• Le doyen de la presse Européenne

<< Missions secrètes en Corse - 1943 -1944 >> de Jean Pierre Girolami

Les mystères de Bastia aprés la libération

« Missions secrètes en Corse – 1943 - 1944 » de Jean Pierre Girolami
Les mystères de Bastia après la libération


Passionnant le livre de Jean Pierre Girolami, « Missions secrètes en Corse – 1943-1944 ». Parce que l’ouvrage nous révèle des aspects inconnus du Bastia de l’après-libération. P​arce qu’il nous transporte en des temps où la victoire sur le nazisme n’était pas assurée tant la Méditerranée était un lac de guerre. Parce qu’il nous fait rencontrer cet homme singulierqu’est la major Croft de l’armée de sa Majesté !



Sur les hauteurs de Bastia il est un hôtel particulier qui fut un centre névralgique du renseignement des Alliés durant la période 1943 – 1944. Ce lieu paisible en retrait des rumeurs de la ville s’appelait à l’époque la Villa des Pins avant de devenir la maison Ponzevera, une fois toutes les hostilités terminées. Les services secrets anglais, américains, français y avaient établi leur siège après que la Kommandantur eut quitter la place. Les hommes du SOE (Special Operations executive), du SIS (service du renseignement britannique), du 2 è Bureau, de l’OSS (Office of Strategie, services américains) y travaillaient ensemble, sans relâche. A leur tête œuvrait la major Croft, un personnage pugnace, aux qualités exceptionnelles, pilotant l’opération Balaclava. Son rôle : infiltrer et exfiltrer desagents en territoires ennemis.

Officier britannique Croft s’était illustré entre 1933 et 1934 en traversant le Groënland sur un traineau tiré par de chiens. Une expédition autonome à travers la calotte glacière de l’Arctique qui lui valut un record conservé des décennies durant. A l’entrée en guerre de la Grande Bretagne en 1939, Andrew Croft s’employa à livrer du matériel militaire aux Finlandais pour défendre leurs frontières contre les soviétiques. Ensuite il vint en aide aux Norvégiens en butte aux menaces réitérés des Allemands. Puis il assura la préparation de Suédois à la guérilla afin de résister à l’invasion nazie. C’est cet homme qui fut envoyer à Bastia pour conforter les succès des Alliés en Méditerranée.

D’octobre 1943 à l’été 1944 le major Croft monta des dizaines d’opérations de renseignement en direction de l’Italie du nord sous la botte allemande et du sud de la France occupée. Son objectif ? Préparer le nettoyage du Canal de Corse des forces ennemies capables de contrecarrer l’avancée des Alliés. L’intérêt et non des moindres du livre de Girolami est de nous faire revivre en un style limpide, combien étaient dangereuses les missions d’infiltrationet d’exfiltration des agents opérant au nez et à la barbe des Allemands… Imaginer des vedettes ultra rapides récupérées à l’armée de Mussolini après l’armistice signé avec l’Italie, voguant sans bruit et avec mille précautions pour atteindre les côtes toscanes et celles du midi français afin d’acheminer des agents de renseignement ou de les rembarquer.

Durant son activité à Bastia Croft organisa 52 missions, transportant 80 agents. Certes le succès ne fut pas toujours au rendez-vous : mauvais temps, avaries, irruption soudaine des ennemis, manque de comité d’accueil à l’arrivée… Il n’empêche, l’action de Croft et de ses hommes fut capitale…

Aux curieux et aux avides de savoir ce livre est une pépite car il éclaire des mystères tenus longtemps sous le boisseau !

Michèle Acquaviva-Pache

Editions Alain Piazzola. 15 euros

                                     ENTRETIEN AVEC JEAN PIERRE GIROLAMI

A quelle occasion vous êtes-vous mis sur la piste du Centre opérationnel des services secrets à Bastia après la libération ?
Une de mes connaissances bastiaises avec qui j’échange sur la 2 è guerre mondiale a évoqué devant moi l’existence de vedettes lances torpilles dans le vieux port. Or, dans les récits français on ne relate rien de la sorte : après le 4 octobre 1943 la Corse n’intéresse d’ailleurs plus personne ! J’ai voulu en savoir plus. J’ai donc contacté « mes agents » à Londres qui m’ont répondu par l’affirmative et indiqué le major Croft qui pilotait les opérations. Croft, qui avait écrit sa biographie, avait consacré un chapitre à la Corse et salué l’attitude des Corses en ces temps difficiles.

