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Un festival tout neuf à Bastia

<< Camera pulitica >> à Bastia

Un festival tout neuf

« Camera pulitica » à Bastia




17 films longs et courts-métrages de fictions et de documentaires. 7 avant-premières. Des réalisateurs. Des rencontres. Des débats avec, entre autres, Roselyne Bachelot et Léo Battesti. Un concours d’éloquence. Des œuvres de Corse, de France, de Sardaigne, des Pouilles, de Roumanie, des Etats-Unis… Salle de projection : Spaziu Carlu Rocchi de Biguglia.




Qu’est-ce que le cinéma engagé ? Réponse immédiate : c’est un moyen de mettre l’accent pour les dénoncer sur des situations humaines et sociales qui posent problème. Objectif ? Changer le regard du spectateur et le mobiliser. Existe-t-il une différence entre cinéma engagé et cinéma politique ? On peut avancer que le premier est sans doute plus combatif. Quant au second il relève souvent du constat même s’il peut être accusateur ou simplement alerter sur un danger encouru par une société.

Au top des cinéastes de l’engagement l’unanimité se fait sur Chaplin, qui réussit le tour de force d’être dénonciateur et drôle, sensible et visionnaire : « Le Dictateur », « Les Temps Modernes ». Le néoréalisme avec en tête De Sica et Rosselini tient ensuite la corde. Le 7 è art nord-américain est fameux par des réalisations percutantes en matière d’engagement avec Spike Lee, Kubrick, Coppola, Olivers Stone, Arthur Penn… Côté France Costa Gavras et Agnès Varda sont en bonne position. Impossible d’omettre Eisenstein dont « Octobre » et « La grève » sont des joyaux d’une esthétique sublime bien loin des standards du réalisme socialiste à la soviétique. L’engagement à l’écran ne se limite pas à l’Europe et à l’Amérique du nord, il est partagé par tous les continents en particulier par l’Afrique dont l’un des plus remarquables cinéastes est sans contestation Ousmane Sembène dont vient de ressortir « La Noire de » (1966) à voir et à revoir.

« Camera pulitica » 2024 traite au fil des jours d’aspects différents de l’engagement. Le jeudi 21 novembre, sous l’intitulé « Tous engagés » va être mis en relief les jeunes qui n’hésitent pas à s’engager. Le vendredi 22 avec « Silencé on coule ! » vont être placés en avant les combats pour l’environnement, les avancées de la recherche, les choix de développements économiques. Sur la sellette, « Anna » de Marco Amenta, qui nous emmène en Sardaigne où des investisseurs immobiliers veulent accaparer des terres qui ne leur appartiennent pas.

Samedi 23 novembre vont être border les dérives du politique avec « The Wall » de Philippe van Leeuw, suivi d’une conférence de Jacques Pradel, puis d’un film des sœurs Coulin, interprété par Vincent Lindon, « Jouer avec le feu », qui nous entraîne dans les dédales empuantés de l’extrême droite. Le dimanche 24 va braquer l’éclairage sur la mafia et ses différentes incarnations. Grâce à un partenariat avec le festival Sirocco doit être présenté « Danse sur un volcan » de Cyril Anis sur Beyrouth après l’explosion du port de la ville. En clôture on pourra voir « Le système Victoria » de Sylvain Desclous qui conte pressions et magouilles pour liquider tout ce qui encombre le chemin d’une réussite capitaliste.

Michèle Acquaviva-Pache

Jusqu’au 24 inclus.



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Tout ça est bien mystérieux !




                                              ENTRETIEN AVEC MÉLANIE MANIGAND


Pourquoi un festival « Camera pulitica » ? La politique, l’engament auraient pu être une thématique du Festival Arte Mare ?
C’est vrai et cette thématique a d’ailleurs été traitée en 2014. Mais nous voulions créer un évènement neuf et la politique est un sujet hautement important. Au-delà du politique nous voulons une manifestation dédiée au film engagé qui est plus vaste.

Pendant un moment il y a u à Porto Vecchio un festival du film politique. Qu’est-il advenu ? Pourquoi a-t-il disparu ?
En 2014 pour sa thématique du film politique Arte Mare avait invité Karl Zéro et son équipe. Le festival de cette année avait remporté un beau succès. C’est sans doute ce qui a donné l’idée à Zarl Zéro d’en lancer un à Porto Vecchio. Il a eu deux éditions. Pourquoi n’a-t-il pas perduré ? Je l’ignore. Est-ce par manque de soutien ? Ou à cause du Covid ?

