Syrie : les Chrétiens sous la menace
Un petit pot de terre pris entre deux énormes et turbulents pots de fer
Syrie : les Chrétiens sous la menace
En Syrie, à l’approche de Noël, les Chrétiens n’ont pas la tête à la fête du fait de la victoire des rebelles islamistes.
J’aurais voulu, en ces jours précédant Noël, traiter un sujet international réjouissant malgré les conflits armés qui ravagent des pays et déciment des jeunesses, les massacres d’innocents qui ne voulaient que vivre, les crises économiques et la loi du profit qui condamnent au moins deux milliards d’êtres humains à la misère ou à être éhontément exploités, les désastres environnementaux qui menacent l’existence de l’humanité. Désolée, cela n’est pas possible. Le triste constat que la Syrie, du fait de la chute du régime de Bachar al-Assad et de la victoire des islamistes appartenant très majoritairement à la majorité confessionnelle sunnite, risque de devenir une terre hostile pour les Chrétiens, me conduit à produire un écrit empreint de pessimisme.
Un petit pot de terre pris entre deux énormes et turbulents pots de fer.
Je l’affirme : je crains le pire pour les Chrétiens parce que - contrairement à d’autres minorités qui potentiellement sont elles aussi menacées - ils ne sont ni une force armée, ni un groupe concentré dans une région, ni soutenus par une puissance extérieure influente ; et parce que l’approche de Noël peut susciter de sinistres desseins chez les adeptes du djihad et de la Charia. Cette crainte est fondée, même si j’espère que le pire n’est pas certain. En effet, par le passé, de nombreux chrétiens syriens ont été menacés, maltraités, massacrés ou contraints à l’exil par des rebelles islamistes. Rassurez-vous, je ne suis ni naïve, ni aveugle. Je n’entends pas, en écrivant les présentes lignes, exprimer ou susciter un regret que soit tombé le régime de Bachar al-Assad. Je n’ignore pas que ce régime était aussi criminel que dictatorial. Je sais que, durant des années, il a réprimé sans pitié les moindres oppositions ainsi que torturé et massacré des dizaines de milliers d’individus, y compris des adolescents et des enfants. J’ai aussi en tête qu’il a orchestré des campagnes d’attentats meurtriers hors de ses frontières. Mais tout cela ne saurait occulter que le pouvoir que vont mettre en place les rebelles qui, ces derniers jours sont entrés à Damas, pourrait faire de même à l’encontre des Chrétiens et d’autres. J’ai d’autant plus propension à m’alarmer concernant la communauté chrétienne que, tiraillée entre être obligatoirement loyale au régime de Bachar al-Assad et la peur d’un lendemain islamiste, et bien qu’étant majoritairement favorable à une évolution démocratique de la Syrie, elle n’a guère participé aux rebellions armées ayant débuté en 2011. Durant les années de feu et de sang qu’a subie la population syrienne, les Chrétiens (moins de 5 % de cette population) ont été comme un petit pot de terre pris entre deux énormes et turbulents pots de fer.
Une terre d’Islam rigoriste régie par la Charia et une base du Djihad.
Je crains aussi le pire car j’ai bonne mémoire concernant les victorieux. Le passé de la faction rebelle qui a créé les conditions de la chute du régime de Bachar al-Assad n’est pas la tolérance et la soif de démocratie. Durant des années, elle a affiché sa volonté de faire de la Syrie une terre d’Islam rigoriste régie par la Charia et une base du Djihad. Que son leader le sieur Abu Mohammad al-Jolani ait troqué le treillis et la pilosité hirsute pour le costume bien coupé et les cheveux et la barbe bien taillés, cela ne change rien à l’affaire. Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) que dirige le sieur Abu Mohammad al-Jolani est une émanation encore très récente du Front Al-Nosra qui avait fait allégeance au groupe Al-Qaïda. Sacré parrain ! Aujourd’hui, HTS veut se montrer rassurant avec des discours d’apaisement. Mais le précédent de Talibans, bons amis d’ Al-Qaïda, s’étant présentés comme devenus modérés quand ils sont entrés à Kaboul, et de ce qui à suivi, cela n’incite guère à croire le sieur Abu Mohammad al-Jolani et ses partisans.
Alexandra Sereni
Crédit photo : Pexels