Les dessous de la visite papale
La visite du Pape en Corse a déclenché une mini tempête entre la France et le Vatican
Les dessous de la visite papale
La visite du Pape en Corse a déclenché une mini tempête entre la France et le Vatican. C’est qu’Emmanuel Macron en plein naufrage politique aurait aimé que la réouverture de la cathédrale de Notre Dame se fasse en présence du souverain pontife qui a repoussé l’offre. Il a cependant de venir en Corse pour célébrer deux messes. Le choix a donné lieu à interprétations diverses.
Un refus idéologique de fond
La diplomatie nage la plupart du temps dans l’hypocrisie la plus absolue. Selon des indiscrétions venues même du Vatican, le refus du Pape d’assister à la réouverture de Notre Dame a été causé par l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française. Car s’il est bien un point doctrinal sur lequel l’église n’a jamais cédé c’est bien sur l’avortement. En partance pour Rome le 29 septembre dernier après une visite officielle en Belgique, le pape François évoquait devant des journalistes « la loi criminelle » autorisant des « tueurs à gages » — à savoir des médecins — à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. Le chef de l’Église catholique venait aussi d’annoncer son intention de lancer une procédure de béatification du roi Baudouin, décédé en 1993. Trois ans plus tôt, ce chef d’État très catholique avait refusé de signer une loi de dépénalisation de l’IVG approuvée par le Parlement et avait même menacé d’abdiquer si on comptait l’y contraindre. Les propos du Pape avaient décidé des milliers de catholiques à se débaptiser. Un an auparavant, une série télévisée, Oubliés de Dieu, avait été consacrée aux abus sexuels dans l’Église. Quelques mois plus tard, des journalistes révélaient qu’au moins 30 000 bébés mis au monde par des jeunes femmes célibataires dans des institutions religieuses leur avaient été enlevés de force et vendus à des parents adoptants. Cette attitude rigide a fait que lorsque le 8 mars 2024, la loi a inscrit dans la Constitution de 1958 la liberté garantie des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le Pape a rendu le président Macron responsable de cet acte d’où son refus de venir à Paris.
Pourquoi la Corse ?
L’aile la plus réactionnaire et la plus traditionaliste de l’extrême droite catholique qualifie, à tort d’ailleurs, le pape François d’adepte de la théologie de la libération et de communiste. C’est absurde lorsqu’on connaît le parcours personnel de ce jésuite. Néanmoins, il a confirmé une position très chrétienne et très humaniste sur la question des migrants. Il a insisté sur le fait que tous les hommes étaient des frères et que « les pauvres étaient la richesse de l’église ». De quoi faire enrager les identitaires. D’autant qu’en Corse, l’exécutif de la Collectivité s’est déclaré avec courage solidaire de la position du souverain pontife. Lorsqu’il était président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni avait appelé à suivre la position du pape François pour une « répartition équitable » entre pays européens des migrants fuyant leurs pays, et ce au moment où Emmanuel Macron était reçu au Vatican. Il s’était déclaré sur France Inter « disposé à porter secours » aux 233 migrants recueillis sur le navire humanitaire Lifeline, que l’Italie refusait de laisser accoster et qui avait finalement pu débarquer à Malte. Gilles Simeoni, président de l’exécutif avait de son côté déjà proposé début juin 2018 d’accueillir dans un port corse l’Aquarius affrété par l’ONG SOS Méditerranée avec 630 migrants à bord, Malte et l’Italie lui ayant refusé l’accès à leurs ports.
Le cardinal Bustillo au centre du jeu
Le Pape aurait été très impressionné par la ferveur de la délégation corse présente lors de sa visite à Marseille et il en aurait félicité le cardinal Bustillo. Il n’a pu qu’être sensible à l’impact de ce jeune cardinal sur le peuple chrétien de notre île. Enfin, on ne saurait exclure que le Pape âgé et malade prépare sa succession qu’il voudrait dans la continuité de son règne. Il n’est donc pas exclu dans un pareil contexte que le cardinal Bustillo soit un candidat sérieux à la succession du pape François. Cet homme a su charmer et être adopté par une Corse en recherche d’espérance. Flatteur en diable, il avait déclaré dans une interview donnée à Corse net infos : « « Du point de vue social, la Corse doit retrouver son autonomie, sa liberté et sa capacité à gérer sa vie politique. » Il a reçu les jeunes nationalistes en lutte pour la langue corse et a réussi à faire cesser les violences de rue. Serena Talamoni, la fille de Jean Guy, indépendantiste elle aussi a été invitée à disserter devant le vicaire de Dieu. De quoi faire enrager les anti autonomistes, mais peut-être aussi un président de la République défié jusque dans ses frontières quand bien même il s’agit ici de ses marges. Cette visite aura-t-elle des suites heureuses pour l’Église ? On le saura dans les mois qui suivent. Mais il est certain que cette étoile est une bonne étoile pour le cardinal Bustillo sachant que tous les chemins mènent à Rome
GXC