La période que nous vivons est-elle propice à l’engagement, exception faite – peut-être – en ce qui concerne l’environnement ?
Certes nous vivons dans une société de plus en plus individualiste. Mais il y a encore des gens pour s’engager. Nous avons réservé une journée entière à ce thème axé sur la jeunesse, le jeudi 21 novembre. Isabelle Ferraci, cheffe du pôle sport à la Collectivité de Corse sera présente. A travers le dispositif « Ghjuventù in Mossa » elle attribue des bourses à des jeunes porteurs de projets intéressants. Après la projection du film « Le brio » d’Yvan Attal consacré à une jeune fille de banlieue lauréate d’un prix de meilleure conférencière, Isabelle Ferraci couronnera le vainqueur du concours d’éloquence que nous organisons dont le thème est l’engagement.

Quels participants sont appelés à concourir ?
Les élèves du collège de Biguglia et du conseil municipal des jeunes de cette ville. Pour qu’ils soient moins stressés que par une performance en public nous leur demanderons de réaliser une vidéo de deux minutes. Roselyne Bachelot couronnera les lauréats. Pour honorer la personnalité très engagée qu’était Michel Rocard nous projetterons le documentaire que lui a consacré Jean Michel Djian. La journée se terminera par la projection d’un étonnant film roumain, « La nouvelle année qui ne devait pas arriver » de Bogdan Muresanu, qui repose sur six histoires interconnectées au moment de la révolution de 1989.

Existe-t-il de nombreuses façons d’utiliser une caméra politique ?
Le film peut être choral en comportant plusieurs personnages d’intérêt. La réalisation peut être axée sur un protagoniste principal ou une protagoniste, ainsi dans « Anna » de Marco Amenta qui montre le combat d’une chevrière sarde contre les appétits d’un groupe immobilier qui veut lui ravir ses terres. Ce film fait écho au « Mohican » de Frédéric Farrucci projeté récemment par Arte Mare. La pression immobilière et les manières d’y faire face deviennent de plus en plus des thèmes cinématographiques récurrents actuellement… En outre pour tout un chacun vivre au village c’est accumuler les difficultés … et par là de résister !

Les sujets plus fréquemment abordés par le cinéma engagé ?
La condition féminine, les problèmes sociologiques, les scandales environnementaux, la lutte contre les promoteurs immobiliers…

Quels sont les cinéastes les plus représentatifs de l’engagement à l’heure actuelle ?
En Corse je retiendrais Thierry de Peretti. A l’international Ken Loach. En France Stéphane Brizé avec, par exemple, « La loi du marché », Louis- Julien Petit avec « Les invisibles », Philippe Lioret avec « Welcome » …

Que vous ont appris vos années passées au Festival de Lama ?
Je suis arrivée à Lama à 22 ans. Je ne connaissais pas grand-chose au cinéma. C’est aux côtés de Mathieu Carta, fondateur de la manifestation, que j’ai beaucoup appris. Il était très brillant intellectuellement. Il m’a fait découvrir l’importance de l’image, des plans, de la lumière et comment organiser une manifestation. A l’époque Lama disposait d’une équipe formidable. J’étais aussi à bonne école avec Jean Baptiste Emery, chargé de la communication.

Quelles sont les projections qui vous ont le plus marquées à Lama ?
Celle de « Melancholia » de Lars von Trier, qui évoquait une fin du monde et où une incroyable nappe de brouillard s’est déployée derrière l’écran. « Profils paysans » de Raymond Depardon m’a également impressionné parce que soudain un troupeau de vaches a traversé le lieu de la projection… « Gomorra » de Matteo Garrone et « Une vie violente » cde Thierry de Peretti ont été inoubliables par leur atmosphère.

Votre parcours ?
Je suis originaire d’Urtaca. J’ai débarqué à Lama après mon diplôme d’animatrice socio-culturelle et d’agent de développement local. J’aime le côté technique du cinéma, les contacts humains, la communication. Après Lama j’ai été embauchée à l’Office intercommunal de Balagne – Ile Rousse. Puis, pour vivre une expérience humaine particulière, je suis partie au Mexique et je suis rentrée en Corse à cause du Covid et j’ai rejoint Arte Mare

Le film que vous ne vous lassez pas de voir et revoir ?
« Sur la route de Madison » de Clint Eastwood !

Propos recueillis par
M. A-P
Photo : M.A.P












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