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A Guardia Papale : mille ans d'histoire entre la Corse et le Vatican

Une histoire étroitement liée à la Papauté

A Guardia papale : mille ans d’histoire entre la Corse et le Vatican


Le Pape François sera en Corse d’ici une semaine.
L’occasion, au-delà d’une Christianisation viscéralement ancrée dans l’île depuis 2000 ans, de se pencher sur un pan de notre histoire étroitement lié à la Papauté : la Guardia Papale, officialisée en 1603 mais qui existait, semble-t-il, dès le VIIe siècle. Un lien que s’attache à établir depuis 2013,l’association éponyme portée par Iviu Pasquali...


Depuis onze ans, à la fin juillet, une équipe d’insulaires, portée par un diacre ou prêtre se rend à Rome, et plus particulièrement dans le quartier de Trastevere, quartier romain de la Guardia Papale corse pour une messe célébrée en corse et chantée en paghjella. L’occasion, surtout de rétablir un lien historique très fort entre l’île et Rome. « À l’origine, explique Iviu Pasquali, cheville ouvrière de l’association qui porte le même nom et qui fut créée en 2014, les Corses étaient défenseurs des Etats Pontificaux. Et ils avaient élu domicile dans ce quartier romain dont les églises San Crisogno et Santa Agata renferment de précieux trésors. »

Un peu d’histoire

De fait, l’histoire de la Guardia Papale, que s’efforce depuis plus de dix ans, de réhabiliter l’association débute...Au VIIe siècle. Les liens entre la Corse et Rome existent depuis fort longtemps, notamment à travers la conquête romaine. « Des milliers de Corse sont partis à Rome, commente Iviu Pasquali, ils étaient renommés pour leur bravoure. Et c’est le Pape Léon III qui les appelle pour protéger les murs de Rome. Il faut savoir qu’à l’époque, l’ensemble de la Cité appartient au Vatican. Des familles entières s’installèrent dans le quartier de Trastevere... »Favorisés par les échanges entre la Corse et Rome, ce lien s’est renforcé. Pour preuve, la Guardia Papale comptait de 700 à 1000 corses et plusieurs casernes qui leurs étaient dédiées.
Ce n’est qu’en 1603, qu’elle sera officialisée. Suivra, un demi-siècle plus tard, un sort cruel pour les gardes corses. Eux qui veillent depuis une dizaine de siècles sur les Etats Pontificaux subissent la pression du roi Louis XIV, lequel- suite à des incidents entre la guardia et les soldats français-, parvient à faire céder le Pape Alexandre VII. Et le traité de Pise achève l’ère de ce corps d’élite. « Louis XIV avait fait ériger une pyramide sur laquelle était inscrit : « A nazione corsa è indegna di serve a santa sede. » Pour autant, la Papauté ne peut se résigner à se séparer de sa Guardia Corsa et les liens se maintiennent de manière officieuse jusqu’à Napoléon III.
« La guardia fut dissoute, ajoute Iviu Pasquali, mais elle a continué à travailler dans l’ombre. On a retrouvé la trace des derniers gardes corses sous l’armée de Napoléon III. Ensuite, elle a disparu, sans doute en raison de la proximité avec l’Italie, ce qui était mal vu politiquement. »