Pourquoi votre intérêt pour le major Croft ?
Ce qui me fascine toujours c’est ce dont on ne parle pas. Avec le Centre opérationnel des services secrets à Bastia je tenais un scoop… J’ai fait traduire le chapitre de la biographie de Croft sur la Corse. J’ai contacté la famille d’Andrew Croft, qui a été très réceptive. En 2013 elle est venue aux célébrations de la Libération et je suis heureux de lui avoir fait rencontrer Léo Micheli. Mon cheminement a donc connu plusieurs étapes. J’aurais pu achever la rédaction de mon livre plus tôt mais ma collaboration à Settimana m’a retardé.

Qu’est-ce qui est le plus extraordinaire dans l’activité de Croft à Bastia ?
Ce sont les missions d’infiltration et d’exfiltration qu’il dirigeait en direction de la Toscane, de la Ligurie, du midi. C’est son action au sein de la guerre secrète, dont il révèle certains aspects dans sa biographie et qui étaient jusqu’alors inconnus, car plongés dans le culte du secret.

En quoi les opérations de Croft sont-elles si remarquables qu’elles doivent être transmises à la postérité ?
Il suffit de penser au déroulé des missions. Partir de Bastia à la tombée de la nuit. Approcher des côtes aux mains de l’ennemi. Mettre des canots à la mer en pagayant sans bruit. Naviguer dans l’obscurité la plus totale. Débarquer ou rembarquer des agents ou encore des prisonniers alliés en fuite. Rentrer sains et saufs au petit matin…

Quels genres de bateaux utilisait le major Croft ?
Cette flottille de navires se nommait PTB pour les Américains ; MTB pour les Anglais ; MAS pour les Italiens. Au sujet de ces dernier il faut préciser qu’ils avaient été réquisitionnés par les Alliés après l’armistice avec l’Italie. Sur ces vedettes l’équipage était italien et tous parmi ces marins ne reconnaissaient pas l’armistice d’où la méfiance de Croft à leur égard et il avait bien raison ! Un jour un MAS disparut, on supposa, faute d’hypothèses valables, qu’il y avait eu une mutinerie à bord et que les matelots avaient noyé les agents alliés…

Comment fut prise l’Ile d’Elbe, verrou allemand sur la Canal de Corse ? Que fut le rôle des hommes de Croft ?
Après leur débarquement en Sicile les Alliés montèrent sur Naples, Monte Cassino, Rome, pour eux et surtout pour les Français, qui guettaient l’arrivée des libérateurs dans le midi, il était primordial de faire sauter le verrou ennemi de l’Ile d’Elbe. Au major Croft de faire débarquer trois agents français afin de renseigner sur les points forts et les points faible des Allemands sur Elbe. Aux troupes du général de Lattre de Tassigny de mener ensuite l’assaut. Le 19 juin – non sans mal – l’Ile d’Elbe est libérée. C’est une belle prise pour barrer la route au ravitaillement allemand, dont des troupes étaient toujours en Toscane… Pour chaque épisode que je rapporte, je mets en synergie ce qui se passe à Bastia, en Toscane, à Rome et à Alger.

En dehors de la biographie de Croft quels ouvrages avez-vous consulté ?
Je me suis essentiellement référé aux livres des hommes qui avaient fait la guerre : celui du colonel Gambiez, celui du capitaine Lepotier, qui assurait le ravitaillement entre Alger et la Corse, celui du général Giraud, titré, « Un seul but, la victoire ».

Comment expliquez-vous que la Villa des Pins, centre névralgique du renseignement à Bastia n’ait pu laisser aucune trace dans la mémoire de la ville ?
Je ne me l’explique pas !... Moi-même j’en ignoras l’existence ! En 2013 lors de la visite des descendants de Croft on leur a fait découvrir la maison. Perchée sur un belvédère dominant la mer son site était très bien choisi. J’ai pu également être en relation avec un survivant américain de l’époque, Fischer Howe mais son âge avancé a limité nos échanges… Mes recherches m’ont cependant démontré combien Anglais et Américains travaillaientétroitement à la Villa des Pins.

Vos écrits dans Settimana montrent combien votre fibre historienne est vive. Pourquoi être devenu journaliste ?
Après mes études de lettres j’ai eu une opportunité à Nice Matin et ça ma plus.

De quelle façon sélectionnez-vous vos sujets historiques d’articles sur la Corse ?
Je cherche le plus possible une correspondance avec l’actualité du moment. Exemple avec la visite du pape ici, je retiens des thèmes sur la papauté et la Corse. Autrement cela dépend de mes recherches personnelles.

Propos recueillis par M.A-P
Les photos de cet article proviennent de l’iconographie de la famille Croft et de J P Girolami.



Partager :