1760. De premiers établissement ont alors tourné la page de la taverne, lieu uniquement destinés à se restaurer de plats du jour peu ragoûtants servis sur une table commune, à consommer beaucoup de mauvais alcool et à éventuellement se débaucher. Ils ont proposé ce qui essentiellement fait le restaurant actuel (tables séparées, choix de mets savamment préparés) où le bar que nous connaissons (service de café et boissons diverses). Ils ont fait que que manger et boire en dehors de chez soi pouvait aussi bien satisfaire un besoin physiologique que répondre à des envies de respectable convivialité, d’échanges et de lien social. Dès cette époque, le philosophe prussien Emmanuel Kant (1724-1804 ) a relevé : « Si l’homme ne vit assurément pas pour manger, il ne mange pas non plus uniquement pour vivre ? » Jusqu’à nos jours, les établissements que l’on a au fil du temps dénommés tavernes, restaurants, cafés, bistros, bars, brasseries, guinguettes, buvettes, cabarets, rades ou troquets se sont avérés être des espaces conviviaux où l’on retrouve des amis, échanges des idées, commerce ou séduit, et partage donc bien plus qu’un repas ou un verre. Ces lieux ont en effet abrité ou accueilli du brassage social, des sièges d’associations ou de clubs, des discussions de comptoir, des échanges d’informations, des débat d’idées, des séminaires, des rendez-vous d’affaires ou amicaux, des rencontres sentimentales... Dans ces lieux, pour peu que l’on soit doté d’un minimum d’affect et de raison, on n’est jamais vraiment seul, on est d’une façon ou d’une autre en rapport avec l’autre, on ressent la société. Et c’est un véritable besoin !
Psychologiquement et socialement important. Pourtant...
Ce besoin est d’ailleurs vérifiable et vérifié. Pour lutter contre la pandémie de Covid-19, la fermeture des restaurants, bars et cafés a été imposée à partir d’un motif globalisant : « Tous les services non-essentiels à la vie de nos concitoyens seront fermés ». Cette obligation a été mal acceptée et souvent transgressée, ce qui a démontré combien il était psychologiquement et socialement important pour nombre d’individus de fréquenter un café, un restaurant, un établissement de nuit. Ceci a d’ailleurs été confirmé par une récente étude enquête. Début juillet, une enquête OpinionWay « Les Français et les restaurants, cafés et bars » a indiqué que 88% des Français prévoyaient de fréquenter les bars, cafés et restaurants durant l’été malgré la mauvaise conjoncture économique, et apporté les enseignements suivants : 14% des répondants ont affirmé envisager vouloir le faire plus souvent qu’à la même période l’année précédente ; intentions de sorties dans les établissements concernés en hausse de 3 points par rapport à 2022 ; catégories socio-professionnelles supérieures et jeunes enclins à maintenir ou augmenter leur fréquentation ; budgets moyens mensuels alloués aux bars et restaurants atteignant 159 € pour les restaurants et 55€ pour les bars et cafés ; majorité de répondants exprimant un attachement aux bars et restaurants pour des raisons culturelles et sociales plutôt que sportives (malgré la retransmission TV des Jeux Olympiques). Du besoin identifié et quantifié qui incite à de l’espoir. Mais « campà, sempre » demande aussi du concret. Vite ! Les « caffitteri » bastiais entendent bien le faire savoir et comprendre,
Jean-Pierre Bustori