2014 : les premières recherches

Effacée jusque dans les manuels d’histoire, y compris l’histoire de la Corse, cette mémoire a, pour autant toujours été conservée à travers quelques ouvrages ou un lien avec des historiens italiens. Et c’est à compter de 2013, qu’Iviu Pasquali, chantre et confrère s’est penché sur le sujet.
« C’est un travail collectif, analyse-t-il, mais un véritable travail de fourmi. On a commencé par retrouver des documentations et des livres. Puis, grâce à des contacts que nous avions en Italie, on a réussi à reprendre toute cette histoire et à tenter de la réhabiliter. »
Un travail titanesque qui permet, aujourd’hui d’en savoir plus sur ce corps d’élite. « Le rapport avec le Saint-Siège représente plus de mille ans, de ses débuts au VIIe siècle jusqu’à Napoléon III, ajoute le responsable de l’association, des milliers de Corses ont servi la Papauté, participé à l’évolution du Vatican et même de la ville de Rome. Les gardes corses qui étaient là-bas assumaient de nombreuses fonctions : policiers, douaniers...
En plus, ils avaient une église qui leur était dédiée: San Crisogono, a chjesa naziunale di i Corsi, qui est, aujourd’hui, une grande basilique romaine. Et à un moment donné, ils ont même eu l’autorisation par un Pape d’être enterrés à leur mort dans cette basilique. Ce qui fait que nombreux corses sont inhumés là-bas. Giovan Paolo da Leca, dernier seigneur cinarchese, a été enterré dans cette basilique avant d’être enlevé et inhumé à l’église baroque San Francesco a Ripa, toujours dans le quartier de Trastevere, en 1515. N’oublions pas non plus que l’arciconfraternita del Carmine et la gendarmeria vaticana ont été créées par les gardes corses. Un corps qui n’a rien à voir avec les gardes suisses-on a longtemps fait le lien-, dont les missions étaient totalement différentes. »
Iviu Pasquali est assisté,en Corse dans sa tâche par Stéphane Marchetti, Paul Turchi Duriani, Raphaël Quilici, Yann Vindeoux, Paul Vincenti, Antoine Tramini. Et à Rome par Pietro Solfizzi Governatore di l'Arciconfraternità del Carmine, Stefano Tozzi conseiller municipal de Rome. Giancarlo Vivani ami et soutien important, Padre Venanzio parocco di San Crisogono. «Nous avons installé 2 plaques commémoratives à Rome et grâce à l'aide de Monseigneur Aldo Berardi, nous avons fait éditer à Rome des livrets en plusieurs langues afin d'informer le plus grand nombre de cette histoire.
je remercie tous ceux qui nous ont aidé de près ou de loin. nous avons fait plus de 100 conférences en Corse et à Rome et avons installé à Pedicroce une exposition permanente dans la chapelle de Santa Divota. J'ai fait jumeler l'Arciconfraternità del Carmine de Rome avec l'Arciconfraterna di San Ghjiseppu de Bastia. Depuis 11 ans, nous faisons une messe en langue Corse pendant les festivités de la Madonna Fiumarola a laquelle nous participons. »
Autant d’éléments qui font que l’histoire de la Guardia Papale semble en passe d’être réhabilitée. Tant en Corse qu’à Rome. « C’est un rituel depuis onze ans et lors de la préparation de la statue, les autorités du Vatican sont là. Et puis, le Cardinal Mamberti est d’origine corse... »

Vers une réhabilitation ?

Une réhabilitation qui pourrait intervenir ce dimanche 15 décembre à l’occasion de la venue du Pape François. « C’est quelque chose d’extraordinaire ! J’espère que tous les Corses en prendront conscience. Pour ma part, j’espère le voir, le rencontrer afin qu’il sache qui nous sommes et ce pourquoi nous travaillons depuis maintenant onze ans. On aimerait vraiment avoir cette reconnaissance, près de deux siècles après la disparition de la Guardia...Ce 15 décembre, nous chanterons un chant créé et spécialement dédié à la guardia papale. »
Le 15 décembre, Iviu Pasquali, tous les membres de l’association et de la confrérie ne devraient pas être si loin duCasone sur le coup des 15.30 où le Pape François célébrera la messe. La veille, Iviu Pasquali sera au colloque sur la religiosité en Méditerranée, clôturé par le Pape le lendemain.
Et quant à l’association, elle va poursuivre son chemin à travers quelques idées telles que favoriser les liens étudiants (Erasmus) entre la Corse et Rome ou encore créer un pont, sportif, celui- là, entre l’équipe de football de Trastevere (série D) où a débuté Francesco Totti, et la Corse. En attendant, c’est bien de Foi, religion et Christianisme qu’il sera question ce dimanche 15 décembre. L’occasion, pour la Guardia Papale, d’être enfin reconnue.

Philippe Peraut
photo: Iviu Pasquali
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