Langue corse : vers le pragmatisme ?
" Institutionnellement , nous n'y arrivons pas "
Langue corse : vers le pragmatisme ?
« Institutionnellement, nous n’y arrivons pas. Il faut aborder la question d’une autre façon en parlant notre langue partout et tous les jours. Il faut arrêter de demander des accords à l’État français qui ne nous a jamais rien accordé ».
A Bastia, lors du rassemblement spontané d’une centaine de lycéens, des banderoles accrochées aux grilles de la préfecture de la Haute-Corse puis quelques palettes incendiées devant le portail. A Aiacciu, un défilé improvisé sur le cours Napoléon d’une centaine de jeunes gens. A l’échelle de l’île, des blocages symboliques de lycées. Et aussi une conférence de presse d’organisations de jeunesse nationalistes devant le Palazzu Naziunale à Corti. Ces faits ont été des réactions spontanées à un arrêt rendu par la Cour Administrative d'Appel de Marseille ; arrêt qui a confirmé l’annulation par le Tribunal Administratif de Bastia, des règlements intérieurs de la Collectivité de Corse prévoyant que le corse et le français puissent être les langues des débats et travaux du Conseil Exécutif et de l’Assemblée de Corse. « L’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public »
ont arrêté les magistrats. D’autres réactions ont suivi. D’abord, Gilles Simeoni, le Président du Conseil exécutif de Corse, et Marie-Antoinette Maupertuis, la Présidente de l'Assemblée de Corse, ont annoncé que la Collectivité de Corse formera un pourvoi devant le Conseil d’État car , selon eux, l'arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Marseille est « contraire aux textes européens et internationaux protégeant les droits fondamentaux au plan linguistique ». Ensuite, à l’appel de Unione di a ghjuventu in lotta (syndicats étudiants et organisation de jeunesse nationalistes) puis des principaux partis nationalistes, une manifestation a réuni à Corti, derrière une banderole porteuse du mot d’ordre « Lingua corsa, Lingua viva », quelques centaines de manifestants (essentiellement de jeunes étudiants et lycéens et des élus et cadres de partis politiques nationalistes). A l’issue de cette manifestation, une délégation a été reçue par le sous-préfet de l’arrondissement de Calvi (le sous-préfet de Corte parti sous d’autres cieux en septembre dernier n’a toujours pas été remplacé). Il n’est bien entendu rien ressorti. « Nous avons fait part au sous-préfet de nos revendications en faveur de la langue. Il nous a répondu qu’il ne pouvait rien » a confié Ghjuliu Antone Susini (Ghjuventù Indipendentista) avant d’ajouter : « On continuera à se mobiliser ».
Rompre avec toute démarche visant à obtenir un aval de l’État
Se mobiliser certes, mais sur quelles bases ? Le Président du Conseil Exécutif, outre saisir le Conseil d’État, entend agir pour « obtenir au plus vite une révision constitutionnelle conférant un statut d'officialité à la langue corse ». D’autres acteurs préconisent de rompre avec toute démarche visant à obtenir un aval de l’État et de recourir au « Femu da per noi ». Les étudiants ayant tenu la conférence de presse devant le Palazzu Naziunale ne croient manifestement plus à la possibilité d’une avancée vers la coofficialité : « Nous ne sommes pas surpris qu'il n'y ait aucune reconnaissance de la langue corse car l’État français ne prône qu'une seule langue sur l'ensemble du territoire, la langue française ». Selon Ghjuliu Antone Susini : « Il faut désormais contourner le problème du refus de la coofficialité ». Cette vision des choses est, semble-t-il, partagée par Jean-Christophe Angelini. Le maire de Portiveghju a déclaré : « Institutionnellement, nous n’y arrivons pas. Il faut aborder la question d’une autre façon en parlant notre langue partout et tous les jours. Il faut arrêter de demander des accords à l’État français qui ne nous a jamais rien accordé ». Plusieurs participants à la manifestation ayant eu lieu à Corti, disaient être favorables à une démarche privilégiant l’incitation à l’usage quotidien et domestique de la langue corse et la création et le développement de « scole corse ». Ces prises de position relèvent d’une approche pragmatique. Elles tiennent en effet compte de trois paramètres : la France n’est disposée à renoncer ni à l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) imposant le français dans tous les actes à portée juridique de l'administration et de la justice du royaume, ni à à l’alinéa 1 de article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français » ; ce qui est ressorti du processus Beauvau n’ouvre pas la voie vers la coofficialité ; l’usage quotidien de la langue corse continue de régresser malgré les moyens financiers et humains plus que significatifs qui sont consacrés à son enseignement dans le système scolaire traditionnel ainsi qu’à son usage dans les différentes sphères institutionnelles, associatives, artistiques et culturelles.
Pierre Corsi
photo :journal de la corse
« Institutionnellement, nous n’y arrivons pas. Il faut aborder la question d’une autre façon en parlant notre langue partout et tous les jours. Il faut arrêter de demander des accords à l’État français qui ne nous a jamais rien accordé ».
A Bastia, lors du rassemblement spontané d’une centaine de lycéens, des banderoles accrochées aux grilles de la préfecture de la Haute-Corse puis quelques palettes incendiées devant le portail. A Aiacciu, un défilé improvisé sur le cours Napoléon d’une centaine de jeunes gens. A l’échelle de l’île, des blocages symboliques de lycées. Et aussi une conférence de presse d’organisations de jeunesse nationalistes devant le Palazzu Naziunale à Corti. Ces faits ont été des réactions spontanées à un arrêt rendu par la Cour Administrative d'Appel de Marseille ; arrêt qui a confirmé l’annulation par le Tribunal Administratif de Bastia, des règlements intérieurs de la Collectivité de Corse prévoyant que le corse et le français puissent être les langues des débats et travaux du Conseil Exécutif et de l’Assemblée de Corse. « L’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public »
ont arrêté les magistrats. D’autres réactions ont suivi. D’abord, Gilles Simeoni, le Président du Conseil exécutif de Corse, et Marie-Antoinette Maupertuis, la Présidente de l'Assemblée de Corse, ont annoncé que la Collectivité de Corse formera un pourvoi devant le Conseil d’État car , selon eux, l'arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Marseille est « contraire aux textes européens et internationaux protégeant les droits fondamentaux au plan linguistique ». Ensuite, à l’appel de Unione di a ghjuventu in lotta (syndicats étudiants et organisation de jeunesse nationalistes) puis des principaux partis nationalistes, une manifestation a réuni à Corti, derrière une banderole porteuse du mot d’ordre « Lingua corsa, Lingua viva », quelques centaines de manifestants (essentiellement de jeunes étudiants et lycéens et des élus et cadres de partis politiques nationalistes). A l’issue de cette manifestation, une délégation a été reçue par le sous-préfet de l’arrondissement de Calvi (le sous-préfet de Corte parti sous d’autres cieux en septembre dernier n’a toujours pas été remplacé). Il n’est bien entendu rien ressorti. « Nous avons fait part au sous-préfet de nos revendications en faveur de la langue. Il nous a répondu qu’il ne pouvait rien » a confié Ghjuliu Antone Susini (Ghjuventù Indipendentista) avant d’ajouter : « On continuera à se mobiliser ».
Rompre avec toute démarche visant à obtenir un aval de l’État
Se mobiliser certes, mais sur quelles bases ? Le Président du Conseil Exécutif, outre saisir le Conseil d’État, entend agir pour « obtenir au plus vite une révision constitutionnelle conférant un statut d'officialité à la langue corse ». D’autres acteurs préconisent de rompre avec toute démarche visant à obtenir un aval de l’État et de recourir au « Femu da per noi ». Les étudiants ayant tenu la conférence de presse devant le Palazzu Naziunale ne croient manifestement plus à la possibilité d’une avancée vers la coofficialité : « Nous ne sommes pas surpris qu'il n'y ait aucune reconnaissance de la langue corse car l’État français ne prône qu'une seule langue sur l'ensemble du territoire, la langue française ». Selon Ghjuliu Antone Susini : « Il faut désormais contourner le problème du refus de la coofficialité ». Cette vision des choses est, semble-t-il, partagée par Jean-Christophe Angelini. Le maire de Portiveghju a déclaré : « Institutionnellement, nous n’y arrivons pas. Il faut aborder la question d’une autre façon en parlant notre langue partout et tous les jours. Il faut arrêter de demander des accords à l’État français qui ne nous a jamais rien accordé ». Plusieurs participants à la manifestation ayant eu lieu à Corti, disaient être favorables à une démarche privilégiant l’incitation à l’usage quotidien et domestique de la langue corse et la création et le développement de « scole corse ». Ces prises de position relèvent d’une approche pragmatique. Elles tiennent en effet compte de trois paramètres : la France n’est disposée à renoncer ni à l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) imposant le français dans tous les actes à portée juridique de l'administration et de la justice du royaume, ni à à l’alinéa 1 de article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français » ; ce qui est ressorti du processus Beauvau n’ouvre pas la voie vers la coofficialité ; l’usage quotidien de la langue corse continue de régresser malgré les moyens financiers et humains plus que significatifs qui sont consacrés à son enseignement dans le système scolaire traditionnel ainsi qu’à son usage dans les différentes sphères institutionnelles, associatives, artistiques et culturelles.
Pierre Corsi
photo :journal de la corse